Je suis sur les routes d’Asie d’avril à juillet ; ce billet a été écrit au mois de mars avant mon départ de Shanghai…
Nous rencontrons aujourd’hui le cordonnier du coin de ma rue : son visage ouvert et souriant m’a donné envie de l’interviewer la dernière fois que je lui ai amené des chaussures à réparer. Je ne m’étais pas trompée : il a des choses à partager…
Qui es-tu ?
Je m’appelle Zhou Xiao Liang, je viens d’un petit village du Zhejiang.
Quand et pourquoi es-tu venu à Shanghai ?
Je suis venu en 1998, pour faire du commerce. Avant j’étais paysan et je ne gagnais pas beaucoup d’argent… je suis venu pour ça. Maintenant je vis seul.
As-tu une femme et des enfants ?
Oui, j’ai deux enfants : une fille de 19 ans et un garçon de 14 ans, ils vont à l’école dans le Zhejiang. Au début, je suis venue avec ma femme et mes enfants à Shanghai, mais c’était trop compliqué pour l’éducation, leur école n’était pas bien. Et finalement, le niveau était meilleur pour eux chez nous, donc ils sont repartis tous les trois.
Tu les vois souvent ?
On se voit tous les deux ou trois mois. Ma femme vient de temps en temps, et là, par exemple, je rentre pour le Nouvel An Chinois.
Tu penses rester longtemps à Shanghai ?
Non, je veux revenir dans le Zhejiang, les conditions de vie sont meilleures là-bas, ici c’est pollué…
Tu gagnes beaucoup d’argent ?
Pas tant que ça : je gagne 4.000 yuans par mois, parfois 5.000. Ma femme gagne 2.500 yuans : la différence n’est pas si grande. Avant c’était vraiment intéressant de travailler à Shanghai, maintenant ça l’est moins.
Aimes-tu ton travail ?
Que je l’aime ou pas, je n’ai pas le choix… en plus c’est pas bon pour la santé de travailler ici avec ces machines toute la journée. J’ai 45 ans, je ne pense pas travailler encore très longtemps, même pas cinq ans…
Quel serait ton rêve ?
Ce qui compte, c’est que j’ai plus de revenus, peu m’importe si je travaille beaucoup…
Que penses-tu de Shanghai ?
Ça va encore. C’est mieux qu’avant. En 1998, les conditions étaient vraiment dures pour les paysans venus en ville, maintenant ça va mieux. Il y a beaucoup de paysans qui vivent et travaillent à Shanghai, des millions…
Et que penses-tu de la société chinoise d’aujourd’hui ?
La société chinoise n’existe pas encore, elle est en train de se créer. La Chine se développe, c’est mieux qu’avant. Mais les gens, le petit peuple comme moi (le fameux Lao Bai Xing 老百姓), ne profitent pas de ce développement, de cette abondance. La richesse n’est pas pour eux… Ce n’est plus le « socialisme » comme au temps de Mao. Malgré ce qu’a dit Deng Xiaoping, la richesse ne s’est pas encore propagée jusqu’au petit peuple…
Que dirais-tu aux Français qui ne connaissent pas la Chine ?
Venez voir par vous-même, la Chine, venez voir Shanghai… on est un pays avec de nombreuses nationalités, il faut venir.
Il faut du temps pour que le pays se développe. Ça ira mieux un jour, mais maintenant c’est encore dur pour nous. Il termine sur ces phrases, mais avec un grand sourire…
Et si vous voulez faire marcher son petit commerce, allez lui rendre visite: il est situé sur Wulumuqi Bei lu, entre la Yan’an lu et Nanjing lu !
Retrouvez les précédents Portraits de Chine : Juanjuan, Abby, Catherine, Woody, Wang Qing, Ye Shilan, Tony ,Yani, Tian Jingyang et Rosalyn.
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