Cette semaine, c’est Yani que nous rencontrons dans notre série de Portraits de Chine. Je ne connaissais pas Yani avant de l’interviewer, je l’ai contactée suite à la lecture de messages laissés sur le forum bonjourchine.com. Rencontre :
Qui es-tu ?
Je m’appelle Yani Li, je suis une Chinoise mariée à un Français depuis 2007. J’ai vécu en France pendant 8 ans et je vais bientôt y retourner. Je viens du Sud-ouest, Sud-ouest de la Chine et de la France.
Pourquoi es-tu partie en France ?
Pour les études, j’étudiais déjà le français avant de partir. Ça pourrait ressembler à la réalisation d’un souhait inachevé de mon grand-père : il a fait ses études dans un lycée jésuite de Kunming. Il parlait latin couramment et lisait le français. Mais en fait j’ai décidé d’apprendre le français car j’étais douée pour les langues et que je parlais déjà l’anglais…
Comment tu décrirais ton expérience en France ?
La France, et plus précisément le Sud-ouest, c’est mon deuxième pays natal. Avant de partir en France, je n’avais jamais quitté mes parents : j’avais toujours dormi chez eux. Ils sont professeurs d’université, du coup, même à la fac, je dormais chez eux. En France, pour la première fois de ma vie j’ai été toute seule, la vie était totalement différente. J’étais comme un poussin qui sortait de l’œuf… et le Béarn m’a accueillie… par hasard car c’est l’université qui a répondu la première à ma demande.
Qu’est-ce qui t’a le plus marqué en France ?
La manière de vivre : j’ai découvert une façon paisible de vivre… un autre rythme, par rapport à la Chine. J’ai pu aussi faire du sport et découvrir la nature. En France, on est en contact direct et intime avec la nature, en Chine, la nature est aménagée, touristique…
J’ai aussi découvert un nouveau type d’amitié. J’ai rencontré des gens prêts à m’aider, à avoir des relations sincères, à vivre une amitié plus profonde.
Pourquoi es-tu revenue en Chine ?
Je suis revenue en juin car ma mère était malade. A près avoir vécu quelques années près de la famille de mon mari, je voulais retrouver ma famille. C’était aussi une occasion de trouver un travail. A Kunming ce n’était pas possible car il n’y avait pas de travail pour mon mari, il travaille dans le domaine sportif. Moi je suis professeur de chinois et traductrice. Je faisais une thèse en France.
Qu’as-tu pensé de la Chine à ton retour ?
Le contexte était particulier car ma mère était malade. Le côté matérialiste m’a beaucoup marqué. Mon impression générale c’est que les gens font plus attention à l’argent, même dans leur travail. Ils préfèrent gagner plus d’argent qu’avoir une bonne conscience professionnelle. A l’hôpital par exemple, je pense que ça n’a pas aidé la maladie de ma mère et que c’est pour ça qu’elle est partie plus tôt. Les docteurs ne lui ont pas expliqué à quel point son état était avancé, et elle a subi une opération très lourde, qui a enrichi son chirurgien mais qui a fait empirer son état. En Chine, à chaque fois que tu changes d’hôpital tu dois refaire des tests même quand tu es faible, tout ça pour que l’hôpital s’enrichisse…
Tu penses que toute la société fonctionne comme cela ?
Quand les gens travaillent, ils pensent plus à se faire de l’argent qu’à bien faire leur travail. C’est pareil dans plein de secteurs.
Ce n’était pas pareil avant ?
Avant on ne le sentait pas autant. Ça dépend des villes aussi. A Kunming, tout le monde sourit, à Shanghai, les gens n’ont pas l’air sympa ou accueillant…
Par rapport à la Chine, je trouve aussi que les traditions sont un point négatif. En France, on est plus libre, pas individualiste mais libre, j’ai appris à mieux aimer. En Chine, la tradition rend les rapports superficiels. Mes oncles et tantes m’ont jugée et donné beaucoup d’ordre par exemple, juste car il faut appliquer la tradition. Ils n’ont pas essayé de me comprendre ou de se mettre à ma place…
Tu es déçue par la Chine ? tu n’as rien retrouvé de positif ici ?
Pendant ces cinq mois, non ! la famille ne m’a apporté aucun soutien, rien que de la pression. Et même mes amis… c’est une des raisons pour lesquelles je voulais rentrer, mais en fait, ils ont leur vie, ils sont moins intéressés pour partager quelque chose avec toi. Mes amis chinois n’ont pas su exprimer leurs sentiments. Nos amis de France, malgré la distance, ils ont été plus présents…
Je suis aussi déçue par la qualité des services dans tous les domaines… Même pour les funérailles de ma mère, les gens ont préféré faire des choix par tradition plutôt que des choses qui auraient plu à ma mère, et les professionnels du secteur n’ont rien à faire des sentiments des proches…
Comment te vois-tu dans 10 ans ?
En France !
Tu ne penses pas revenir vivre en Chine ?
Non, seulement pour les vacances…
Quel est ton rêve ?
Si je pouvais revivre une fois, je serai joueuse de tennis professionnelle… Aujourd’hui, j’aimerais voyager le plus possible pour découvrir plus d’endroits et la nature aussi…
Quel message aimerais-tu passer aux personnes qui lisent cet entretien et ne connaissent pas la Chine ?
Il faut quand même venir voir ce pays au moins une fois : c’est un grand pays avec une culture tout à fait différente de l’Occident. Ce n’est pas un meilleur pays qu’un autre, mais c’est tout simplement différent : ça enrichit et ça aide les gens à changer de point de vue, à réfléchir…
J’ai aimé la Chine jusqu’à mes 22 ans, après j’ai préféré la France. Un pays a différentes mentalités selon différentes périodes, c’est normal que la Chine ait cette mentalité en ce moment. Quand l’économie sera plus stable, ça pourra changer. Dans quelle direction ? si on ne fait rien je ne sais pas, c’est si particulier comme pays …
Retrouvez les précédents Portraits de Chine : Juanjuan, Abby, Catherine, Woody, Wang Qing, Ye Shilan et Tony.
Merci Marie-Claude pour votre commentaire.
On parle souvent du choc culturel quand on arrive dans un pays, et moins souvent du choc du retour quand on revient dans le sien. Je ne l’ai pas encore vécu, mais je sais que quand je rentrerai en France, je devrai m’y préparer, de la même manière qu’on se prépare à partir !
Moi aussi vivant dans un pays étranger (le deuxième en fait) et ayant quitté le mien (la France) depuis plus de dix ans, je suis très touchée par ce témoignage.
Le fait de s’éloigner de ses origines est inévitable quand on est loin, longtemps, on n’évolue pas de la même façon, et puis la confrontation à une autre culture nous fait obligatoirement évoluer.
Ce retour peut être plus ou moins facile, plus ou moins douloureux, et là les circonstances n’étaient pas faciles.
Je trouve que Yani Li le prend avec beaucoup de sérénité.
très bon prolongement du post de bonjourchine !ah si tous mes élèves pouvaient être aussi passionnés par la France comme cela^_^
concernant le choc du retour,je l’ai vécu en rentrant du Cambodge et cela a été la catastrophe,tout me paraissait fade, mon mémoire n’avançait pas et je voulais absolument repartir en Asie..donc du coup,sitôt ma soutenance terminée et malgré le fait que je pouvais devenir fonctionnaire ,j’ai bouclé ma valise pour la Chine ! Etant donné que mon travail n’ a pas pour vocation d’être pratiqué en France, je ne pense vraiment pas du tout à retourner une seconde fois ( sauf vacances bien sur).En fait, il faudrait une catastrophe….
@ maitre shifu: je ne te la souhaite pas cette catastrophe… Après je pense qu’il y a aussi de supers bons points à revenir au bercail, je pense notamment à la famille, aux amis et à la bonne bouffe de mon Sud-Ouest natal, mais tout ça reste très personnel; et vu l’expérience de Yani, un retour n’est pas forcément définitif !
Je rejoins Shifu concernant la qualité de cet article (et du blog en général.)
Bon moi je suis parisien de nature mais c’est vrai que le sud ouest français est vraiment la région la plus belle pour moi, d’ailleurs je conseille toujours a mes ami-e-s chinois-es qui veulent partir en France (notamment pour étudier) de partir dans cette région car c’est la plus charmante, Paris c’est bien pour visiter après pour y vivre… Faut aimer le gris !
Concernant le choc des cultures j’ai jamais passé assez de temps dans un pays pour arriver au quatrième palier, cependant je remarque qu’après la même période je n’ai pas vraiment envie de retourner en France, alors que aux Etats-Unis j’en pouvait franchement plus.
Des mon master en poche je serai aussi l’un a quitter la France, pas pour chercher la richesse mais plus pour vivre différemment, on a qu’une vie et ne vivre que dans une culture je trouve cela un peu triste.
Belle intervention ! 🙂