Ce titre m’a été soufflé pendant ma méditation matinale.
Au lieu d’écrire « soufflé », mon doigt ripe et « souffré » s’affiche – j’y devine un lapsus écrit : mon âme me souffle que je peux partager ici quelques-unes de mes souffrances, alors j’inspire profondément, je laisse la sérénité des tulipes s’épanouissant devant moi et des oiseaux pépiant au loin m’envahir et je me lance.
Le Chemin ? Comment parler de mon chemin, sans tomber dans des généralités ou au contraire dans des dévoilements trop intimes ? Le sentier entre les deux est étroit et m’évoque un chemin de crête, un fil sur lequel danser en équilibre. Tentons…
Ce matin, alors que j’avais déjà ce titre en tête, je découvre ces lignes dans une des rares newsletters que je lis encore en ces temps confinés :
Les sages des Upanishads font une distinction entre « ceux qui se contentent de plaisirs personnels » et « ceux qui cherchent la Vérité ». Pour ces derniers, ils encouragent de suivre « le chemin du prana, » où le mot prana veut dire le chemin du souffle, de la respiration, de la vie elle-même. Ce chemin, disent-ils, est le « refuge suprême, au-delà de la peur. »
Je crois que c’est bien de ce chemin-là dont j’ai envie de parler, particulièrement ces temps-ci où la peur est bien trop présente dans nos vies…
Chercher la Vérité peut sembler un brin présomptueux, dans l’idée « je me place au-dessus de la mêlée, du vaste peuple occupé à sa simple vie terrestre quotidienne – survie même pour certains ».
Et pourtant cette direction qui m’attire, c’est vers là que j’ai envie d’aller, de courir même.
Cette Vérité qui pour certains – dont je fais peut-être partie – a été révélée dans les religions. La Vérité de Dieu, de l’amour, de la paix entre les Hommes.
Pour moi, le chemin commence avant tout par rechercher la Vérité de l’harmonie avec moi-même, préambule nécessaire à toute autre vérité. Harmonie, paix, amour, joie et sérénité ressenties avant tout envers soi-même ; pour ensuite avoir la possibilité, l’envie et la force de les diffuser au-delà de soi, envers les êtres qui nous sont chers, et finalement envers tout ce qui nous entoure.
Comment en suis-je arrivée là – non pas simplement à évoquer cette idée comment quelque chose d’abstrait, à laquelle je consacre quelques minutes de temps en temps – mais comme un fondement qui structure beaucoup de mes actions, et je l’espère un jour chacune d’elle ? Allez, je me le permets, puisque certaines lectrices me l’ont demandé, je vous raconte…
J’ai eu une enfance que j’ai toujours estimée ordinaire : deux parents présents et aimants, benjamine d’une fratrie de trois, une grande maison dans la campagne de la classe moyenne toulousaine, la chance de mener les études qui me tenaient à cœur, et grâce à elles de découvrir la France (coucou les études sur le pavé arrageois) et le monde – je vous parlais de ma première rencontre avec l’ailleurs ici, elle en a appelé bien bien d’autres. Globalement, mes chers parents lecteurs de ce blog en conviendront, il n’y a pas eu de vague dans ma jeunesse.
J’ai commencé ma vie active, j’ai voyagé un peu plus encore et je me suis finalement installée en Chine, c’est d’ailleurs à cette occasion que j’ai commencé ce blog de voyage. Cette vie détonnait un peu par rapport à mon univers familial, mais restait cohérente avec mon parcours de jeunesse.
Et puis, il y a eu une première cassure, le 31 décembre 2009 en Chine. Je n’en ai jamais parlé sur ce blog, le sujet étant trop délicat pour moi pour être jeté en pâture au vaste wèbe, mais il est question d’une violente agression, qui a provoqué un choc sans précédent en moi.
J’ai vécu ce drame, seule à Shanghai, sans aucun soutien de mes proches – les rares étant près de moi ne mesurant pas l’onde de choc, ceux étant loin n’en ayant pas été informés. Pendant 18 mois j’ai apposé sur cette plaie béante un pansement, comme on le poserait sur une jambe de bois. A mon retour en France, la plaie a tout simplement explosé et une cassure définitive a eu lieu. J’ai quitté mon conjoint d’alors qui me rattachait à ces souffrances, j’ai débuté une psychothérapie et j’ai commencé à me rapprocher de moi-même.
Ce fut là le début du chemin.
J’ai déconstruit certaines certitudes que je croyais universelles, je me suis détachée de quelques-unes des souffrances qui y étaient liées et j’ai commencé à créer les bases de ce que je voulais être moi.
Une des premières questions posées à ma thérapeute fut « Quelle est ma place ? ». Elle me répondit « Si nous travaillons bien, vous aurez la réponse à cette question vous-même ».
Ce fut le cas neuf mois plus tard – le temps d’une gestation pour mon nouveau moi. Sans surprise aucune, ce fut exactement à cette période-là que je rencontrais celui qui allait devenir mon mari, et qui était aux exacts antipodes de mon univers familier, et que je trouvais ma place professionnelle chez Evaneos, où je travaille toujours à l’heure où je rédige ces lignes, sept années plus tard.
« Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous », comme le dit si poétiquement Éluard, et j’avais donc rendez-vous avec moi-même. Ma place était trouvée, ma nouvelle vie pouvait commencer.
Ont suivi des années plutôt heureuses, avec leurs hauts et leurs bas tout de même, avec surtout beaucoup d’épanouissements personnels (coucou les voyages en nombre, la danse, la publication de livres) et d’immenses bonheurs en famille : parmi eux, le jour du grand Oui, le jour où je suis devenue mère, et le jour où j’ai appris à partager cet amour maternel.
Et une nouvelle cassure est arrivée par là où je l’attendais le moins. Ce second bébé, totalement voulu, attendu et aimé, a emmené avec lui une déferlante que je n’aurais jamais pu anticiper. Mon couple a été soumis à rude épreuve comme jamais. J’ai lu par la suite que c’était un schéma classique : couple + bébé1 + bébé2 = on va droit dans le mur, Titiou Lecoq en parle notamment dans son livre « Libérées ! Le combat féministe se gagne devant le panier de linge sale ».
Les 18 premiers mois suivant cette seconde naissance ont été épuisants. J’étais systématiquement fatiguée, j’avais trop peu de temps pour moi, je me suis éloignée de l’écriture, et… je me suis tout simplement éloignée de moi-même. Je voyais, tout à fait à tort, ce bébé innocent comme la source principale de mes fatigues. Le jour où j’ai vraiment réalisé ce dernier point, je me suis sentie mal, très mal. Il fallait changer quelque chose.
La méditation a commencé à s’installer dans ma vie. Très peu d’abord, une poignée de minutes, trois puis cinq, chaque matin et chaque soir. J’y voyais une pause, une douceur, une respiration, et une ouverture. Les minutes se sont allongées et j’ai atteint le rythme du quart d’heure deux fois par jour, quart d’heure qui m’apporte la sérénité chaque jour, et qui m’apporte de l’espace intérieur aussi. Cet espace si nécessaire entre soi et ses pensées pour ne pas se laisser emporter par ses émotions, ne pas se laisser dépasser ou engloutir par elles, et réaliser : je ne suis pas mon mental, je ne suis pas mes émotions.
J’ai ensuite souhaité faire bouger les lignes avec mon mari : un déséquilibre existait bel et bien, il fallait rétablir l’équilibre, coûte que coûte.
Pendant plusieurs mois j’ai lutté (à la première rédaction de cet article, j’ai écrit « pendant plusieurs moi », lapsus écrit quand tu nous tiens…). Très maladroitement, en exprimant avec difficulté ce que je n’arrivais même pas à m’avouer.
J’ai commencé à décortiquer mon fonctionnement et à comprendre l’articulation circonstance-pensée-émotion-réaction qui était dans mon cas de la pure dynamite laissée à ciel ouvert. Le podcast « Change Ma Vie » m’y a grandement aidée.
J’ai parfois commencé à exprimer mon désarroi avec plus de justesse. Ma moitié n’était pas à l’écoute, ayant sans doute été trop usée par mes précédents excès de violence verbale.
Je suis partie travailler en Inde pour dix jours et j’y ai pu m’apaiser un peu. J’ai cru que ma vie de famille telle que je l’avais connue était terminée et j’étais en paix avec cette idée.
Au moment où je ne l’espérais même plus, ma moitié a décidé à son tour de faire bouger les lignes. Encouragée par ses efforts, j’ai retrouvé l’espoir et l’envie de bouger moi-même auprès de lui. Et j’ai décidé de reprendre une psychothérapie, avec la même personne que huit années auparavant. Nous avons rouvert ensemble le livre du « travail sur soi » où nous l’avions laissé.
Tout cela nous mène au début de l’année 2020, année où je sentais bien que des surprises m’attendaient. Et le confinement a tout accéléré : à ma routine de méditation, j’ai ajouté du yoga chaque matin et très souvent le soir. J’ai continué à échanger avec ma thérapeute. Je me suis retrouvée dans le huis-clos du couple ne pouvant pas fuir notre relation, mais devant au contraire faire face à ce qu’elle avait à m’apprendre. J’ai repris régulièrement la plume.
Le confinement m’a aussi permis de renouer avec une très chère amie de Shanghai. Elle est coach de vie, et est particulièrement éveillée spirituellement. J’ai beaucoup échangé avec elle en janvier, quand elle se trouvait confinée seule dans son appartement et que l’Europe n’avait pas encore basculé dans cette inédite situation. Je la soutenais tant que possible, et nos appels sont devenus réguliers, des rendez-vous hebdomadaires se sont installés. Nous avons beaucoup parlé et parlons beaucoup encore. Retour inattendu des choses : c’est elle qui me soutient aujourd’hui !
La question de la place de l’âme dans sa vie, dans nos vies, a émergé. Cette même question est apparue dans les discussions avec certaines de mes très chères amies…
Et depuis, le chemin continue…
Cet article est aussi spécial que personnel. Il y aura peut-être une suite, peut-être pas.
Une chose est par contre certaine : le chemin continuera pour moi.
(la photo vient du site unsplash.com)
Ce texte est très émouvant !
Merci Alain pour votre fidélité … et pour ce gentil message !
MERCI pour ce « chemin », quelque fois sinueux mais toujours bordé de fleurs et chants d’oiseaux
Merci à vous pour ce message ici ! Amitiés,
Très beau texte, qui est bien resté en équilibre sur la crête entre l’intime et l’universel
Oh merci Bérengère, ton mot me touche beaucoup !
(et j’espère que nous aurons l’occasion de nous revoir bientôt… malgré tout !)
Aurélie, ne change rien… 😉
Merciiiii Anne !
Tout en retenue, vous nous ouvrez votre “coeur“ nous suggérant en douceur d’ouvrir le nôtre… Vous nous proposez la méditation, un travail sur soi énergisant et intime afin d’amorcer les échanges avec autrui … une meilleure écoute de soi pour apporter de la bienveillance à autrui… Je me fais “complice“ de votre cheminement et aime lire vos propos toujours doux, accueillants et chaleureux… que le 11 mai nous apporte de meilleurs horizons…avec prudence et espoir !!…
Oh Marie-Thérèse, que ces mots me touchent… oui vous avez tout si bien compris…
Bien amicalement !
J’aime. Je t’aime.
Merci. Merci.
Coeur coeur, love love.
Je connaissais certains points plus en détails, et avec ce texte tu as su faire des pointes entre généralités et dévoilements intimes. Très touchant. J’espère pouvoir croiser à nouveau « ton chemin » très bientôt
Merci Pauline <3
Et oui, à très bientôt !
Merci de partager un peu du chemin avec nous…
Merci beaucoup pour ton mot ici et pour ta fidélité !