Je me prête aujourd’hui à un exercice un peu particulier. Je souhaite vous conter la première fois.
Mon tout premier voyage à l’étranger…
Mes parents avaient peu de moyens, et petite, je faisais partie de ceux qui écoutaient les autres raconter leurs vacances dans des contrées lointaines. Les miennes, pourtant joyeuses, se déroulaient toujours dans un rayon de deux cents kilomètres du domicile familial.
Et puis il y eut Madame Lincou, enseignante de la première langue étrangère étudiée. Elle eut la brillante idée d’organiser un échange linguistique avec un petit collège d’Autriche, car la langue de Goethe fut la première à résonner en mes oreilles après celle de Molière. Cet échange d’abord épistolaire fut bientôt suivi d’une visite de ma correspondante chez moi, puis de la mienne, chez elle.
Déjà, quatre années auparavant, ma grande soeur avait réalisé un échange similaire. Et je me rappelle parfaitement d’avoir reçu cet adolescent autrichien à la maison alors que j’étais encore à l’école primaire. Un peu bizarre ce Wilhem qui ne parlait pas français. Premier contact avec l’altérité, pour moi qui avais grandi dans un village de moins d’un millier âmes.
Ce fut donc mon tour quatre ans plus tard de recevoir Anna à la maison. Elle était ouverte, sympathique et avenante. Elle devint une amie. Peu importe que nous ne comprenions pas tous les détails de ce que nous disions, nos regards et nos rires n’avaient pas besoin de mots. Quatre ou six mois plus tard, ce fut moi qui prit l’avion en sens inverse et me retrouvait à vivre pour trois semaines à Graz, la seconde ville d’Autriche.
Du haut de mes douze bougies, je compris ce qui est pour moi, aujourd’hui, évident. Il existe des gens qui ne parlent pas comme moi, qui ne mangent pas, n’étudient pas, ne vivent pas comme moi. Et pourtant je passe de superbes moments avec eux. Apprendre une langue ne sert pas seulement à décliner des conjugaisons ou à avoir de bonnes notes. Apprendre une langue sert à communiquer avec un monde plus vaste que celui qui m’entoure habituellement. Apprendre une langue donne la possibilité de rencontrer, d’échanger, de créer des liens avec d’autres personnes, d’élargir les limites de son monde.
Ces trois semaines à l’étranger furent tout simplement une révélation. Je notais déjà dans mon carnet intime de l’époque: « j’ai envie de beaucoup voyager, de découvrir de nouveaux pays ».
Mais c’est avec le recul que je réalisais ce qu’avaient déclenché en moi ces trois semaines. L’envie d’aller vers l’autre était née en moi, le désir de l’ailleurs y était ancré pour toujours.
Les parents de ma correspondante, tout polis qu’ils étaient, me proposèrent de revenir chez eux quand bon me semblait. Je pris leur invitation au pied de la lettre. L’année suivante je priais mes parents pour repartir là-bas, et, face à mon enthousiasme débordant, ils ne purent refuser. Ce fut mon premier voyage en toute indépendance: à 13 ans, je prenais l’avion seule. Petite anecdote illustrant ce périple: je me souviens de la panique qui me saisit au vol retour, lorsque je ratais ma correspondance. J’appelais mon père en pleurs de l’aéroport de Vienne: « Mon avion pour Toulouse est parti, je ne pourrai jamais rentrer ». Premier imprévu d’une très longue série de voyages indépendants…
Je tiens à remercier ici du fond du coeur cette enseignante qui a déclenché en moi une double passion insoupçonnée, celle des voyages et celle de l’étude de langues. Passions plus que jamais présentes dans ma vie près de vingt années plus tard !
Frau Lincou, herzlichen Dank !!!
Et vous, quelle était votre « première fois » ?
Partagez donc vos histoires croustillantes dans les commentaires !
L’idée de cet article m’est venue en répondant aux questions de Marie-Agnès pour le Journal des Enfants (journal belge avec un million de lecteurs!).
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Mon tout premier voyage etait un sejour linguistique en Angleterre dans une famille d’accueil: ils m’ont a peine nourrie, m’ont piqué mon argent de poche et on mentit a mes profs sur mon comportement. J’ai donc decide de ne jamais remettre les pieds dans ce pays. J’avais 13 ans comme toi. Ironie du sort, j’y vis maintenant et ils sont cool les anglais en fait. Ce premier voyage n’a pas ete un element declencheur. Par contre au lycée j’ai fait russe et la j’ai eu la meilleure prof qui soit, Elle nous a emmenes a St Petersbourg en famille d’accueil et la c’etait inoubliable 🙂
Ah, dommage pour le premier voyage. J’avoue y être parie aussi en Angleterre après l’Autriche, et j’ai beaucoup moins aimé. La différence était de ne pas avoir une correspondante comme en Autriche, mais une famille d’accueil.
Mais c’est sympa de voir que pour toi aussi c’est l’école qui a amené la passion…
C’est vrai qu’une langue c’est bien plus que des conjugaisons à apprendre par cœur, des interros surprises ou des têtes baissés lorsqu’il s’agit de prendre la parole. On s’en rend compte lorsqu’on voyage, mais je trouve que c’est souvent tard…
Je suis entrain d’imaginer la petite Aurélie appelant son papa parce qu’elle a raté sa correspondance. Très touchant.
Pour ma part, je ne me souviens pas clairement de ma première fois. Je crois que c’était en Italie, avec l’école. De Rome à Florence, c’était un séjour super, imbibé de culture et de monuments extraordinaires. La première fois que je suis partie seule, c’était en séjour linguistique (comme la Lucie du dessus) en Irlande. Ma mère avait dépensé une fortune pour un truc dénué d’intérêt. Enfin, heureusement que les paysages irlandais étaient là pour rattraper l’ambiance familiale. Je pense qu’on a tous un voyage qui nous a marqué plus qu’un autre et qui nous a donné le déclic. Pour moi il ne vient pas de ma première fois 😉
PS: Le choix de la photo pour illustrer ton article m’a bien fait sourire
C’est clair que c’est plus le « voyage déclic » qui compte et marque que le premier voyage. Ca dépend tant des expériences…
Moi c’était en Italie en voyage scolaire car j’apprenais l’italien au collège et cela a déclenché ma passion pour ce pays mais tout comme toi je n’ai jamais vraiment voyagé avec mes parents à l’étranger… depuis je me suis bien rattrapée… du coup j’ai peur que mes enfants qui ont beaucoup voyagé veulent eux une fois adulte faire l’inverse tout comme moi… rester à la maison 🙂
Franchement je ne pense pas que le goût des voyages saute une génération 🙂 A mon avis tes enfants ils voudront plutôt voyager beaucoup plus que toi encore!
Merci pour ce très bel article, Aurélie.
Ma première fois ? Ou plutôt ma « première approche » … Il ne m’a fallut que quelques secondes pour me la remémorer : ce fut aussi une rencontre, celle d’une petite fille américaine arrivée en Belgique avec sa famille, suivant le père dans ses mouvements professionnels.
J’étais assise dans ma classe, en deuxième primaire (qu’est-ce que ça donne converti en « français » ? J’avais 7-8 ans …), et notre professeur nous présente alors une nouvelle élève, expliquant qu’elle ne parle pas français et qu’elle va rester avec nous. « Qui veut accueillir Amanda, partager son banc et son casier avec elle ? ». Ni une ni deux, une seule main s’élève dans la classe : la mienne (moi qui ne levais jamais la main !).
Amanda et Amandine, une perche du destin ?!
Quoi qu’il en soit, elle apprit à parler peu à peu le français, nous rions de ses erreurs et de son accent charmant, et elle m’apprenait l’anglais par des petites chansons, nous nous échangions nos livres français – anglais, sans se soucier de comprendre la langue, regardions les mêmes dessins animés …
Par son contact, j’ai été fasciné de cet ailleurs qu’elle représentait. Sa peau couleur chocolat me donnait envie de connaître sa culture, son histoire, … sans pouvoir le formuler comme tel.
Mon père ayant vécu son enfance en Afrique, je savais qu’il y avait un « ailleurs » à découvrir, et il m’intriguait d’autant plus !
Après deux ans en Belgique, Amanda est retournée en Arizona avec sa famille, un vrai déchirement. Nous avons échangé quelques lettres à cette époque où la technologie n’avait pas encore fait son apparition dans ma vie, mais difficile de tenir une correspondance sur la distance à ce jeune âge.
Lorsque, des années plus tard, je suis allée réalisé un stage pour l’université à Québec, je me suis souvenue de cette petite fille au sourire rieur, et j’ai eu envie de reprendre contact avec elle, maintenant que j’étais du même côté de l’Atlantique qu’elle. Miracles de la technologie, j’ai retrouvé sa trace, et nous avons pu échanger par mail. C’est avec plaisir que nous avons repris des échanges, nous remémorant nos souvenirs d’enfance.
C’est décidé, lorsque je passerai « dans le coin », j’irai lui rendre visite !
Superbe ton histoire Amandine, elle mériterait un article avec plus de détails 🙂 Je n’ai pour ma part pas recontacté Anna, mais je me suis posée la question il y a peu. La magie des réseaux sociaux m’aidera peut-être…
J’adore ton histoire, Amandine. C’est vrai qu’Internet peut nous permettre de retrouver d’anciennes connaissances. Pour ma part, j’aimerais reprendre contact avec une copine Suisse connue en voyage d’un mois en Californie, inoubliable, il y a 20 ans, mais j’ai oublié son nom de famille 🙁 Aurore si tu passes par ici lol
Pour te répondre, la 2e primaire correspond au CE1 en France. J’ai grandi en Suisse et on parle aussi de 1e primaire 😀
Marjorie
Merci @Marjorie 🙂
J’espère que tu retrouveras la trace d’Aurore 😉
Et merci pour la traduction primaire – CE1 ; on a beau me le redire, je n’arrive pas à imprimer !
Et Merci @Aurélie,
Oui, peut-être un jour j’écrirai un article de ce style, plus personnel … qui sait ! 😉
Bonne fin de semaine à tous ^^
Re,
Oui, pas facile de retenir ces noms de classe.
Le CP, c’est je crois Cours Primaire, à 6 ans.
Ensuite tu as les 2 Cours Elémentaires, puis les Cours Moyens ^^
Je me permets de mettre ici un lien vers un de mes articles de blog, vous pourrez y télécharger un super recueil de 17 histoires extraordinaires (et réelles !) arrivées en voyage, dont la mienne avec une kalachnikov au Niger lol !
Au plaisir !
http://www.histoireavivre.com/17-histoires-extraordinaires-pour-votre-ete/
Tu m’as fait rire avec ton sentiment de ne plus jamais pouvoir rejoindre Toulouse ! Cela m’a rappelé Mon 1er voyage à l’étranger. C’était en Tunisie avec mes parents, j’avais 7 ans et à l’aéroport Charles de Gaulle j’ai cru ne plus les revoir !!! Ils sont descendus de l’ascenseur et.. pas moi, je suis restée à l’intérieur. Le temps de quelques secondes, la porte s’est refermée. Perdu de vue à 7 ans c’est perdu pour toujours !!! Bien évidement la porte s’est ouverte et ils étaient là. Paradoxalement je n’ai pas le souvenir d’avoir paniqué, juste d’avoir perdu quelqu’un !
« Perdu de vue à 7 ans c’est perdu pour toujours !!! » c’est vraiment bien dit Catherine 🙂 Merci pour le partage de ce souvenir !
Merci pour ce beau récit que me fait replonger dans mon enfance 🙂
Avec plaisir Jean !
Merci de raconter votre première voyage,c’est si beau.Quand à moi,je n’est jamais voyager;en lisant votre article,je suis convaincu de faire mon bagage pour ma première voyage.merci pour ce partage et bonne continuation,c’est si instructif.
Merci pour ce beau récit que me fait replonger dans mon enfance .Pour ma part, je ne me souviens pas clairement de ma première fois. Je crois que c’était en Italie, avec l’école. De Rome à Florence, c’était un séjour super, imbibé de culture et de monuments extraordinaires.
J’ai un peu voyagé à l’étranger avec mes parents puis les classiques voyages linguistiques avec le collège. Mais mon premier voyage « seule » était en Allemagne à 17 ans, chez une correspondante. En fait je n’étais pas totalement seule car une copine de collège grâce à qui j’avais trouvé ma correspondante avait sa propre correspondante dans la même ville. Nous avons donc pris l’avion ensemble et sur les deux semaines nous avons passé 3 ou 4 journées toutes les 4.
C’était pour moi un test pour savoir si j’étais ensuite capable d’aller toute seule en Australie pendant l’été de mes 18 ans. Un test réussi puisqu’on ne m’arrête plus depuis.
Vive les correspondantes germanophones !
Bonjour Tiphanya,
merci pour ton témoignage, j’ai bien souri en le lisant et en effet, vivent les correspondantes en langue de Goethe 😉
Comme je suis heureuse que tu aies fait signe à mon appel sur twitter!
J’avais lu ce billet une première fois, à l’époque de sa publication, car il avait, je crois, été retweeté par Madame Oreille, le seul blog voyage que je lisais à l’époque avec celui de Seth et Lise.
Je commençais à chercher de nouveaux blogs de baroudeurs à me mettre sous la dent, car j’avais (et j’ai encore) le désir de raconter mes souvenirs de voyage dans mon propre blog (à thématique historique et culturel). J’étais donc en quête de blogs « bien rédigés » pour voir ce qui me plaisait chez les autres et comprendre ce que je souhaitais moi-même transmettre…
Cet article sur ton premier voyage a nourri en moi beaucoup de réflexions. Tout d’abord en le lisant, j’ai su que ton blog était à ajouter à ma catégorie « bon blog de voyage à suivre », tant j’avais été touchée par la justesse du ton.
Ensuite, j’avais été marquée par ces deux phrases : « Apprendre une langue ne sert pas seulement à décliner des conjugaisons ou à avoir de bonnes notes. Apprendre une langue sert à communiquer avec un monde plus vaste que celui qui m’entoure habituellement ». Voici une étape de mon développement que j’ai raté: j’ai toujours été « nulle » à l’école en langues, alors même que j’aimais étudier et comprendre les manières de vivre ailleurs. Aujourd’hui encore, alors que je voyage beaucoup, je souffre de mon incapacité à m’exprimer en langue étrangère. Quelle barrière alors que j’aimerai aller à la rencontre de l’Autre!
Et enfin, ton article m’a amené à rassembler mes premiers souvenirs de voyage… Des souvenirs éparses que j’ai consigné dans un billet intitulé « ces lieux que je ne pensais jamais voir » et que tu pourra à ton tour lire ici : http://peccadille.wordpress.com/2014/04/01/ces-lieux-que-je-pensais-ne-jamais-voir/
Quand je l’ai publié, j’aurais aimé l’envoyer à l’auteur du billet qui l’avait inspiré, sans jamais retrouver l’URL de ton article. Voilà qui est fait!
Il m’a fallu longtemps avant de te répondre, sans doute car j’ai été très touchée que ce billet te marque autant !
Merci pour ton commentaire…
Concernant l’apprentissage des langues, tu n’as peut-être juste jamais trouvé la méthode qui te correspond? En tête à tête avec un prof? avec une méthode seul derrière l’ordi? directement sur place avec des cours collectifs? Les méthodes sont nombreuses, on est souvent mal éduqués dans le système français, mais je suis sure que chacun peut trouver « sa » méthode!
Je file lire ton billet…