La scène se passe par un gris samedi de novembre. J’ai quelques instants de calme devant, peut-être quelques minutes, peut-être près d’une heure, les sommeils des enfants étant impénétrables.
J’ai envie d’écrire, comme je vous le confiais récemment amis lecteurs. Mais je ne sais pas sur quoi, n’ayant pas eu la chance de m’envoler pour de nouveaux horizons récemment.
Je demande à mon cher et tendre qu’il me propose un sujet d’écriture. « Découvrir sa terre natale quand on ne la connaît pas » me répond-il plein d’entrain. Je ne comprends pas de prime abord. « Pense à J. qui va bientôt aller au Mali » continue-t-il.
Tout s’éclaire, laissez-moi vous expliquer.
Je n’ai pas voyagé depuis plusieurs mois, précisément depuis que je suis tombée enceinte de mon second fils, J.
J’avais heureusement pris ma dose de voyages juste avant sa conception, enchaînant en quelques semaines Mali, Haïti et Madagascar, trois faces bien différentes de la négritude. Mais le moins que je puis dire, c’est que plus d’une année et demie sans voyager pour la Curieuse Voyageuse que je suis est vraiment long.
Heureusement, deux nouveaux départs sont prévus : un premier départ en solo à Lisbonne dans quelques semaines, que je vais redécouvrir par le prisme d’une très chère amie franco-indienne installée là-bas et donc… le Mali !
Nous repartons au Mali en famille en fin d’année. En famille ? Mon cher et tendre, nos deux fils et votre serviteuse. Mon 3,5 ans, Y., qui a déjà été là-bas deux fois, et J. mon junior qui soufflera là-bas sa première bougie…
J. est né à Paris, de parents franco-maliens – je vous invite d’ailleurs à relire cet article où je vous expliquais pourquoi je suis devenue franco-malienne. Et donc comme mon cher et tendre me l’exprimait à l’instant, J. va découvrir sa terre natale qu’il ne connaît pas.
Un coup d’oeil dans un dictionnaire m’apprend que « natal » signifie « qui se rapporte à la naissance, c’est-à-dire le fait d’être venu à la vie. Ce terme peut qualifier un lieu, une époque ou des objets liés au nouveau-né. »
La « terre natale » d’une personne, peut donc, dans la poétique conception de mon cher et tendre, ne pas être qu’un lieu, puisqu’en l’espèce notre fils n’y est pas né, mais une culture, une conception, un espace virtuel. La terre natale de mes métis de fils franco-malien serait donc les cultures malienne et française… J’adore cette idée.
Il y a quelques années, alors que j’annonçais mon mariage avec mon amoureux venu d’ailleurs, on me renvoyait souvent aux difficultés qui allaient nécessairement suivre nos épousailles. Difficultés supposées logistiques, administratives ou que sais-je encore… Je répondais aussi spontanée que décidée que les richesses liées à l’interculturalité seraient toujours pour moi plus importantes que quelconque difficulté.
C’est dans des échanges comme ce jour, dans des modestes réflexions comme celles-ci, que cinq années après lesdites épousailles, j’en suis plus convaincue que jamais : pour aucune « facilité » du monde je ne renoncerai à la richesse de mon couple mixte… Me viennent à l’esprit les mots d’une chère amie que je citais déjà dans un petit article autour de l’idée la « vraie vie »:
Si je ne l’avais pas connu, il me manquerait un pan entier de l’humanité, car les trois quarts de l’humanité ont une pensée différente de la mienne. Vivre avec une personne qui a une culture et une religion différentes m’oblige à en être consciente au quotidien. (…) Il y a une vérité mais personne ne la détient tout seul.
Nous partons donc en famille à Bamako. Et l’un des objectifs principaux de ce voyage est la rencontre de J. avec sa famille malienne, de lui faire découvrir son autre terre natale.
Nous avions déjà fait un similaire voyage quand Y. avait 9 mois en décembre 2015. Je n’étais moi-même jamais partie au Mali, la situation politique étant trop instable entre 2011 & 2014. Nous nous sommes décidés à partir avec un bébé et, malgré les inquiétudes que ce départ pouvait susciter, je ne l’ai pas regretté.
J’ai réalisé à quel point ce voyage allait compter dans toute la vie de Y. quand nous y sommes revenus un peu plus d’un an plus tard. Y. avait alors près de 2 ans. A peine avions-nous débarqué de l’avion, qu’il s’est senti comme chez lui. Réveillé à 1h du matin, et arrivé à 2 ou 3h du matin à la maison familiale dans la chaleur humide typiquement bamakoise, il n’a pas pleuré une seule fois, et au contraire, a paru reprendre ses marques comme s’il avait quitté ses grands-parents la veille.
Je suis heureuse de savoir que mon fils se sentira toujours chez lui au Mali.
Rien ne peut remplacer ces premiers souvenirs, qui deviendront certainement inconscients une fois qu’il aura quitté l’enfance : la chaleur humide et poussiéreuse des rues bamakoises, le bruissement de la langue bambara, le goût des bouillies et du piment, l’odeur entêtante de l’encens, le bruit des froufrous des basins les jours de fête, le temps qui suspend son vol au-dessus d’une théière, l’accueil plus que chaleureux de ses grands-parents, tante et oncle.
Je le sais, pour son troisième voyage, Y. se sentira plus que jamais chez lui à Bamako. Il a déjà l’âge de parler, et il sait déjà nommer toutes les personnes qui l’attendent là-bas avec impatience et qu’il a hâte de retrouver.
Je suis d’autant plus heureuse que J. marche dans ses pas. Je suppose qu’il sera en confiance, car, en plus de ses parents, son grand frère, déjà admiré et vénéré, sera à ses côtés. Peut-être ce voyage aura son lot de surprises, l’avenir nous le dira.
Quoi qu’il arrive, que mes enfants connaissent entièrement leur part malienne, la partie de la Terre sans laquelle ils ne seraient pas de ce monde me comble de joie.
Quel bel article ! Et quelle jolie démarche. Je me retrouve dans beaucoup de ces mots et c’est vrai que la terre natale peut être double, englobant deux espaces géographiques distincts pour finalement ne faire qu’une identité dans la personne qui les porte. Je me sens comme ça.
Merci ! Je suis touchée que ces lignes te parlent 🙂
Quelle joie dans vos mots, que d’amour, que d’ouverture. Merci chère curieuse voyageuse de partager ainsi votre coeur. Je vous souhaite un merveilleux séjour à Bamako. Embrassez ma ville « natale » (puisqu’elle m’a adoptée) !
Merci beaucoup Marie-Laure, ça me touche d’autant plus venant de vous…
Merci Monsieur Curieux Voyageur de nous donner l’occasion de relire des mots et des pensées par ici. Il semble y avoir une sorte de lapsus dans ton dernier paragraphe, ton fils saura en confiance, quoi que oui il saura bien au fond de lui qu’il est sur sa Terre Natale.
Merci pour ton commentaire et ta lecture attentive !
Le lapsus est modifié !
comme je te comprends Aurélie, nous partons dans quelques jours en Uruguay et ma 2ème fille va connaître en même temps que sa terre natale, ses grands parents, oncle tante et cousine… et le plus drôle est que nous arrivons par surprise et que personne ne nous attendra !
Ma première fille est déjà partie là-bas 2 fois, elle a 2 ans et demi, et elle se sent là-bas comme un poisson dans l’eau. Vive les mélanges, les mix culturels et le bilinguisme, la vie est tellement plus drôle ainsi 🙂
Merci pour ton mot Fanny – ça fait très plaisir par être si bien comprise !
Parles-tu de ces sujets sur ton blog ? L’arrivée surprise de la famille métissée, ça serait sympa à lire 😀