Étiquette : cinéma

Timbuktu, la poésie au-delà de l’horreur par Abderrahmane Sissako

J’avais prévu de ne pas vous parler de Timbuktu d’Abderrahmane Sissako.
Non que le film ne m’ait pas plu, loin, très loin de là, mais plutôt par absence d’actualité: j’avais vu cette oeuvre bien longtemps après sa sortie et je n’étais pas sûre que vous puissiez le voir à votre tour. Et puis…

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Ilo-Ilo, un film d’Anthony Chen qui saura vous toucher !

Ilo-Ilo m’a touchée. Pourtant ce n’était pas évident : l’histoire de ce film étant bien éloignée de nous. C’est l’histoire de Jilale, un petit garçon qui vit seul avec ses parents dans le Singapour des années 1990. Ces derniers sont dépassés par l’attitude de leur fils bien turbulent, et la mère décide d’embaucher une nounou philippine pour l’aider. Auntie Terry devra faire face aux colères et caprices du petit garçon. Ilo-Ilo raconte l’histoire de cette relation sur fond de la crise asiatique de 1997…

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Ce film m’a touchée car il parle de sentiments, car il parle d’incompréhensions entre enfants et adultes, car il parle d’amour surtout et car il est universel.

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Syngué Sabour, Pierre de Patience, d’Atiq Rahimi- à découvrir absolument

J’ai eu la chance de découvrir Syngué Sabour, Pierre de Patience en avant-première…

Je viens de partir en Afghanistan, ou ailleurs. Je viens de partir dans un pays où une femme ne vaut pas plus qu’un morceau de viande. Où seule la présence de son ombre est autorisée dans la rue, grotesque prison de voile. Où une femme peut se marier avec le poignard de son mari en attendant son retour. Où les hommes font la guerre car ils ne savent pas faire l’amour.

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Last Train Home, une plongée dans le quotidien des migrants chinois

Je suis sur les routes d’Asie d’avril à juillet ; ce billet a été écrit au mois de mars avant mon départ de Shanghai…

Last Train Home est un film documentaire chinois de Lixin Fan sorti en 2009.
Il relate l’histoire d’un couple de travailleurs textile originaire du Sichuan et travaillant à Canton, des migrants comme il y en a des millions dans les banlieues industrielles de toutes les grandes villes chinoises.

Pendant une heure trente, on suit trois années de vie de ce couple, de 2006 à 2008 : leur quotidien à Canton mais aussi et surtout leur unique retour annuel à la maison pour le Nouvel An Chinois. On y est témoin de leurs difficultés face à l’éducation de leurs deux enfants, laissés à la campagne avec leurs grands-parents. La relation avec leur fille aînée devient le sujet central du film : contrairement à ce que souhaitent ses parents, elle abandonne trop rapidement l’école pour travailler elle-même en usine. Si c’est pour elle la fuite d’une vie qu’elle n’aime pas et l’espoir de lendemains meilleurs, pour son père c’est la réalisation de sa plus grande peur : que sa fille « finisse comme eux ».

Ce film est extrêmement touchant. On mesure la distance entre deux générations qui ne se comprennent pas : l’envie de rêves qui animent les uns, la pression incroyable qu’exercent les autres et qu’ils pensent justifiée… On vit de l’intérieur le quotidien contemporain du Laobaixing, le petit peuple chinois, avec ses espoirs et ses destins déçus…

Les scènes filmées dans les gares au moment des migrations pour le retour du Nouvel An Chinois sont incroyables. Le cameraman semble se retrouver lui-même coincé dans l’ahurissante marée humaine, où des milliers de personnes s’entassent pendant des jours dans les gares avec un espoir qui les fait tenir des mois durant : rentrer au plus tôt passer les fêtes en famille. Pour une fois, on mesure l’humain qui se cache derrière les nombres anonymes.

Par ailleurs, certains passages du film semblent cousus de fil blanc, je me suis même demandé si c’était une fiction ou un documentaire. Mais d’autres passages sont tellement réalistes qu’on se demande même si l’irruption de la caméra dans la vie de ces gens ne change pas le cours des choses : la langue de l’aînée se serait-elle tant déliée si la caméra n’était pas là ?
Dernier point fort de ce film, les magnifiques images des campagnes chinoises. Peut-être même trop belles : comment filmer tant de beautés après avoir témoigné du drame quotidien que vivent les gens qui la peuplent ?…

Et vous, avez-vous vu Last Train Home ?
Au plaisir de vous lire à ce propos !

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Parking, film de Chung Mong-Hong

Parking est déroutant, grotesque, drôle, violent et touchant à la fois. C’est le premier film du réalisateur taïwanais Chung Mong-Hong, que j’ai vu par hasard, sur le conseil de mon vendeur de DVD.

parkingRésumé: C’est le jour de la fête des mères à Taipei. Chen Mo a pris rendez-vous avec sa femme pour un dîner, avec l’espoir de renouer leurs liens distendus. Mais, il trouve sa voiture bloquée par une autre garée en double file. Toute la nuit, Chen Mo passe des heures à tous les étages d’un immeuble pour chercher la personne qui s’est garée.

Il rencontrera des personnages excentriques : un vieux couple et leur petite-fille, un patron de salon de coiffure manchot, une prostituée voulant échapper à son maquereau, et un tailleur hongkongais accablé de dettes…

L’histoire est pour le moins rocambolesque, peut-être un peu trop. Heureusement, on s’attache rapidement au sympathique personnage principal, Mo Chen. On l’accompagne dans des déboires aussi invraisemblables les uns que les autres, et on a finalement envie de voir comment va se terminer son aventure.

On s’attache aussi aux personnages secondaires: Chung Mong-Hong a créé des personnages variés et fins qu’ils soient plein d’humanité, ou d’inhumanité… Une sacrée présentation de la société taïwanaise, ce qui fait vraiment tout l’intérêt du film.

Un film déroutant et plein d’émotions à la fois, que je vous conseille si vous n’avez pas peur d’être perdu par une histoire qui part tous azimuts…

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Blind Shaft

Je vous parlai il y a quelques semaines de Voyage au bout du charbon, le très bon webdocumentaire du Monde. Si vous voulez continuer ce voyage mineur, je vous conseille l’excellent film de Li Yang Bind Shaft.

blindshaftL’histoire en bref: Song et Tang sont des mineurs quadragénaires qui parviennent à faire fortune au fond d’une mine de charbon: un faux accident engendre un vrai mort, un des compères se fait passer pour un parent du défunt, le second escroque leur patron. Après avoir négocié de belles indemnités contre un faux douloureux silence, c’est reparti pour une nouvelle mine avec une nouvelle victime. Cette fois-ci, la victime attirée dans leurs filets est un naïf môme de seize ans…

Ce film est une satyre sociale sur les conditions de vie des mineurs en Chine, qui comme vous le savez sont à la hauteur de celles de Germinal… mais aussi sur les rapports humains dénaturés par le Dieu argent. Sans misérabilisme, et même avec une grande humanité, on partage un morceau de vie de ces Chinois de dernière classe, mineurs, prostituées, Mingongs… On partage surtout la vie de ces arnaqueurs sans compassion. Comme ils le répètent plusieurs fois dans le film « personne n’a pitié de moi, pourquoi aurai-je pitié de lui ». Et ce credo permet la pire des atrocités: ôter la vie d’un homme pour essayer de sauver sa propre existence et celle des siens.

Loin d’être manichéen, Li Yang peint des caractères plein d’humanité: les deux compères sont des tueurs, mais le moindre yuan économisé est dédié à la famille, et si possible à une meilleure éducation des enfants. Le jeune garçon sélectionné pour leur nouveau méfait apporte une fraîcheur inattendue dans leur duo, tout comme dans le film. Il est plein d’espoir: il se révolte face à un patron injuste, il croit en sa propre chance… il chamboulera l’harmonie des malfrats.

Le portrait de ses relations humaines trouve un écho parfait avec l’alternance de scènes dans les entrailles de la mine et celles dans la lumière écrasante du jour, au milieu des plateaux arides et poussiéreux du Nord de la Chine.

Récompensé dans plusieurs festivals, censuré en Chine (même si on trouve ici des contrefaçons), Li Yang a signé avec Blind Shaft un premier film lumineux sur les relations sociales d’une Chine contemporaine construite avec le sang des plus faibles.

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Cinémas chinois

Amoureux du cinéma, sinophiles ou simples curieux, je vous recommande deux sources pour approfondir votre connaissance sur les cinémas de Chine.

– Le numéro 17 du Monde Chinois, Regard sur les cinémas chinois

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Dans ce numéro, la revue – dont je vous parlai il y a peu ici – essaie de donner une vue d’ensemble sur ce thème pourtant bien complexe: cinéma hongkongais, expression du cinéma majeure jusqu’à la rétrocession; exception taïwanaise; particularité du cinéma continental lié à l’histoire mouvementée de la Chine contemporaine… Les auteurs de ce dossier présentent un portrait « patchwork » et dynamique de ces cinémas: diversités des époques, des genres, des générations et des courants…

Enjeux esthétiques et économiques sont aussi au coeur des articles. Le cinéma chinois commençant à se libérer des carcans idéologiques dans les années 1990, quel développement pour ce cinéma encore très jeune dans une époque ultramondialisée? Quel modèle de développement pour ce 7ème art, entre blockbusters à la Hollywood et films intellectuels correspondant plus aux goûts des festivaliers occidentaux qu’au public chinois, dont l’oeil cinématographique est loin d’être formé?… Autant de questions pertinentes ici abordées…

Bien que les thèmes ce dossier soient un peu trop décousus tout en ayant quelques analyses trop pointues à mon goût, cette revue donne très envie de voir ou revoir de nombreux films chinois et donne aussi envie de découvrir des cinéastes encore peu médiatisés – même si je ne partage pas toujours le point de vue artistique des auteurs…

– Le site chinacinema.fr

Une autre riche source d’informations sur les cinémas de Chine… Même s’il n’est plus alimenté aujourd’hui, il comporte de nombreux articles, critiques, et interviews plus qu’intéressants, comme par exemple l’interview de Wang Xiaoshuai dont je vous conseille le très beau film Une famille Chinoise… Ce site est vraiment une mine de recommandations cinématographiques !

Vous l’avez compris, vous lirez très bientôt ici de nouveaux compte-rendus de films chinois !

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Epouses et concubines

Un nouveau type de billets débute aujourd’hui: des compte-rendus de films chinois… Epouses et concubines de Zhang Yimou est un des premiers films marquants que j’ai vu sur la Chine, il y a quelques années de cela. Plongée dans la Chine impériale avec une question cruciale: quelle place pour les femmes dans une société traditionnelle centrée autour de l’homme ?

Image 1Chine du Nord, années 1920. Une jeune femme accepte de devenir la quatrième épouse d’un homme riche. Le réalisateur suit l’évolution de cette jeune fille de 19 ans pendant quatre saisons. Les épouses vivent recluses dans une demeure, isolées du reste du monde. L’année est rythmée par les intrigues, les mensonges et les trahisons des femmes entre elles ; leur but principal étant d’attirer les faveurs nocturnes du maître afin de régner sur la maison le jour.
Jusqu’où cette course aux faveurs peut-elle aller ? au-delà de l’imaginable… Ici, les apparences et le respect des traditions comptent plus que l’être humain.

Toute la poésie du film de Zhang Yimou est basée sur la symétrie. Nous assistons à un spectacle de la beauté sous tous ses angles : beauté architecturale dans une Chine impériale comme on n’ose même plus la rêver, raffinement des habits et des drapés, parallélisme des plans, choix parfait des couleurs… La beauté humaine est aussi présente : celle des visages, la grâce des épouses, la douceur des chants.
Pourtant, la plus grande des laideurs est aussi là, dans le for intérieur de certains personnages. Grâce, horreur, harmonie et désespoir se côtoient.
Le point fort de ce film est la force de son message : la dénonciation de la place de la femme dans ces sociétés traditionnelles patriarcales est parfaite.

J’ai découvert avec ce film le magnifique esthétisme de Zhang Yimou, que j’ai senti parfois un peu artificiel, mais que j’ai retrouvé de manière plus fine dans ses films suivants...

Epouses et concubines, réalisé en 1991, est le quatrième de la quinzaine de films aujourd’hui à l’actif de Zhang Yimou. Il est alors sorti depuis moins de dix ans de son école de cinéma, la Beijing Film Academy. Né en 1950, Zhang Yimou a en effet arrêté ses études pendant 10 ans à cause de la Révolution Culturelle.
C’est avec ce très beau film que Zhang Yimou atteint la reconnaissance internationale en recevant le Lion d’Argent au festival de Venise.

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