Pas simple d’aborder ce sujet… Cela fait donc près de six mois que mon avion s’est posée d’Inde, six mois donc depuis mon retour en France après mon expatriation en Asie.
Et depuis, tout a changé, au-delà de ce que j’avais pu m’imaginer. On parle souvent du choc du départ à l’étranger, mais rarement de celui du retour en France. Et pourtant, le challenge est d’autant plus grand à mon avis: si on se « plante » en partant quelque part, on peut toujours partir ailleurs ou revenir, mais si on se « plante » en rentrant, que reste-t-il pour celui qui avait pris la décision de rentrer?
L’impact d’un retour en France…
Dans mon cas, il n’est pas question de « plantage », mais de choc, entier et profond… Si je vous dis que toute ma vie a changé depuis mon retour, le croirez-vous?
Je fais désormais cavalière seule dans la vie. Je ne m’étalerai pas ici sur les raisons de ce choix, mais le choc du retour n’y est pas étranger…
Et surtout, je remets en cause comme je ne l’ai jamais fait avant le modèle établi, et ce, à plusieurs niveaux. Exemples de quelques-unes des questions qui me travaillent: peut-on être heureux en étant seul et ne pas vivre ce choix par dépit? (réponse: oui). Peut-on refuser d’alimenter un modèle économique auquel on ne croit plus et trouver sa voie au delà du prêt à penser pré-pensé? (réponse: j’y travaille et je l’espère)…
Le regard voyageur est-il toujours là?
Quant à la question que je soulève dans mon à-propos: peut-on garder son oeil voyageur dans son propre pays? J’y réponds par la positive… Attention le développement de cette réponse part un peu dans tous les sens:
La distance sur ce qui m’entoure, distance que j’ai notamment apprise en Chine, ne m’a pas quittée. Mon regard reste le même: surpris, éloigné donc, et curieux surtout, ne se satisfaisant pas de « c’est comme ça » en guise d’explications…
Je me souviens de m’être sentie tant révoltée face aux inégalités de Chine, à l’indifférence générale à l’idée de laisser des gens crever dans la rue: et ici, à Paris, je vois des dizaines d’hommes la tête sur nos trottoirs, et tout ce que sait faire le troupeau sourd et aveugle que nous sommes, c’est détourner le regard.
Je me souviens d’avoir énormément observé les cieux en Asie du Sud-Est: ça ne me quitte pas, je vous un culte pour le bleu du ciel parisien (énorme contraste avec le gris quasi permanent des cieux des villes d’Asie), et pour les couleurs que ce même ciel donne à nos vieilles pierres.
Je me souviens aussi d’avoir pesté contre les grandes voies, les hauts immeubles anonymes shanghaiens: je ne cesse de me pâmer devant nos mêmes vieilles pierres.
Je me souviens d’avoir été fascinée par les visages d’ailleurs… Les visages d’ici m’interpellent autant. Une question occupe bien mes trajets de métro et autres balades urbaines: quelle histoire peut bien se cacher derrière ces yeux?
Et puis il y a les activités que je pratique: la danse africaine, la danse brésilienne, les cours de chinois (et oui, je continue, je ne compte pas laisser s’effacer peu à peu un apprentissage si durement acquis) – mes enseignants viennent de trois continents différents, et chaque heure passée en leur compagnie est un voyage à part entière…
Il y a aussi les étrangers que je croise, à les entendre parler des langues différentes je me sens déjà partie ailleurs!
Et il y a cette impression générale, comme si j’étais entre parenthèse dans ma vie parisienne. Vous connaissez peut-être ce sentiment, au retour de vacances à l’étranger, comme si ce qu’on avait vécu là-bas n’était pas la « vraie vie ». Et bien, c’est peu ou prou ce que je ressens dans ma vie parisienne, une sorte de parenthèse, comme un entre-deux. Entre un voyage et un autre voyage, peut-être, sans doute… Rien n’est décidé pour le moment, et je me laisse du temps. Assez de changements ont eu lieu en 2011, on verra ce que 2012 me réserve !
Et vous, arrivez-vous à garder un peu de recul voyageur quand vous êtes au « bercail »? Et si retour il y a eu, comment le gérez-vous?
Personelement, j’ai beaucoup de mal quand je rentre de voyage. Le fait est que j’ai l’impression de ne rien découvrir de nouveau. Après avoir vu mes amis et ma famille je suis capable de repartir aussitôt (malheureusement l’argent ne suit pas :P).
C’est cool de donner tes impressions, malgré que tout le monde se pose la question, on ne voit que très peu de témoignage sur le net.
Cheers!
C’est super bien décrit, ça transmet bien aussi ce que je ressens. À quoi pense cette personne dans le métro? Oh, ils parlent japonais! J’ai peur du retour mais je sais aussi que je ne perdrai pas cette curiosité et cet oeil attentif… c’était déjà là avant de partir, mais sous forme de pousse, je crois 🙂
Tu as bien raison de souligner cela : on sous-estime souvent le choc du retour. Nous sommes revenus depuis 8 mois d’un tour du monde avec ma femme et nous ressentons, je pense, un peu la même chose que toi. Une sensation d’avoir profondément changé, sans en évaluer encore réellement la portée, et d’être entre-deux. Entre notre vie d’avant et celle que nous essayons de construire, à tâtons, plus en phase avec nos valeurs et nos aspirations d’aujourd’hui.
Nous avons fait le choix de ne pas revenir en quelque sorte à notre vie d’avant en allant chercher un travail à l’étranger. Je ne sais pas si c’est la bonne solution, mais c’est ce qui nous est apparu très rapidement comme le plus « raisonnable ». Revenir à notre vie d’avant aurait été comme un peu effacer notre expérience d’un an de nomadisme. Nous continuons donc notre route mais ailleurs. Réponse dans quelques mois pour savoir si c’était le bon choix 😉
Bon courage à toi et c’est toujours autant un plaisir de te lire. Biz
@ Adil: c’est sûr qu’on a moins l’impression de découverte à l’étranger que chez nous, mais c’est possible que ce soit notre « oeil » qui fasse un blocage…
@ Corinne: très heureuse que ça te parle, surtout à toi 😉
@ Mathieu: merci pour tes encouragements. J’avais lu quelque part, que la base d’un retour à l’étranger est au moins de changer d’appart, pour ne pas avoir l’impression de revenir à la case départ. Changer de job (même en France) aide aussi. Vivre à l’étranger pour le coup, c’est une suite logique du nomadisme !
Très bien décri, cet étrange sentiment de n’être que de passage… Moi, je l’ai tout le temps. Même si je passe la majorité de mon temps au boulot, j’ai l’impression que ce n’est pas ma vraie vie… que j’attends de me réveiller pour repartir et quand je rentre, mon voyage semble avoir été un rêve lui aussi.
Le retour, pour moi est très difficile, les rues me semblent tristes et désertes,les gens déprimés et en colère, je dois me déshabituer à sourire aux inconnus sous peine de passer pour un provocateur ou un idiot congénital, je dois revêtir mon masque et mon déguisement du monde d’ici, me débarrasser de ma pelure de « voyageur » tout en restant le même type avec la même tête et qui s’habille pareil: curieuse sensation…
Mélissa, je crois que tu n’es pas la seule dans ce cas…
@ jipe: toute mon équation du moment, rester fidèle à son soi (voyageur donc), sans pour autant être trop à côté de la plaque de notre société…
Tu parles vrai. C’est un vrai choc de rentrer, en effet. Mais nous pouvons tous maintenir en nous la curiosité de la découverte. Je suis arrivée il y a 3 jours de Hong Kong avec mes loulous pour les fêtes. A 6h du mat nous étions devant les vitrines des Grands magasin Parisiens pour leur faire découvrir les automates . C’était pour moi un incontournable aux fêtes de noel que nous nous apprêtions a avoir ! Il n’y avait qu’une seule folle a 6 h avec ses 3 loulous, mais beaucoup de bonheur partage ,malgré le froid ,avec mes enfants. Et surtout, la joie de leur faire découvrir avec curiosité quelques choses de « traditionnel » dans leur pays.
Je ne manque pas a chaque vacance en France de puiser dans toutes les associations des idées de visites et autres. Il y a vraiment beaucoup a faire. Nous parcourons le monde et lors de nos vacances, nous découvrons notre pays d’origine avec la même curiosité.
Maintenant, je me pose la question de savoir si j’aurais la même énergie et curiosité si je rentrais dans un contexte différent de celui d’être en vacance. J’avoue que chaque retour j’ai une période d’adaptation a faire taire ma joie de vivre et découverte qui n’ai que très rarement entendue et souvent mal perçue. Mon sourire fige sur mon visage , s’effacer peu a peu. J’ai beaucoup de difficutes a me confronter a de la froideur et de constater qu’un simple bonjour avec un sourire est parfois, voir souvent, mal reçu. Quel dommage !
Karine, il est clair qu’avec un retour de quelques jours ou semaines, on peut facilement garder cet oeil émerveillé, curieux de tout, et je te comprends vraiment face aux vitrines parisiennes, surtout au retour d’Asie où Noël passe à la trappe. Et c’est clair que pour un retour sans date de nouveau départ, le challenge est de taille, mais pas impossible quand même 🙂
Je viens de tomber sur ton site (thanks allo la planiète 😉 et Oh que je te comprends ! Je suis rentrée il y 4 mois d’un petit périple d’un an. Les 2 premiers mois en France, c’était génial : retour avec les potes, la famille, la bonne bouffe, le bon vin etc . Bref que des bonnes choses. Depuis 2 mois, je peux effectivement dire que je suis également « entre parenthèse dans ma vie parisienne ». J’ai pourtant changer de job, changer d’appart, mais tout me paraît plus fade… Je pensais ne pas avoir changé durant mon trip mais je m’apperçois que j’ai parlé trop vite… Mon travail (que j’adorais avant) me paraît insignifiant (business is business), j’ai découvert que j’avais 10 fois trop de fringues (j’ai vécu pendant 1 an avec 3 teeshirts…), que mon neveu se plaint parce qu’il n’a pas le dernier jeu de nintendo DS etc etc. Du coup, je voyage dans mon quartier (vers la gare de l’est) et ça me ressource.
D’un autre sens, je n’ai jamais autant apprécié la beauté de Paris. Mais bon, mon esprit divague et est toujours ailleurs. Au moins, j’ai un objectif bien clair : Repartir découvrir de nouvelles cultures (mais peut-être sous une autre forme)
Bienvenue Lindada!
Et je suis contente d’avoir réussi à décrire ce que d’autres peuvent également ressentir…
Et bon courage pour atteindre ton objectif 🙂
Bonjour a tous!
Je vois que je ne suis pas le seul a avoir du mal a me re-integrer en france. Voila 7 ans que je suis rentre de shanghai et je n arrive pas a me dire que ces fini! J ai passer 3 ans et demi a shanghai, et ca ete les plus belles annees de ma vie, les plus beaux souvenir. A chaque vacances, j y retourne pour me ressourcer. Tout me manque, la polution, les chinois, les emboutaillages,….ca parait dingue mais oui ca me manque. J ai vecu tellement de choses incroyable dans ce pays que tout me parait fade a cote! Biensur cela n a pas toujours ete facile, mais j ai tellement appri la bas! A chaque nouveau voyage, je regarde shanghai avec des yeux de gamins, des yeux d enfants dans un magasin de jouet. Si certain d entre vous ressentent la meme chose et souhaite en discuter, je vous laisse mon email: email hidden; JavaScript is required
J aiemrais savoir comment vous avez reussi a tourner la page….savoir si vous aussi vous retournez a shanghai pour les vacances,…..
Yann, bon courage alors, car ta situation n’a pas l’air d’être simple. Pourquoi n’y vis-tu pas à nouveau?
Dans mon cas, je me réhabitue à la France. Et je dois avouer que l’ailleurs me titille déjà. Et quand ce sera trop fort: je cèderai volontiers à la sensation, rebouclererai mes valises et prendrai à nouveau un aller simple pour ailleurs, et je ne peux que te conseiller de faire de même 🙂
Coucou, merci pour ton soutien!! En fait, il n’y aurait que moi je serais reparti depuis longtemps, voir tout simplement resté (et meme si mon salaire baissait). Si je suis rentré en france, c’est tout simplement parce que j’ai repris la société de mon père avec l’aide de mon frere. C’est une société qui marche bien, et qui a un super potentiel. Je suis d’ailleurs toujours a l’affut d’opportunités pour lier notre société avec un éventuel buisness avec la chine mais pas facile dans notre secteur d’activité (sous traitance en métallurgie, ce sont des pièces volumineuses , et qui nécessite des délais de livraison court, donc foutu pour le transport par bateau, et trop chere par avion).
Je suis donc en france par raison, mais mon coeur est la bas…
Bonjour,
J’ai vécu, moi aussi, ce retour difficile et tes mots sonnent si justes. 8 mois en Nouvelle Zélande, énormément de changements au retour en 2010 et cet envie latente de repartir avec mon sac à dos.
A mon retour, le stress, le visage froid des gens… m’ont frappé comme vous tous ici. J’ai du gardé, néanmoins, ce goût du voyage, l’envie de découvrir, de prendre le temps pour parler avec les gens car on me demande régulièrement son chemin, l’heure et même parfois directement en anglais (et pourtant je suis en France!). Le plus difficile reste le contexte professionnel car on me trouve (trop) cool ou je trouve que les gens passent leur temps à raler pour tout. Mais je suis certaine que mon chemin me mènera de nouveau sur la route…
Quand tu parles de danse brésilienne, tu parles du Forro ? Je m’y suis mis depuis que je vis au Portugal et j’adore.
Sinon, personnellement je ne me vois pas revenir à Paris, que j’ai quitté il y a 1 an.
Peut-être que dans quelques années j’y retournerai, et que je me ferai les mêmes réflexions que toi !
@Thibault: je parle de samba 🙂
Ca dure toujours un temps, qui dépend fortement du type de personne que l’on fréquente et de la motivation à garder cet œil intact. Le truc : de sortir le plus souvent possible de la routine, ne serait-ce que pour quelques heures 😉 S’organiser des petits week-end, sortir de sa zone de confort, aller à des endroits où il y a de la mixité ! Bon retour !
Bonjour Sebaroudeur,
merci pour tes conseils !
Ils serviront sans doute à d’autres, car… je suis déjà rentrée depuis près de 3 ans, et je survis bien !
A bientôt…
Le retour est toujours plus dur que le départ il me semble… quand j’étais de retour en France après avoir passé 3 mois à l’étranger, j’ai mis je pense 15 jours à m’en remettre !
Je pense que la durée varie en fonction de celle du voyage, après l’adaptation se fait naturellement mais une partie de notre esprit reste toujours ailleurs je pense !
L’envie de bouger reste toujours présente, surtout que le voyage appelle le voyage 🙂
je serai curieuse de savoir ce qu’il s’est passé dans ta vie depuis la rédaction de cet article (en fait, je vais aller explorer ton blog pour avoir la réponse) 😉
Le retour, en effet, ultra difficile… pour moi là, c’est entre l’impression que tout ceci est un rêve, et le sentiment qu’il faut que je me stabilise mais que je n’ai tellement pas envie (mais bon, l’argent ne tombera pas du ciel – dommage).
La perspective qu’il va falloir patienter et tout reconstruire en attendant de pouvoir – peut-être repartir dans un an ou 2, me déprime au plus au point….
avec tout ce que cela implique sur ma vie personnelle en fait.
Mais malgré tout cela, je suis ultra reconnaissante de cette chance que je me suis donnée de pouvoir voyager, mais pour l’instant, j’ai beaucoup de mal à en parler autour de moi, c’est encore trop tôt je crois pour partager ces souvenirs… trop déprimant aussi…
La suite ? je n’en sais strictement rien et cette fois-ci cela ne me stresse pas trop trop car je sais maintnant que mes projets peuvent changer et que ce sera ok quoiqu’il en soit 🙂
AFFAIRE A SUIVRE DONC 🙂
et je rajouterai aussi qu’en fait là, je me suis décidée à explorer la France…
Après tant de roadtrips aux USA, à parcourir des milliers de km, l’appareil photo sur le siège passager, et m’emerveiller de ce vide, ces paysages hostiles, aujourd’hui, et en attendant de repartir, j’explore la France entre 2 photos de mariage ici ou là.
Chaque km parcourus, je les vis un peu en étant encore là-bas… la comparaison avec les paysages d’ailleurs est flagrante, et constante…
J’arrive à savourer la France, en pensant à mes amis là bas, qui rêvent d’être ici, mais au final, il me manque quelque chose.
Que ce soit mon exostime de Française à l’étranger, mais aussi et surtout, ce vide, cette hostilité et rugosité où tu sais qu’en conduisant 8h, tu t retrouves vraiment au milieu de rien…
Ici, bon, au bout de 8h tu es sur la côte d’Azur quoi…. ou en Allemagne 🙂
c’est sûrement ce qui me manque le plus….
Et même si j’apprécie le charme pittoresque de nos petits villages, et l’impressionant travail de construction et d’architecture de nos très très vieux batiment, la seconde d’après, je regrette ces milliers d’années d’histoire, où u final, là-bas, il suffit de gratter juste 200ans pour se retrouver vraiment dans le vide, dans le pionnier, dans le rien sauf la nature.
Je ne sais pas si j’arriverai à me remettre de cette addiction là… je vais continuer à explorer la France pour essayer de compenser 🙂
Merci Sandrine pour ces deux commentaires si personnels…
Alors, où j’en suis depuis ? et bien, toujours à Paris, mais le voyage est plus présent que jamais dans mon quotidien : je travaille dans le domaine du voyage, et mon quotidien est plus que jamais voyageur, ayant épousé un homme venu de loin. Tu peux lire ces pages par ex. https://www.curieusevoyageuse.com/category/voyages/couple-mixte/, ça te donnera une idée.
En relisant cet article écrit il y a plus de trois ans, je souris, et bizarrement, j’ai gardé une grande partie des attitudes décrites ici. Comme quoi, vivre chez soi ne signifie pas la fin du voyage. Au contraire même dans mon cas, car ce que je vis désormais (vivre avec un Malien, avoir un bébé) est le plus grand des voyages entrepris !
Et par rapport à ton manque de grands espaces: pourquoi ne roules tu pas quelques heures direction le centre de la France. Je suis sûre que dans celle qu’on appelle la Diagonale du Vide, tu trouveras certainement des espaces à ta mesure…
Bonne recherche et bon retour en tout cas !