Nous sommes le 15 mai 2016, je n’ai pas encore fini de partager avec vous mes (longs) récits de voyage sur l’Île Maurice, mais un sujet me titille…
Je voulais déjà vous parler de Paris, il y a quelques jours et cette envie est récemment devenue un besoin, laissez-moi vous raconter pourquoi.
Il y a quelques jours, le soleil est à nouveau venu briller dans le ciel de Paris. J’ai pris un grand plaisir à arpenter le quartier que j’habite depuis quelques mois et que je ne connais qu’en version hivernale.
Je ne pense pas vous l’avoir dit, mais j’ai la chance de vivre juste à côté de la Petite Ceinture, celle dont je vous avais parlé en cet article. Mes fenêtres donnent directement sur la végétation de cette heureuse verdure trop rare à Paris.
J’ai découvert il y a peu le passage permettant de se balader sur la Petite Ceinture en question, dont la portion de notre quartier n’est pas encore aménagée.
C’est donc de manière illégale que je me suis promenée avec bonheur sur ce bout de nature. Le non-aménagement de cette portion, cette « zone grise » de verdure, en fait un lieu à la fois calme, vivant et joyeux, entre squats de « djeunes » et balades pour familles peu effarouchées – je me classe, vous vous en doutez, dans la seconde catégorie.
Voici quelques images de ce joyeux pont de mai, où je me suis baladée avec délice :
Je voulais donc vous parler de ce Paris depuis quelques jours – et voilà qui est fait.
Mais il y a un autre Paris dont j’ai besoin de vous parler. Un Paris qui me plait beaucoup moins et dont, je le sens à regret, je n’ai pas toutes les cartes ou toutes les données pour en parler comme je le souhaiterais.
Je me balade très souvent avec fils à pied, lui en poussette ou serré contre mon ventre dans son porte-bébé. Nous arpentons pratiquement tous les jours le pavé parisien tous les deux.
J’adore chanter pour lui (qu’importe ce qu’en pensent les passants), lui décrire le paysage, lui poser des questions et décrypter ses gazous-gazous en guise de réponse.
Mais je déteste promener son petit être à proximité d’armes à feu. A quel âge ai-je croisé ma première mitraillette? Je ne me le rappelle pas, mais je suppose assez fermement que j’avais au moins une dizaine d’années: ce devait être à un défilé de 14 juillet où mes parents avaient choisi de m’amener.
Fils a 14 mois tout rond et il voit tous les jours des militaires arborant leur arme à feu. Et j’en suis consternée.
Nous vivons fort heureusement dans un pays démocratique, dans un pays en paix. Un pays dont les principes fondamentaux ont été remués par plusieurs attentats odieux. Mais où la paix et la démocratie sont encore notre quotidien. Dans un pays où la tolérance et l’ouverture à l’autre sont possibles chaque jour. Ou du moins c’est ce que j’ai envie de croire, c’est dans un tel pays que je souhaite élever fils.
Je partageais ma consternation avec mon mari, originaire du Mali comme vous le savez sans doute. Je me disais qu’il serait peut-être dans l’acceptation, lui dont le pays a récemment beaucoup souffert. Du tout. « Ecris » m’a-t-il dit. Et me voici.
Je n’ai pas de réponse. Je ne sais pas si l’état d’urgence prolongé est bénéfique ou néfaste pour la France. Je sais que Paris est toujours une cible pour les fanatiques de notre temps. Mais je sais aussi que je ne veux pas que la violence soit quelque chose de banal pour fils.
Ecrire pour apaiser mon mal-être, pour essayer de faire prendre conscience à quelqu’autres personnes, ou pour ouvrir le débat peut-être – je n’ai pas d’autre réponse…
PS (écrit le lendemain, lundi 16 mai): comme je l’ai écrit en commentaire ci-dessous, une partie en moi reste optimiste et me dit qu’il reste de l’espoir… comme par exemple cet enfant qui répète les mots de son père : « Les fleurs et les bougies, c’est pour nous protéger »…
L’espoir dont je parlais en cet article…
Un article comme toujours très juste… Je partage ton sentiment : quelle issue connaitra-t-on à tout ça ?
Merci Klervi… l’avenir nous dira !
Une petite citation qui, je pense, serait une réponse plus appropriée à toutes ces horreurs …
« L’obscurité ne peut pas chasser l’obscurité ; seule la lumière le peut. La haine ne peut pas chasser la haine ; seul l’amour le peut. » M.L. King
Je suis intimement convaincue qu’on ne peut pas supprimer le terrorisme par des mitraillettes.
Merci Hélène pour ton commentaire et cette très belle citation, très juste…
Je ne sais pas si tu avais lu mon récent article sur Bruxelles, mais revenir ainsi en Europe après ne pas y avoir été depuis 6 mois a été un gros choc.
Je me suis sentie très mal à l’aise dans Paris, dans Bruxelles, à Lille, à Lyon et j’ai enfin pu souffler à la campagne et dans des villes plus petites. Pour moi, ce climat attise la peur et je ne suis pas vraiment sûre que cela attise quoi que ce soit. Je me suis sentie en guerre, je me suis sentie enfermée dans un piège dont je ne pouvais sortir et cela ne me donne pas envie de vivre en France en ce moment.
Londres a été une vraie bouffée de fraîcheur après Paris par exemple.
J’ai dû voir mes premières armes lors de la mise en place du vigipirate en 2001, j’avais 14 ans. Pour moi, tout a basculé à ce moment-là…
Coucou Lucie,
si j’ai vu ton article… franchement je reste toujours autant dans l’interrogation, je ne sais pas.
Une partie optimiste en moi me dit qu’il reste quand même de l’espoir… et notamment cet enfant qui répète les mots de son père : « Les fleurs et les bougies, c’est pour nous protéger »… j’en parlais dans cet article https://www.curieusevoyageuse.com/espoir/.