Étiquette : société

Billet d’humeur noire…

Depuis que je côtoie la Chine et d’autant plus depuis que j’y vis, j’essaie de comprendre ce pays complexe sans jugement hâtif et en me détachant autant que possible de ma grille de lecture occidentale. Et ce n’est pas tous les jours facile, surtout pour les questions sociales.

La Chine est un pays communiste. Officiellement. Dans les faits, c’est le pays le plus capitaliste que je n’ai jamais vu de mes propres yeux. L’argent est la loi suprême (comme dans beaucoup de pays, c’est certain), mais ici, c’est vécu avec si peu de pudeur, et sans aucun souci des dégâts collatéraux. Quand mon conjoint a demandé à un de ses collègues ce que c’était le communisme à ses yeux, la réponse était « chacun a le droit de s’enrichir »… Cette prépondérance de l’argent roi est si présente qu’il semble que toutes les autres règles sont secondaires, voire inexistantes. Avec de l’argent, tout est possible ici. TOUT. Tous les accidents dus à des mauvaises conditions de travail impensables en témoignent trop régulièrement.

Autre point qui me touche beaucoup ici: les inégalités au quotidien. Il y a deux classes sociales en Chine. Ceux qui sont bien nés et les autres. Parole de masseur, il y a à peine quelques heures: nous parlions alors de salaires et de niveaux de vie, et à ses yeux son salaire (350€ – plutôt dans la fourchette basse pour la région) était bas mais « pas trop mal, puisque je suis paysan ». Comme si le fait d’être paysan, et donc pauvre, était une donnée immuable. Une sorte de caste?

En pleine réflexion sur ces propos, je rentrai chez moi à pied en me disant « quel froid, vivement que je retrouve mon chauffage » (il fait 5°C en ce moment), et là, je croise un campement de Mingong à même la rue – les Mingong sont des ouvriers venus des campagnes, corvéables à merci, mal payés et travaillant dans la majorité des chantiers urbains; c’est grâce à eux que s’est produit le « miracle chinois ». Les nuits flirtent avec 0°C en ce moment, et ces ouvriers dorment dehors, sur le trottoir, sur une planche en bois posée à même le sol, sous une bâche… Beaucoup d’ouvriers (peut être tous?) des chantiers de Chine vivent dans ces conditions… dans l’indifférence générale.

Et oui, car la vie de tous les Chinois n’a pas la même valeur. L’indifférence est générale ici entre les Chinois qui ne se connaissent pas. Soit on fait partie du groupe (d’amis, de la famille, etc…), soit on est un étranger, qui peut mourir de froid dans la rue. Cela arrive chez nous aussi, bien sûr, mais ici c’est tellement plus courant et flagrant… et accepté dans l’indifférence générale, avec le credo sous-entendu ou clairement énoncé « de toute façon, on est trop nombreux ». En cas d’accident de la circulation, les badauds regarderont ce qui se passe ou passeront leur chemin, mais jamais ne porteront d’aide à la personne au sol…

Dernier point, qui ne fait qu’amplifier les précédents. Une autre classe existe en Chine. La classe politique, qui est forcément en position de plein pouvoir car unique, mais aussi en pleine possession des pouvoirs économiques. Une sorte d’oligarchie capitaliste au sein du gouvernement communiste. Car ceux qui détiennent les pleins pouvoirs politiques sont ceux qui détiennent les rennes de l’économie (avec la privatisation des entreprises d’état…). Et cela ne fait qu’amplifier tout ce dont je viens de parler.

Je n’ai qu’un regard subjectif et partiel évidemment. Au bout de 6 mois passés ici, je ne prétends pas tout savoir ni tout comprendre. Mais je ne suis témoin que de plus d’injustices jour après jour…

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Mise à jour du 22 novembre:

En parlant des mauvaises conditions de travail, je ne pensai pas coller de si près à l’actualité: un coup de grisou a fait des dizaines de morts dans la mine de Xinxing, dans le Nord de la Chine en ce samedi 21 novembre… Nous ne sommes pas dans une reprise de Germinal, mais bien au cœur de la seconde puissance mondiale.

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La plage des mariés

Voyage dans le Fujian, 7ème partie

Grosse, grosse surprise au détour d’une balade en ce samedi après-midi: on tombe sur une plage où des dizaines de jeunes couples se font photographier dans les lumières du soleil couchant en bord de mer…

Il faut savoir que les Chinois affectionnent particulièrement les photos de mariage, qui en général sont prises avant le mariage, avec de belles mises en scène. On en croise régulièrement dans les sites historiques, devant les vieilles pierres ou dans les parcs. Mais c’est la première fois que j’assiste à une telle concentration de preuves d’amour – et/ou de kitsch, selon les points de vue !

mariés

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Petits sommes…

sieste-parc

Depuis la France, on a parfois l’image des Chinois qui passent leur temps à travailler, sans répit. C’est une image erronée, du moins pour les Chinois urbains que je côtoie au quotidien.

Il n’est pas rare de croiser de nombreuses personnes en train de piquer un somme dans des endroits insolites: sur un coin de bureau au travail entre deux tâches, dans des lieux d’accueil du public (musées…) entre deux passages, dans les parcs, sur des bancs… ça peut donner de drôles d’images… Jugez plutôt !

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Version acrobatique

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Version jardinière

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Version collective

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Parking, film de Chung Mong-Hong

Parking est déroutant, grotesque, drôle, violent et touchant à la fois. C’est le premier film du réalisateur taïwanais Chung Mong-Hong, que j’ai vu par hasard, sur le conseil de mon vendeur de DVD.

parkingRésumé: C’est le jour de la fête des mères à Taipei. Chen Mo a pris rendez-vous avec sa femme pour un dîner, avec l’espoir de renouer leurs liens distendus. Mais, il trouve sa voiture bloquée par une autre garée en double file. Toute la nuit, Chen Mo passe des heures à tous les étages d’un immeuble pour chercher la personne qui s’est garée.

Il rencontrera des personnages excentriques : un vieux couple et leur petite-fille, un patron de salon de coiffure manchot, une prostituée voulant échapper à son maquereau, et un tailleur hongkongais accablé de dettes…

L’histoire est pour le moins rocambolesque, peut-être un peu trop. Heureusement, on s’attache rapidement au sympathique personnage principal, Mo Chen. On l’accompagne dans des déboires aussi invraisemblables les uns que les autres, et on a finalement envie de voir comment va se terminer son aventure.

On s’attache aussi aux personnages secondaires: Chung Mong-Hong a créé des personnages variés et fins qu’ils soient plein d’humanité, ou d’inhumanité… Une sacrée présentation de la société taïwanaise, ce qui fait vraiment tout l’intérêt du film.

Un film déroutant et plein d’émotions à la fois, que je vous conseille si vous n’avez pas peur d’être perdu par une histoire qui part tous azimuts…

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Place matrimoniale

Journée ensoleillée en ce lundi de vacances nationales à Shanghai. Il est 13h, je me balade Place du Peuple. Je vois de drôles de feuilles accrochées aux arbres ou posées à même le sol, très nombreuses et remplies de caractères.

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Qu’est-ce que cela peut-il bien être? des annonces de mingongs, ces paysans venus des campagnes proposés leurs services? Peu probable: les personnes en place ne ressemblent en rien à des ouvriers, et tout le pays est en vacances.

A y regarder de plus près, je me rappelle d’un article lu y a quelques mois. A Shanghai, les jeunes citadins sont trop occupés pour trouver leur moitié et les parents servent d’intermédiaires.

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Je m’approche et c’est bien cela:

Jeune fille, née en novembre 80, mesurant 1m65, employée en tant que xxx et gagnant xxx, elle est belle et ses parents sont xxx. Attente: jeune homme né en 80, mesurant 1m75, gagnant xxx par mois.

Des annonces de ce type ont fleuri dans tous les coins de la place…

Je confirme l’information en demandant à une dame ce qu’elle fait là. Elle me répond qu’elle cherche un mari pour sa fille et que c’est difficile « les filles bien, il y en a beaucoup; les garçons bien, très peu ».

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La Chine est en perpétuelle (r)évolution et n’a pas fini de me surprendre…

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Blind Shaft

Je vous parlai il y a quelques semaines de Voyage au bout du charbon, le très bon webdocumentaire du Monde. Si vous voulez continuer ce voyage mineur, je vous conseille l’excellent film de Li Yang Bind Shaft.

blindshaftL’histoire en bref: Song et Tang sont des mineurs quadragénaires qui parviennent à faire fortune au fond d’une mine de charbon: un faux accident engendre un vrai mort, un des compères se fait passer pour un parent du défunt, le second escroque leur patron. Après avoir négocié de belles indemnités contre un faux douloureux silence, c’est reparti pour une nouvelle mine avec une nouvelle victime. Cette fois-ci, la victime attirée dans leurs filets est un naïf môme de seize ans…

Ce film est une satyre sociale sur les conditions de vie des mineurs en Chine, qui comme vous le savez sont à la hauteur de celles de Germinal… mais aussi sur les rapports humains dénaturés par le Dieu argent. Sans misérabilisme, et même avec une grande humanité, on partage un morceau de vie de ces Chinois de dernière classe, mineurs, prostituées, Mingongs… On partage surtout la vie de ces arnaqueurs sans compassion. Comme ils le répètent plusieurs fois dans le film « personne n’a pitié de moi, pourquoi aurai-je pitié de lui ». Et ce credo permet la pire des atrocités: ôter la vie d’un homme pour essayer de sauver sa propre existence et celle des siens.

Loin d’être manichéen, Li Yang peint des caractères plein d’humanité: les deux compères sont des tueurs, mais le moindre yuan économisé est dédié à la famille, et si possible à une meilleure éducation des enfants. Le jeune garçon sélectionné pour leur nouveau méfait apporte une fraîcheur inattendue dans leur duo, tout comme dans le film. Il est plein d’espoir: il se révolte face à un patron injuste, il croit en sa propre chance… il chamboulera l’harmonie des malfrats.

Le portrait de ses relations humaines trouve un écho parfait avec l’alternance de scènes dans les entrailles de la mine et celles dans la lumière écrasante du jour, au milieu des plateaux arides et poussiéreux du Nord de la Chine.

Récompensé dans plusieurs festivals, censuré en Chine (même si on trouve ici des contrefaçons), Li Yang a signé avec Blind Shaft un premier film lumineux sur les relations sociales d’une Chine contemporaine construite avec le sang des plus faibles.

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60 ans de République Populaire plus tard…

Comme vous le savez très certainement la Chine s’apprête à fêter en grande pompe les 60 ans de sa république. Au quotidien, ça donne beaucoup, beaucoup de drapeaux dans les rues de Changzhou, encore un peu plus de censure sur internet et, je suppose, beaucoup de mouvements à Pékin.

Petite revue de web express pour en savoir plus :

– L’émission de France Inter 2000 ans d’histoire est aujourd’hui consacrée à la prise du pouvoir de Mao. A écouter en direct à 13h ou grâce aux archives du site.

Libération propose un diaporama sonore avec des photos inédites de la fameuse place pékinoise, Place Tiananmen, une histoire de Chine en miniature.

Ce jour là la Chine s’est levée, des entretiens avec de nombreux Chinois qui ont vécu la naissance de la nouvelle Chine, ainsi qu’un autre article Mao se contemple à l’infini sur l’embaumement du corps de Mao, à découvrir sur le Monde.

–  Un article du côté de chez Chinatown de Rue89 : Quand Mao était le demi-dieu d’une Chine envoutée.

– Enfin, ne manquez pas sur le site de la BBC un autre diaporama sonore sur l’art et la politique en Chine (en anglais).

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Et sans doute de nombreux autres articles à venir…

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Suite de la revue de presse (mise à jour au matin du 1er octobre):

– Chez France Inter encore, Et pourtant elle tourne consacre son émission sur la jeunesse chinoise qui ne s’intéresse pas à Mao.

Les Echos nous donnent une idée des festivités géantes organisées à Pékin.

– Dans un autre registre, La Croix présente les doutes du régime chinois.

– Enfin Slate.fr propose 3 volets sur ce thème : la Chine a 60 ans un retour historique sur le début du communisme en Chine, la mémoire perdue sur l’héritage de Mao, et un 3ème à paraître dans la journée…

Bonnes lectures !

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Cartes de visite

Lors du démarrage d’une nouvelle activité à Changzhou – des cours de danse – j’ai du faire faire des cartes de visite, je me suis dit que ce sujet valait bien la peine d’être abordé ici…

Je parlai de ces cours à un ami patron d’un resto-bar à Changzhou, et il m’a répondu du tac au tac « pourquoi tu ne fais pas des cartes de visite? ». Avec ma mentalité visiblement encore un peu trop française, j’avais naïvement pensé faire des flyers A6. Mais ici, l’étape primordiale avant tout business est la carte de visite.

Restaurants, bars, hôtels, cours de langue, massages, …, entreprises publiques et privées de tout poil préfèrent imprimer leur publicité sur les cartes de visite que sur des flyers…

Au delà de cet aspect publicitaire, ce qui reste le plus important au sujet des cartes de visite est de les échanger de la main à la main ! Il est recommandé d’avoir constamment avec soi ses cartes de visite: l’échange de cartes est très courant lorsque deux personnes sont amenées à se rencontrer, que ce soit dans un contexte professionnel ou plus personnel, et les occasions de tisser les fameuses guanxi (relations en chinois) sont nombreuses.

C’est donc avant tout pour laisser une trace d’une rencontre qu’une carte de visite est importante. Mode d’emploi de l’échange de cartes à la chinoise:
– Une carte de visite se remet ou se reçoit solennellement, toujours à deux mains – évitez de tendre votre carte d’une main, ou de la faire glisser sur une table de réunion,
– Tournez la carte que vous tendez dans le bon sens, c’est-à-dire pour que votre interlocuteur puisse la lire,
– Montrez de l’intérêt pour la carte reçue: lisez-la avec attention, et évitez de la rangez trop rapidement.

Vous l’aurez compris, les cartes de visite et le protocole qui l’accompagne sont un outil primordial pour qui veut travailler avec les Chinois ou simplement développer son relationnel en Chine. Pour 3€ les 200 cartes en couleur, ce serait dommage de s’en priver !

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