En ce samedi matin, je terminais mes courses au marché de Barbès et m’apprêtais à rentrer chez moi. J’avais le coeur en joie: le marché de Barbès est un dépaysement entier en plein coeur de notre capitale. Les teints y sont bronzés, les accents très marqués et parfois le français peu parlé. Une joyeuse frénésie s’en dégage, énormément d’énergie aussi. Et pour beaucoup, une nécessité de trouver les meilleurs prix, de ne pas perdre un cent – on vient ici de loin car c’est un des marchés les moins chers de Paris. J’y viens pour cette dernière raison mais aussi et surtout pour sentir un peu de soleil, beaucoup d’ailleurs à travers les échanges avec les vendeurs ou en observant simplement les gens.
Le sac lourd, je venais de traverser le boulevard quand une mama arabe s’approcha de moi: « Est-ce que je peux utiliser votre portable pour bipper ma fille, je suis perdue? » Elle me tend en même temps un morceau de papier où est griffoné un numéro. Premier et regrettable sentiment: y a-t-il une entourloupe? quelques-uns des jeunes loulous qui nous entourent ne sont-ils pas de mèche avec elle pour voler mon précieux ustensile?
Et là je plonge mon regard dans le sien, me ravise en un quart de seconde, et lui réponds « aucun problème, je peux même l’appeler pour vous! » Je prends le papier, pianote le numéro, explique à la fille en question que je viens de cueillir sa mère au pied du marché, et elles conviennent d’un rendez-vous quelques mètres plus loin.
« Vous êtes un ange, merci » me dit la dame, avec un tel sourire qu’il illumine encore quand j’y pense. On échange quelques mots, elle m’explique qu’elle vit en banlieue, qu’elle ne vient pas souvent et qu’il y a beaucoup plus de monde qu’il y a dix ans… On continue encore un peu l’échange et elle me renouvelle sa reconnaissance, et je reprends ma route, mal à l’aise devant tant de gratitude face à un si petit geste.
Et avant de partir, elle me dépose un baiser sur le front. Cadeau d’une inconnue largement supérieur à n’importe quelle tarification mobile…
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