Catégorie : Art

Une vie chinoise, mànhuà à ne pas manquer

J’ai fini récemment la lecture de ma première bande dessinée chinoise (genre encore assez marginal ici), ou mànhuà 漫画, suite au retour très élogieux découvert sur ce blog. Pour le petit point linguistique, le manga japonais et sa version chinoise s’écrivent de la même façon, 漫画 donc, le chinois ayant emprunté ce mot au japonais, mais signifie images enchaînées en chinois. Intéressant retour linguistique, car comme vous le savez peut-être, historiquement ce sont les Japonais qui ont emprunté les Kanji (caractères identiques à ceux utilisés en Chine) à leurs voisins…

Pour en revenir à notre lecture, je suis totalement enthousiaste suite à cette lecture: Une vie chinoise, de P. Ôtié et Li Kunwu est tout simplement bluffant.

Bande dessinée en 3 tomes, je n’en ai pour l’instant lu que le premier Le temps du père. Comme son nom l’indique tout à fait, ce livre raconte une vie chinoise, mais à une époque souvent peu abordée ou déformée: celle de avènement de la email hidden; JavaScript is required dans les années 1950. Avez-vous déjà essayé d’aborder cette période avec un Chinois de Chine? pas vraiment facile n’est-ce pas… Le dessinateur-narrateur éponyme (Li Kunwu) est né en 1955 et raconte l’histoire de sa vie, en commençant par la rencontre de ses parents, fervents défenseurs de la email hidden; JavaScript is required. Dans ce premier tome, on suit l’enfance de ce Chinois parmi des milliers d’autres, enfant formé, modelé et déformé par les politiques de Mao: email hidden; JavaScript is required pour ne citer que les plus connues. Les premiers mots du petit Xiao Li furent Que notre président email hidden; JavaScript is required

Que vous connaissiez cette histoire de Chine ou non, c’est une fascinante description réaliste, vue avec les yeux d’un enfant, sans concession aussi, dont les indescriptibles détails restent soutenables par le vecteur du dessin. C’est d’ailleurs un dessin assez particulier, qui plaira ou non, mais auquel je me suis finalement fait.

Point fort supplémentaire de la BD: beaucoup de slogans et autres expressions sont laissées en caractères chinois, puis traduites. Les sinologues en herbes ou confirmés apprécieront; et les lecteurs mesurent mieux encore la email hidden; JavaScript is required de l’époque.

Lu en une journée, il  me tarde que de ma procurer le tome 2, déjà sorti… Vous l’aurez compris: Une vie chinoise est à mettre dans toutes les mains!!! Vous pouvez d’ailleurs en lire les premières pages ici.

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Mort d’une héroïne rouge, Qiu Xiaolong

Comme promis, je me suis remis à la lecture de Qiu Xiaolong, dont j’avais beaucoup aimé De Soie et de Sang. Sur le conseil d’un lecteur de Vues de Chine, j’ai lu Mort d’une héroïne rouge, roman écrit bien avant De Soie et de Sang car c’est le premier de l’auteur. Publié en 2000, il a été très bien accueilli par la critique américaine – l’auteur, ayant fui aux Etats-Unis après 1989, écrit en anglais.

C’est donc la première enquête de l’inspecteur Chen, héros qui deviendra fétiche à Qiu Xiaolong. L’histoire porte sur l’enquête du corps d’une femme retrouvé dans un canal de Shanghai. C’est l’inspecteur Chen et son adjoint Yu qui sont chargés de l’enquête. Très vite, ils découvrent la victime: Guan était une travailleuse modèle de la nation, une Héroïne rouge, et l’enquête prend rapidement une envergure politique…

L’histoire est à mon avis un peu moins haletante que celle de De soie et de Sang, mais tout l’intérêt de ce roman est qu’il est le premier d’une série. Il campe à merveille les personnages: on découvre l’origine et le milieu de l’inspecteur Chen, de son adjoint Yu et sa femme Peiqin, de l’ami Lu Chinois d’outre mer… avec une galerie de descriptions fascinantes. Le poids de la politique de l’époque et tous les changements qui ont lieu à Shanghai sont aussi très finement dépeints. En plus d’une histoire à laquelle on se laisse tout de même bien prendre, c’est à mes yeux un portrait juste de la vie de Shanghai au début des années 1990. Années si importantes dans la construction de la mégalopole internationale qu’est aujourd’hui devenue Shanghai.

Ce qu’en dit Elle sur la quatrième de couverture:

Des livres comme celui-ci, fins, érudits, on n’en a pas lu cinquante sur le Chine d’aujourd’hui. En y ajoutant l’excellent suspense, on obtient de quoi passer deux ou trois soirées passionnantes.

Je n’ai qu’un regret : j’aurai préféré lire les histoires de l’inspecteur Chen dans l’ordre… Si vous ne connaissez pas encore Qiu Xiaolong, je vous conseille donc de commencer par ce livre-ci!

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Lecture: 上海人家, Shanghai Living

On m’a récemment prêté un livre extraordinaire, un des premiers que je lis en chinois, car il est d’une part doublé d’anglais et surtout fait la part belle aux photos: 上海人家, Shanghai Living (Shanghai ren jia) de Hu Yang.

Tout a commencé en 2004 quand Hu Yang a décidé d’aller rendre visite à une centaine de familles Shanghaiennes pour voir comment elles vivaient. Pourquoi? car il trouvait que les gens avaient malheureusement perdu l’habitude de se rendre visite, d’aller les uns chez les autres, et que finalement personne ne connaissait ses voisins. Un ami étranger lui a aussi fait part de son envie d’entrer dans une maison chinoise. Il a alors voulu réaliser ce travail documentaire pour comprendre qui vit dans cette métropole internationale si attractive qu’est Shanghai.

Son travail photographique a alors commencé: il a démarché les familles qui lui paraissaient intéressantes, une à une, et a finalement photographié 500 intérieurs. De ce travail documentaire unique a été tiré une exposition et ce livre. Les photos y sont accompagnés d’un court témoignage, en chinois et en anglais, où les personnes photographiées parlent de leur vie, et de leurs conditions de vie.

Je trouve ces photos et témoignages admirables: c’est un travail documentaire donc, mais d’une grande humanité aussi. On comprend un peu mieux les Chinois, les petits bonheurs ou grandes difficultés qui remplissent leur quotidien. C’est un travail artistique fait de portraits singuliers, touchants et d’une sensibilité unique.

Morceaux choisis, extraits du site de la galerie Shanghart où l’exposition a eu lieu il y a plusieurs années, et où je n’étais malheureusement pas…

Petite coïncidence, la dernière photo est celle de Jin Xing, cette danseuse unique qui m’a tant touchée il y a quelques semaines…

A mon grand regret le livre 上海人家, Shanghai Living n’est plus édité… par chance, vous pouvez aller voir sur le site de la galerie Shanghart, toutes les photos et leurs très touchant témoignages sont encore en ligne. Elles ne le sont plus non plus…

Connaissez-vous cette œuvre de Hu Yang? qu’en pensez-vous?

Au plaisir de vous lire !

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Lecture: De soie et de sang, Qiu Xiaolong

De soie et de sang est le premier roman que je lis de Qiu Xiaolong (sur le judicieux conseil d’Alain, aimable lecteur de vuesdechine), et par la même occasion un des premiers romans policiers que j’apprécie. J’ai tout simplement beaucoup aimé ce livre que je n’ai pu lâcher jusqu’à la dernière page.

L’histoire, de meurtre comme il se doit dans ce genre, se passe dans le Shanghai des années 1990: un mystérieux tueur en série s’attaque à des jeunes femmes et met leur mort en scène dans des lieux publics, les victimes étant exhibées avec pour seul habit un qipao rouge… Le suspense tient en haleine du début à la fin, et on suit l’inspecteur Chen dans ses réflexions et interrogations, Chen est un héros récurrent de Qiu Xialong, à la fois inspecteur et poète, il a un regard perspicace sur la société chinoise.

Cette histoire m’a surtout plu car elle met en valeur les changements incroyables qu’a vécu la Chine de Deng Xiaoping et ces 20 dernières années, changements que l’on mesure encore chaque jour. C’est un portrait réussi et sans concession de la mutation de la société chinoise avec tous ses avantages et inconvénients, et peut-être surtout ces derniers.

Ce qu’en dit la quatrième de couverture:

Un psychopathe libère ses pulsions dans le meurtre rituel et laisse la robe rouge comme signature.

Impossible d’étouffer l’affaire: la deuxième victime a été trouvée ce matin, en plein centre-ville. Même mise en scène que pour la première: robe se soie rouge, pieds nus, jupe relevée, pas de sous-vêtement. Le tueur signe son oeuvre avec audace et la presse s’en régale. C’est ce qui inquiète l’inspecteur Chen: pour s’exposer si dangereusement, le coupable doit avoir un plan diabolique…

Quelques mots sur Qiu Xiaolong: c’est donc un auteur chinois de romans policiers, poète et amateur de taï chi.
Il est né à Shanghai en 1953. Son père, professeur, est victime des gardes rouges pendant la Révolution culturelle vers 1966. Qiu Xiaolong émigre aux États-Unis après les événements de 1989, il y vit aujourd’hui et enseigne à l’université de Saint-Louis, il a soutenu une thèse en poésie – cela l’inspire sûrement pour décrire les dissertations poétiques de son héros.

Ses romans sont connus pour décrire par le menu la vie à Shanghai sous le régime de Deng Xiaoping en mêlant intimement politique, vie courante et intrigue policière : la cuisine et la gastronomie, la crise du logement, les difficultés de transports, la corruption, la politique et l’omni-présence du Parti, les bouleversements de la Chine moderne, … tout cela vient enrichir de manière pittoresque les enquêtes de l’inspecteur Chen.

Vous l’aurez deviné, je compte bien refaire un bout de chemin avec Qiu Xiaolong et son inspecteur très bientôt… Et vous, vous connaissez?

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Jin Xing, une danseuse en or !

Vous avez peut-être entendu parler de Jin Xing, la chorégraphe et danseuse la plus connue de Chine?

Made In China – Return of the Soul, sa dernière création, est le premier ballet que je vois depuis que je suis en Chine, je l’ai vu samedi soir au Grand Theatre de Shanghai et j’en suis sortie extrêmement touchée.

Jin Xing, 金星, mot à mot l’étoile d’or, est célèbre pour être le premier transsexuel reconnu en Chine. Elle a toujours aimé la danse: quand elle était encore il, Jin Xing a d’abord dansé dans le ballet de l’armée de Chine où il est devenu colonel avant de partir aux Etats-Unis et en Europe où il s’est perfectionné dans son art. De retour en Chine, il a vécu sa deuxième naissance et est devenue « elle », Jin Xing vit aujourd’hui à Shanghai. Au delà de la première curiosité que m’a inspirée ce personnage, j’ai tout simplement été bouleversée par ce ballet.

Un spectacle de danse est à mes yeux une forme d’art qui laisse la place à beaucoup de subjectivité pour le spectateur. Je n’avais rien lu sur le spectacle avant d’y aller et je connaissais très vaguement l’histoire de Jin Xing. Ce que j’ai ressenti dans ce spectacle c’est surtout un questionnement sur l’identité, sur les transformations que nous pouvons vivre dans une vie, sur la place d’une personne face à un groupe. Beaucoup d’humanité et d’émotions en somme…

D’après le propos sur le spectacle, que j’ai lu après l’avoir vu, il y est question de l’identité dans la Chine contemporaine, du rythme invraisemblable qui règne dans les villes chinoises, de la place laissée à l’individu et au couple dans ce monde contemporain. Tout cela avec pour filigrane l’opéra traditionnel chinois Le Pavillon aux Pivoines, datant du 15ème siècle – deux interprètes de cet opéra ponctuent le spectacle de leur danse et chant. J’ai donc été heureusement surprise d’être touchée par la volonté subtile des artistes…

Ce que j’ai particulièrement aimé: le travail des mains et des bras dans la danse, tant de finesse, de grâce; la musique, je ne savais pas si la danse était portée par la musique ou le contraire (le compositeur est Lutz Glandien); le jeu très présent et pourtant subtil des vidéos; les changements de rythme et d’émotion.

C’est le plus beau spectacle de danse que j’ai vu, et je suis heureuse qu’il soit chinois. L’art est un des filtres qui nous permet de mieux comprendre le monde, et ce spectacle sur la Chine, créé et interprété par des Chinois, m’a un peu aidé dans cet exercice que je pratique au quotidien: essayer de comprendre ce drôle d’Empire au milieu du monde.

Mise à jour de janvier 2018 – pour en savoir plus sur sa vie, lisez le très chouette portrait de Jin Xing sur le site des Echos.
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Lecture: Le pays de l’alcool

Je vous parlais en septembre dernier d’une lecture que j’avais beaucoup appréciée, Le Maître a de plus en plus d’humour de Mo Yan. J’avais beaucoup aimé ce livre, le premier de Mo Yan que je lisais. Je suis donc passée à un de ses livres un peu plus épais, Le pays de l’alcool.

Et j’ai beaucoup moins aimé… Si l’histoire est intéressante, avec un thème original et traité de manière également originale avec deux narrations en parallèle, je l’ai trouvé long long long.

Pour tout dire j’ai mis plus de deux mois pour le lire, quand je plis un livre qui me plait, même aussi épais, en une semaine…

Ce qu’en dit la quatrième de couverture:

L’inspecteur Ding Gou’er mène une enquête sur une rumeur de trafic de chair d’enfants dans la ville minière de Jiuguo… Très vite le réalisme survolté du récit s’empreigne de fantastique; le rêve fait irruption dans la réalité, et le héros intrépide, qui ne dessoule jamais, entre de plain-pied dans l’imaginaire immémorial de ce coin reculé de la Chine. En contrepoint, le narrateur livre sa correspondance avec un certain Li Yidou, apprenti romancier qui réside à Jiuguo, et dont les œuvres attisent le fantasme des festins d’enfants ou exaltent les vertus de l’alcool, viatique des Immortels. A la faveur de ce dispositif complexe et maîtrisé, l’auteur déchaîne sa verve satirique sur le mode du picaresque et du réalisme magique. Les morceaux de bravoure se succèdent et le texte devient une sorte de roman visionnaire: les enfants de Mao, initiés aux arcanes de l’éternité, retrouveront-ils le secret de l’âge d’or?

Vous l’aurez compris, je ne partage pas l’entrain des dernières lignes ci-dessus… Certes je trouve le thème du cannibalisme vraiment original et pertinent. La double narration, avec un ton-mi fictif mi-réaliste, permet de dissimuler la violence de ce thème, mais j’ai trouvé ce ton et l’articulation narrative trop complexe et trop difficile à suivre.

Et vous, qu’en avez-vous pensé?

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Requiem for mountains & waters, La pollution en Chine vue par Lu Guang

Vous en avez peut-être entendu parler, ou vous l’avez peut-être vu sur des blogs comme ici, chez Si Mao Savait où j’ai vu pour la première fois ces images, ou là, où on peut voir encore plus d’images… je sors de l’exposition Requiem for mountains & waters de Lu Guang et je ne peux que vous la conseiller.

Le thème est loin d’être gai, puisqu’il s’agit de la pollution en Chine et de quelques-unes de ses conséquences, mais le travail de Lu Guang est remarquable. Remarquable par son esthétisme bien sûr, mais remarquable surtout le fait qu’il existe, et qu’il puisse être exposé en plein cœur de Shanghai (plus précisément à Taikang Lu à la galerie Beaugeste), et qu’il bénéficie d’une très bonne presse, au moins dans les médias anglophones de Shanghai. Lu Guang a reçu à New-York en 2009 le prix de la photo humaniste Eugène Smith, cela a forcément permis qu’on parle de lui ici aussi.

Les photos donnent froid dans le dos, et valent vraiment le coup d’être vues en vrai. On voit en face le revers de la croissance chinoise et les conséquences sur les Chinois qui sont nés au mauvais endroit.

Si vous êtes à Shanghai, passez-y, on peut voir l’expo jusqu’au 22 janvier. Les infos sur la galerie sont ici.

Et aussi, je vous conseille de jeter un œil à la très bonne interview de Lu Guang sur China Hush, en chinois et en anglais, on comprend l’arrière plan de ces incroyables photos!

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Parking, film de Chung Mong-Hong

Parking est déroutant, grotesque, drôle, violent et touchant à la fois. C’est le premier film du réalisateur taïwanais Chung Mong-Hong, que j’ai vu par hasard, sur le conseil de mon vendeur de DVD.

parkingRésumé: C’est le jour de la fête des mères à Taipei. Chen Mo a pris rendez-vous avec sa femme pour un dîner, avec l’espoir de renouer leurs liens distendus. Mais, il trouve sa voiture bloquée par une autre garée en double file. Toute la nuit, Chen Mo passe des heures à tous les étages d’un immeuble pour chercher la personne qui s’est garée.

Il rencontrera des personnages excentriques : un vieux couple et leur petite-fille, un patron de salon de coiffure manchot, une prostituée voulant échapper à son maquereau, et un tailleur hongkongais accablé de dettes…

L’histoire est pour le moins rocambolesque, peut-être un peu trop. Heureusement, on s’attache rapidement au sympathique personnage principal, Mo Chen. On l’accompagne dans des déboires aussi invraisemblables les uns que les autres, et on a finalement envie de voir comment va se terminer son aventure.

On s’attache aussi aux personnages secondaires: Chung Mong-Hong a créé des personnages variés et fins qu’ils soient plein d’humanité, ou d’inhumanité… Une sacrée présentation de la société taïwanaise, ce qui fait vraiment tout l’intérêt du film.

Un film déroutant et plein d’émotions à la fois, que je vous conseille si vous n’avez pas peur d’être perdu par une histoire qui part tous azimuts…

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