Les trois tiges de pivoine sont dans le vase, le vase est posé devant moi.
Premier tête-à-tête avec des pivoines. Elles sont pourpres, un rouge sombre tirant sur le rose.
Elles sont joueuses. Pendant trois jours, elles ne ressemblaient pas à grand-chose « des boules » se moquait M en regardant le cocon clos de feuilles vertes. Et puis tard hier soir, l’une d’elle laisse un pétale s’échapper du bouton. Ce matin celle-ci est déjà épanouie et un second bouton a libéré un pétale. Je pars me balader deux heures, à mon retour ce second bouton est également devenu une fleur épanouie et le troisième cocon a un seul pétale qui se détache. Je déjeune face aux pivoines et maintenant je les guette : trois pétales en tout se sont détachés du dernier cocon vert, quand et comment aura lieu l’explosion de la fleur ? Va-t-elle attendre que j’aie le regard détourné ou que je sois occupée ailleurs avec les enfants pour éclater ? Ou vais-je réussir à surprendre la floraison ? Moment que je suppose intense unique suspendu régénérant. Une question de secondes, de minutes ou d’heures ? Seule la pivoine le sait.
On ne tire pas sur une fleur pour la faire pousser. On ne tire pas sur son pétale pour voir s’épanouir une pivoine.
Les deux autres pivoines à peine ouvertes explosent déjà de générosité. Une première rangée de pétales semble protéger le cœur battant, le cœur vibrant de la fleur. Au centre, les pétales se massent, exhalent. La fleur tout entière est déjà épanouie alors qu’elle n’était qu’une boule disgracieuse quelques heures (minutes ?) avant…
Et là, devant moi, déjà un pétale de la première rangée de la première pivoine épanouie tombe.
Explosion de vie aussi sublime qu’éphémère.
« Cueille dès aujourd’hui les roses de la vie » me vient en tête.
Leçon de vie de la pivoine : Attendre son moment et vivre en toute générosité en toute intensité. Se préparer, et quand c’est l’heure de s’épanouir, rayonner de toute sa beauté, sans s’économiser, sans penser à demain. Simplement vivre en toute intensité ce que l’on a à vivre.
Autres verts récits
Car la nature, la végétation, la verdure me font tant défaut ces jours-ci, j’ai souhaité faire renaître en moi des moments où j’étais plongée en elle. Et je me suis essayée d’en livrer ici l’essence…
Premier vert récit
Je suis en Colombie Britannique, sur l’île de Vancouver, un paradis vert protégé par l’intelligence des Premières Nations. Le végétal est considéré comme sacré et la folie humaine n’a pas abîmé la nature de l’île. Sur ce sol, il n’est pas rare que des forêts soient plusieurs fois centenaires. Le vert et le bleu sont partout. Depuis plusieurs semaines je me balade seule dans ce superbe Ouest Canadien, depuis plusieurs semaines je suis en harmonie avec moi-même, avec le moment présent.
Ici, les arbres sont souvent immenses, leur tronc impossible à encercler de mes deux bras. Ces végétaux sont intacts, leur croissance centenaire et parfois millénaire n’a pas été altérée par l’activité humaine. Je ne le sais pas encore, mais c’est sans doute l’un de mes voyages au plus proche de la nature, l’une de mes plus fortes découvertes des beautés de notre planète.
Cette soirée du 21 juin est sur ces terres aussi la plus longue de l’année. J’embarque dans un canoë amérindien creusé d’un seul cèdre, cet arbre de la vie. Notre guide Nathalie nous emmène dans les méandres autour de Tofino, nous ne sommes plus vraiment sur terre, et pas encore dans l’océan. Le ciel est pur, l’air est doux. Notre canoë fend l’eau d’un murmure à peine perceptible.
Beauté, clarté, douceur, silence. Chaque parcelle de moi est à sa place. Osmose pure avec les éléments.
Second vert récit
Je connais cette balade sur le bout des orteils. A chaque visite à la maison familiale, qu’il pleuve, neige ou vente, c’est celle que jamais je ne rate, ma balade minimale.
Chemins jadis empruntés par les villageois des montagnes, alors uniques voies de communication entre les vallées, ce sont aujourd’hui des sentes verdoyantes où les pierres ploient sous le lierre et les ronces. La fraîcheur du sous-bois, le bruissement des eaux jamais loin, la vue qui se dégage de temps à autre sur les superbes pentes escarpées. Et partout toujours autour la végétation. Les arbres fins ou centenaires, la mousse sur les roches des bords du chemin, les sapins sur les pentes, et ceux plantés sur les crêtes tels des filets laissant s’échapper des rayons de lumière. Et l’odeur, la terre, l’humus, les champignons, l’humidité. La pureté. Ô Pyrénées…
J’espère que ces lignes nature et pivoines vous plairont les ami.e.s, n’hésitez pas à partager vos impressions en commentaires…
Et vous pourrez retrouver derrière ce lien les articles de mes 4 semaines en Colombie Britannique.
Après les Saintes Glaces, la vision d’un bouquet de pivoines doit réconforter ce besoin de nature si bien décrit ! ! Et voilà que l’esprit prend le dessus et “notre“ poétesse se dévoile au diapason d’une fleur qui s’ouvre à son coeur !! Merci pour ce moment délicat…
Merci beaucoup Marie-Thérèse pour votre passage ici et votre si gentil message !