La méharée dans le désert, ou l’incessante méditation avec le Sahara
Sep 16, 2024 Tunisie No responses

Je continue à vous ouvrir les pages de mon journal de bord dans le sud tunisien.
J’y suis partie pour une mission d’écriture pour un guide de voyage…

Ce matin, je rejoins Mohammed. Je pars deux nuits et trois jours dans le désert avec lui. J’ai toute confiance, car c’est mon ami Ahmed Abdel Moula qui a organisé ce départ.

Dès le début, je suis surprise et le saurai tout au long du jour…
Mohammed n’a que 20 ans. Je suis à l’aise en sa compagnie. Nous marchons avec ses deux dromadaires en bord de route tout d’abord. Il me tarde de quitter la civilisation. Nous nous enfonçons enfin dans les dunes et étendues de sable. Le vent souffle et soufflera une bonne partie du jour. Au début, je suis presque triste de ne pas retrouver les dunes de farine d’or qui m’ont tant plu la veille. Mais c’est finalement notre chance : les petites touffes d’herbe et bosquets nous protégeront mieux du vent que les simples dunes.

Nous marchons à pas de dromadaire. Je m’enfonce dans une profonde méditation, comme j’en rêve depuis plusieurs semaines… Je finis par marcher pieds nus – joie immense, de sentir tout mon poids, toute ma peau, s’enfoncer dans les grains de sable.
Le vent force encore. Un arrêt pour prier au marabout dit Sidi Dahlia puis le vent force plus encore. Nous arrêtons sous un arbre dit hérétéma qui embaume la fleur d’oranger. Déjà l’heure de préparer le déjeuner pour Mohammed. Pour ma part, je m’offre une superbe méditation sous les branches de l’arbre à l’odeur délicieuse.
Mohammed est vraiment habile en de nombreux points, je suis ébahie par sa rapidité pour préparer le repas en quelques instants. Il m’apprend que nous dormirons ici ce jour. Je n’ai qu’à me laisse porter.
L’après-midi, nous faisons de petites balades alentour entre recherche de nos dromadaires gourmands et arpentages des premières dunes douces non loin. Je le comprends, si j’étais restée près des dunes de Sabria où j’étais hier, je n’aurais pas pu bivouaquer ce jour pour cause de vents trop forts, la végétation offre ici un abri salvateur.
Mohammed souhaite m’accompagner pour une méditation en cours d’après-midi. Une heure complète pour une première, il est courageux.
Moment hors du temps. Le Sahara m’enveloppe. Il m’a littéralement enveloppée avec le vent de sable un peu plus tôt, et m’enveloppe à nouveau de son entière énergie alors que je m’enfonce dans cette heure de méditation. Je vibre tant et tant.
Une dernière balade et déjà le soleil baisse.
Je souhaite écrire avant que la nuit tombe alors que Mohammed s’affaire. Bonheur absolu.


Plus loin dans le désert

Je suis assise sous un hérétéma qui fait un peu barrière au vent. Le désert se déploie tout autour de moi. Joie, joie, joie. Et enseignement aussi. Commençons par là, avant de narrer le détail de ces 24 dernières heures.
Enseignement de l’unité : le vent souffle sur la dune, il fait voler, danser, évoluer les grains de sable et pourtant la dune demeure. Telle est l’énergie que je fais circuler sous mes mains. Elle fait voler danser, évoluer l’énergie du corps avec lequel elle est en contact et le corps demeure, présent, mais déjà changé. Et je peux ajouter aux enseignements de l’Algérie : je suis le vent du désert qui transmet l’unité entre toute chose. Je suis le vent du désert, Riah.
J’ai senti une telle unité dans mon corps à nouveau juste avant le déjeuner. La chaleur du soleil m’a fait fondre, mes mains étaient comme plongées en moi et en mon ventre, puis mes jambes et mes poumons expérimentaient l’unité. Bonheur, gratitude aussi tellement.

Et côté voyage… Hier soir, Mohammed a géré de main de maître toute la logistique du dîner et du bivouac. Je ne peux que me laisser porter. Ce que je fais avec joie. Après le dîner, je suis époustouflée par le ciel étoilé. Il a tardé à venir, des nuages de sable le cachaient encore, et en moins de cinq minutes, toutes les étoiles se sont affichées en même temps. Émerveillement pur. Les mots et les gestes m’ont manqué. Saisissement devant une telle beauté. Le silence absolu toute la nuit. Je me réveille en pleine nuit, et souhaite ne pas me rendormir pour profiter des étoiles. Mais les bras du Sahara sont plus forts que tout. Je me rendors rapidement. Ce matin, le froid pique. Mohammed prépare comme la veille un pain cuit sous la cendre. Régal.

Nous reprenons la route, ou plutôt les chemins à travers dunes et arbres.

Je souhaite voir des dunes de sable pur, je ressens presque de la frustration à ne pas les voir comme je les espérais tant. Et je reviens heureusement à l’instant présent : la compagnie de Mohammed est parfaite. Et il fait un temps parfait – pas de vent ce matin-là. Je me résous à apprécier ce qui est de tout mon cœur, plutôt qu’espérer autre chose. Je ressens le bien-être dans tous mes sens. L’odeur des hérétéma qui enchante tant, mes pieds nus à nouveau, quelle joie, le silence. Chaque pas est l’occasion de méditer.
Nous installons notre bivouac en tout début d’après-midi dans un similaire paysage et Mohammed me l’assure : « juste derrière, ce ne sont que des dunes de sable fin ». Avant cela, nous rejoignons un point d’eau pour nos dromadaires. 50 bêtes s’abreuvent. Tableau impressionnant.
Je monte ensuite pour la première fois sur un camélidé. Je prends mes marques peu à peu. Nous atteignons enfin les dunes blanches tellement espérées. Je suis joie, joie et joie. Et je suis aussi tapie de sable. Le vent a repris. Je suis heureuse de savoir mon bivouac à l’abri d’un hérétéma, où le vent baissera à la nuit tombée comme hier. Moi qui rêvais de dune sans végétation… il faut vraiment rire de ses paradoxes !
Je cours, gambade de dune en dune. Joie de m’y enfoncer. Joie de les observer. Le vent qui danse avec les grains des crêtes est magnifique. Énergie de vie pure. Je reçois ici un précieux enseignement par l’observation de cette beauté.


À l’exact même endroit, le lendemain

Graver en soi ce sentiment de bien-être, d’unité, de présence, de gratitude, de vie. Unité absolue, présence totale.
Hier soir, du fond du bivouac, guetter les étoiles qui s’allument et s’éteignent au gré des nuages de poussière. Superbe spectacle qui m’endormira tellement vite. Je me réveille deux ou trois fois cette nuit et me réjouis. Les étoiles ont envahi tout l’espace. Mais, à nouveau, la force de Mère Sahara est plus forte que tout, émerveillement compris, je me rendors très vite. Je me sens si bien, posée entre ce sable si doux et les étoiles. Entre poussière d’étoiles et étoiles. Je sens mon corps se charger de toute cette énergie pure.

Je suis réveillée avant Mohammed, la lumière de juste avant le lever du soleil est magnifique. Ciel bleu clair et une bande de lumière rouge orange, tout au long de l’horizon. Je savoure l’instant, Abdoul, le compère du dromadaire Sultan, offre sa silhouette superbe qui vient dessiner une ombre chinoise parfaite. Le temps que Mohammed prépare un pain à la cendre, je fais un peu de qi gong, pieds nus dans le Sahara.

Cette méharée est une méditation continue. Une connexion totale à l’instant présent, aux éléments merveilleux qui m’entourent, à leur énergie immense, à la vie. Il y a bien sûr quelques envolées du mental, de l’égo, « pourquoi je ne vois pas plus de dunes vierges ?… », mais elles sont l’exception et non la règle. Quelle joie, plénitude, sérénité.
Ce matin, j’observe la lumière superbe modeler les paysages. Je marche jusqu’aux dunes blanches, non loin du lieu que j’ai tant aimé hier. Et déjà Mohammed s’affaire à lever le camp. Je profite de ce moment pour écrire. Je réalise que malgré le bonheur immense ressenti, je ne suis pas triste de rentrer dans quelques heures : le retour à ma vie me réjouit, la suite de ma mission d’écriture en Tunisie, retrouver mes fils, danser, avoir des nouvelles de mes proches… et surtout, éprouver partout, encore et encore, chaque jour un peu plus, cet état d’unité avec ce qui est.


Le lendemain, à Douz

Je suis prête à honorer mon don, ma médecine.
Poudre d’or du Sahara
Poudre d’étoile, énergie de vie
Poudre Kintsugi
Tu transmets l’unité
Je transmets l’unité par mes mains
Je transmets cette énergie de guérison, cette énergie Kintsugi-poudre de vie par mes mains.

Retour sur ces incroyables dernières heures. J’arpente à nouveau de si belles dunes hier matin avec Mohammed. Je continue à méditer, à n’être que pur présent. Mon bonheur est grand. Une dernière pause pour se régaler de grillades et déjà Douz approche.

Je quitte Mohammed en ami, j’ai le cœur gonflé de présence pure, d’unité, de bien-être.
J’arrive à ma prochaine étape : l’hôtel The Residence à Douz. Je passe d’un extrême à l’autre : du bivouac à même le sol au plus grand luxe. Belle discussion avec mon ami Ahmed qui vient me retrouver ici puis on m’offre un soin dans le superbe spa de l’hôtel. Incroyable expérience : abondance d’eau et de détente dans le soin, juste après l’aridité du désert.

Ce matin mon chauffeur m’annonce un imprévu, il aura un retard important, il ne sera là qu’à midi, ça décale mon programme de visite… pour le meilleur. Je peux m’offrir deux heures d’un cadeau de désert aussi inattendu que parfait. Dans une nouvelle méditation au coeur du sable, je comprends mieux mon don, celui tel que narré ci-dessus en quelques mots.
Magie, magie, magie de l’instant présent. Je ne suis que gratitude.


Dans le Dahar

Les visites et découvertes pour ma mission d’écriture se poursuivent…
Beauté magnétique du Dahar. À nouveau cette impression de voir des dunes figées devant moi, des immensités de sable pétrifiées. Les lumières sur les montagnes sont belles et époustouflantes quand le soleil descend.

Je retrouve des lieux aimés, Dar Ayed et ses bonnes ondes. Dar Taoufik avec la joie de retrouver Taoufik, la connexion est toujours là…

Découverte de Toujène et surtout Haddaj, juste après Matmatah. Que ces montagnes sont belles. Il a plu, il y a peu, les montagnes grouillent de vie, de verdure et d’insectes. L’énergie ici est d’autant plus forte. Gratitude encore.


Depuis Djerba

Les dernières rencontres sont belles encore.
Moussa à Toujène. Si motivé pour valoriser son village natal. De retour, après des années à Tunis, il veut faire avancer la situation. Son si beau village est niché dans un panorama extraordinaire, sa sœur me montre son métier à tisser. Je pourrais rester des heures à la regarder. Et je repars avec un nouveau tapis que Moussa m’offre avec pudeur.

Je reviens à Djerba. Je retrouve Chadlia la potière avec qui j’avais tant discuté lors de mon précédent voyage ici. Joie de se retrouver. J’apprends avec elle que mes lignes à son propos dans le guide Petit Futé lui envoient du monde. Joie de savoir que mon travail a du sens.
Le soir, c’est le Dahar qui revient à moi. Anis, le gardien de la mosquée de Chenini vient dîner avec moi. Je le retrouve comme un petit frère. C’est drôle de le voir en look urbain hip-hop, moi qui ne le connais qu’en Bédouin des montagnes.
Ce matin, je tombe littéralement sur Nasser, qui a mené le projet de l’inscription de Djerba au Patrimoine Mondial de l’Unesco. Quelle joie de le retrouver lui aussi en ami. Il est très investi sur le terrain. Et la belle rencontre de Djerba sera Maria, l’Italienne installée depuis plus de 40 ans ici avec sa boutique. Discussion pendant deux heures à bâtons rompus, elles auraient pu durer deux jours, mais c’est l’heure, je dois m’envoler pour Paris.

Ainsi s’achève cette tournée dans le sud tunisien qui, une fois de plus, m’a offert tant de magnifiques cadeaux…

Cliquez par ici si vous souhaitez contacter Ahmed Abdel Moula qui a organisé ces journées sahariennes pour moi…

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