Voyager au Sinaï : là où les monts sacrés m’ont régénérée…
Août 29, 2023 Egypte No responses

Je suis partie en Egypte le printemps dernier, pour une mission pour les guides Petit Futé. Mon journal de bord est partagé en quatre parties, le début du récit est ici, la deuxième partie est là et voici le troisième épisode.

Jeudi 25 mai, Bedouin Camp, Sainte-Catherine, Sinaï

Nous atterrissons tard, tard, tard dans la nuit à Charm-el-Cheik, il fait chaud. Trois heures de route dans la montagne, vingt degrés de perdus et nous arrivons à Sainte-Catherine. Je voyage avec Estelle, une Française responsable de l’agence Envie d’Egypte qui vit sur la mer Rouge et Hesham, un Égyptien du Caire passionné du Sinaï et fondateur de Homad’Venture. Je ne le sais pas encore, mais avec l’aventure qu’ils m’ont préparée, nous sommes sur le point de devenir de véritables amis.

Je dors mieux, cinq heures d’une traite pour la première fois depuis trop longtemps. Je me réveille en découvrant le superbe paysage qui m’accueille : montagne ocre, ciel bleu limpide pur, maisons rases, soleil franc… Au premier regard, je me sens bien. Je me sens d’ici.
Faux départ pour le monastère Sainte-Catherine que nous verrons que de l’extérieur ce matin, il est fermé pour fêtes chrétiennes. Mais déjà, la majesté des montagnes de granit se déploie partout. Toutes les montagnes sont uniquement de granit, la solidité incarnée s’il en est. Ocre rosé qui s’accorde si bien aux cieux.
Nous prenons un dernier café au Bedouin Camp et à nous la randonnée…
Le silence, bruissement léger des oliviers, quelques cris lointains d’animaux ou d’enfants : tout semble parfait au moment du départ.


Vendredi 26 mai, 6h03, sur une montagne du Sinaï

Graver le silence total, la perfection dans chacune de mes cellules.
Silence absolu de la nuit, mais aussi du matin qui se trouble à peine de quelques légers coucous ou autres volatiles.

Magnificence, force, puissance, majesté, ancrage, et force encore des montagnes du Sinaï… Granit, granit et encore granit. Une montagne entière pétrie de granit, forgée de granit, inscrite dans le granit.
« Le Sinaï est le pilier de la terre » me dit Hesham. Une des montagnes les plus anciennes, certainement. La plus spirituelle du monde, c’est évident. Une montagne biblique.

Cinq heures de montée ardue pour passer de 1500 à 2700 mètres d’altitude, sans croiser une seule âme qui vive.
Roche, roche, et parfois des sources, des bouquets de verdure, une espèce d’oasis, ça ou là. La magnificence même.
1200 mètres de dénivelé à se dépasser. Dans la moitié finale de la montée, les roches de granit semblent de longues langues, de très anciennes laves figées. Tout est rose et ocre.
La vue est superbe sur le mont Moïse. Et enfin, sous nos pieds, le Mont Sainte-Catherine. Le point le plus haut du Sinaï, mais aussi d’Égypte.
Corps épuisé, esprit léger. Je ne dors presque plus depuis trois mois, j’ai tant souffert et pourtant je me sens bien. Régénérée, réunifiée, ancrée. À ma place. « Tu es chez toi », ce souffle perçu dans mon esprit dès le réveil à mon arrivée dans le Sinaï est devenu certitude.
Mon corps est épuisé de ses récentes traversées et des heures de grimpe intense et je me sens malgré tout en pleine forme.
En haut de Sainte-Catherine, je prie tant et tant. Bless the Lord my soul. Prières et mantras montent en moi.
Retour sur ces dernières heures sacrées…

Un tiers avant la fin de la montée, je plaisante avec Mohammed, mon guide bédouin, avec qui nous formons une petite troupe de quatre randonneurs. Je l’appelle « guide chèvre » tant qu’il a la foulée légère. « Morshed deeb » me répond-il, guide-loup en arabe.
Il m’a plu au premier regard, le matin même. Je marche dans ses pas depuis deux heures, à la queue leu leu à vrai dire. Et cela fait près de deux mois que je suis connectée à l’esprit de la louve pour faire face à l’épreuve que je dois traverser. Et voilà que je marche dans les pas d’un guide-loup dans le Sinaï…

La fraîcheur tombe en haut du mont Sainte-Catherine. Un thé au feu de bois réchauffe cœur et corps. Je m’éloigne de mes trois compères déjà devenus amis pour rendre grâce de tant de beauté, pour chanter encore. Je me régénère, je le sens, je le sais.

La descente débute entre chien et loup, une heure plus tard ne reste que le clair de lune pour nous guider. « Une heure encore », me dit Hesham. Je ressens le premier coup de mou, je n’ai pas envie, toute ma fatigue semble retomber d’un coup.
Une lampe frontale sauve mes pas fatigués. La répétition du Sherab Chamma Mantra (om ma wa ma te ma hi mo a…) à plein poumon sauve mon âme. Je chante pour la terre magnifique. Je chante en pensant à mes proches qui m’ont tant soutenue ces derniers mois. Je chante pour ne pas m’arrêter. Dès que je me tais, mes muscles tirent et mon cerveau râle. Dès que je chante, je me sens légère.

Une heure et demie de chant me mène chez Abdallah. Il est plus de 22h. Feu de camp, repas succulent, quelques plaisanteries et déjà la nuit limpide au clair d’étoiles.
Au réveil, je découvre l’endroit : cirque de montagnes granitiques, de toute beauté. Calme absolu du petit matin donc. Bonheur du moment immense. La qualité du silence de cette nuit et ce matin est inégalée. Et de loin.


Vendredi 26 mai, 18h03, Fox Guesthouse, Sainte-Catherine, Sinaï

Monter, s’élever, se dépasser.
Admirer tant et tant.
Vibrer devant la beauté absolue des ocres granitiques.
S’élever encore.
Dépasser les limites d’un corps longtemps cru rompu.
Poser ses pas dans ceux d’un guide-loup.
S’élever.
Admirer.
Rendre grâce.
S’unifier, s’ancrer, se régénérer.
S’apaiser.
Redescendre. Flancher un peu, chanter et chanter encore pour continuer.
Se recentrer. S’unifier.
Se renforcer.
Se parer et se réparer.

Il s’est passé douze heures exactement depuis que j’ai pris ce carnet pour écrire au réveil.
Gratitude, gratitude, gratitude. Comme dans le Dahar, il y a un an précisément, je pourrais noircir mon carnet de ce mot.

Après une nuit au coeur des montagnes et un réveil dans ce majestueux silence, Estelle, Hesham, mon guide-loup et moi-même repartons pour une nouvelle randonnée. Ascension du mont Moïse. Là où Moïse a reçu les Dix Commandements. La montée est ardue de bon matin et, déjà, les paysages époustouflants.
Ocre, ocre et encore ocre. Une heure plus tard, nous sommes au pied des 750 dernières marches. Coupe-jarret s’il en est… Le mont en lui-même n’a rien de particulier, par rapport aux autres montagnes aussi belles les unes que les autres évidemment, si ce n’est tout le sacré qui lui est attaché… Je médite encore longuement.

La redescente est extraordinaire : paysage ocre et rose, s’approchant de mars peut-être ? ou de lave figée ? géo-logique inédite. On est proches de ce à quoi doit ressembler le Grand Canyon peut-être ? Parfois du vert, comme cet amandier superbe au tronc emmêlé. Je l’embrasse, je ressens tant de joie… À ce moment-là précis, arrive une gazelle à quelques pas de nous, sortie de nulle part.

À un moment, mon guide-loup s’arrête et me montre des tessons de poterie. Il explique que des trésors sont parfois cachés dans les montagnes et qu’on peut retrouver de l’or dans ces pots cassés. De l’or dans les pots cassés ? C’est exactement ce que je suis venu faire ici, j’ai eu cette image de pots cassés réparés d’or le soir de mon arrivée en Égypte, quelques jours plus tôt, avec l’envie de réparer ce qui était brisé en moi avec de l’or. Cher guide, tu as été un ange pour moi ces dernières heures…

De retour à la ville, le béton paraît bien lourd sous mes semelles.
Mon guide-loup et sa mère nous invitent à déjeuner. Tant de douceur dans ce foyer, pas étonnant qu’il soit un ange…
Bonheur, intégrité retrouvée, rassemblement en cours, grande joie.

***

La première partie de ce journal de bord est en ligne ici, la deuxième est ici et la fin arrive bientôt…

***
Un immense choukran à Mohammed, mon guide-loup, à Hesham et à Estelle qui ont rendu cette aventure dans le Sinaï possible.
Je vous recommande chaleureusement leurs services, si vous aussi vous souhaitez arpenter l’Egypte…

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