La lecture m’occupe plus que jamais ces dernières semaines : mes deux petits bouts siestent enfin sur un rythme similaire. Ma vie de « working mum » n’est point encore un long fleuve tranquille, mais je trouve assez de temps tout de même pour m’évader dans de nombreux livres. Je vous propose aujourd’hui de découvrir trois grands classiques d’Afrique de l’Ouest.
Si vous êtes né.e dans les années 1980 en France, il y a une grande chance que vous ayez lu Le Grand Meaulnes, Un Sac de Billes ou Le Journal d’Anne Frank.
Si vous êtes né.e dans les mêmes années à Dakar ou à Bamako, vous les aurez peut-être également lus, mais d’autres auteurs classiques formeront votre panthéon littéraire. Je ne m’étais jamais posé la question, jusqu’à ce que, lors de mon dernier voyage au Mali en décembre dernier, je me retrouve en quête de livres et que je furette dans la bibliothèque familiale de mes beaux-parents. Je demandais son avis à mon mari Mohamed sur Les Bouts de Bois de Dieu, et lui de me répondre « C’est un classique, tout le monde l’a lu ici ».
Les Bouts de Bois de Dieu
Les Bouts de Bois de Dieu est l’oeuvre la plus connue d’Ousmane Sembène (1923-2007), cet autodidacte sénégalais, écrivain et cinéaste. J’ai été grandement surprise par le style de ce livre : précis, vivant, décrivant avec exactitude personnages et décors – on vit littéralement les épreuves traversées par les personnages à leurs côtés. C’est pourtant un livre facile à lire… et c’est vraiment un compliment!
Ce qu’en dit la quatrième de couverture :
Le 10 octobre 1947, les 20 000 cheminots de la ligne Dakar-Bamako, qui s’appellent entre eux les » Bouts de bois de Dieu « , se mettent en grève. Après cinq mois de conflit, ils parviennent à faire plier la direction et obtiennent gain de cause. Cet affrontement très dur marque un tournant profond dans les relations entre la population et l’administration coloniale. Mais il représente surtout une épreuve terrible pour les grévistes et leur famille.
D’Ibrahima Bakayoko, le sage et charismatique leader du mouvement, à Ramatoulaye, Mame Sofi et toutes les femmes de Dakar, chacun affronte la répression et la faim, les dissensions et les doutes pour faire, enfin, triompher la solidarité…
L’étrange destin de Wangrin
J’ai trouvé L’étrange destin de Wangrin pendant ce même séjour. Je cherchais encore à lire (les chaudes et longues après-midis bamakoises de décembre étant fortement propices à la lecture) et je suis tombée dessus dans un petit marché aux livres improvisé devant les portes d’une université de Bamako.
« Celui-ci aussi, c’est un classique » me dit mon cher et tendre alors que je ne savais vers quel ouvrage me destiner. Pour le coup, je connaissais son auteur malien Amadou Hampâté Bâ. Défenseur de la tradition orale, on lui doit la fameuse formule « Chaque fois qu’un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui a brûlé », prononcée en 1962 et si souvent reprise depuis. Mais je n’avais pas lu cette oeuvre, datant de 1973. Rédigé dans un style qu’on dirait parfois conté, bourré d’humour et très précis à la fois, je me suis ici aussi laissée happer dans l’Afrique post-coloniale… comme si j’y étais.
Amadou Hampaté Bâ, le grand défenseur de la « tradition orale » africaine né au Mali en 1901, raconte ici l’histoire d’un homme qui fut son ami. Cet homme, voué dès sa jeunesse au dieu « Gongoloma Soké », dieu des contraires et de la ruse, en portait lui-même les contradictions. Bravant impunément la chance, il nous entraîne dans une suite d’aventures cocasses où nous le voyons, avec pour seules armes son intelligence et sa connaissance des hommes, se hisser au sommet de la puissance et de la fortune, dépouiller les riches au bénéfice des pauvres et, suprême exploit pour l’époque, rouler les « Dieux de la Brousse » d’alors : Messieurs-les-Administrateurs Coloniaux ! Mais il arrive que les dieux se fâchent…
L’aventure ambiguë
L’aventure ambiguë de Cheikh Hamidou Kane est arrivé par hasard à moi. Un cadeau pour mon anniversaire. Quand j’ai appris que ce livre-ci était également lu par des générations d’écoliers ouest-africains… j’ai tout simplement souri !
Publié en 1961, ce roman est le récit du déchirement d’un jeune Sénégalais qui étudie dans la plus grande tradition de son pays avant de devenir un brillant étudiant parisien… à l’image de son auteur, Cheikh Hamidou Kane, qui fut ensuite haut fonctionnaire au Sénégal. Là encore, ce livre est d’un français aussi ciselé que précis, et l’on se croirait aux côtés de Samba Diallo au fil de ses péripéties et de ses réflexions. Une brillante oeuvre sur l’exil et l’identité…
Passant de l’enseignement coranique des Diallobé à l’université française, le jeune Samba Diallo doit affronter l’exil et les brèches identitaires. Son apprentissage, philosophique, éthique et spirituel, retrace l’itinéraire d’une Afrique métissée en quête d’elle-même. Où s’élève, flamboyante, la clameur d’un peuple en mal d’existence.
Connaissez-vous ces livres, amis lecteurs ?
Je serais heureuse de connaître vos avis à ce propos !
La lecture é-moi…
(les 2 photos sont de unsplash.com)
En congé sabbatique pour un voyage au long cours en Afrique, Éthiopie, Kenya, Namibie, Afrique du sud, je suis parfois en manque cruel de livres français, et je note au fur et à mesure les livres de mes envies pour mon retour, ces trois là vont enrichir ma liste de littérature africaine !
Ravie que cet article vous donne une telle envie 🙂
Je ne connais pas ces 3 livres mais je les mets tout de suite dans ma liste de « livres à lire ».
Je me réjouis d’avance de ces moments passés en Afrique de l’ouest.
Super ! J’espère juste que ladite liste n’est point trop longue 😉
Je ne connaissais que de nom L’étrange destin de Wangrin. Du coup j’en note 2 sur 3 (le premier ne me séduit pas trop en terme de résumé). En littérature africaine, il y a peu j’ai pris conscience que je ne lisais que des auteurs francophones, car j’ai l’impression que dans la traduction des auteurs anglophones quelque chose s’est perdu. J’ai l’impression de lire un récit écrit par n’importe quel français, sans intonation, rythme, choix des mots particuliers.
Et mon plus gros coup de coeur va à « Allah n’est pas obligé » de Kourouma. Son texte est tellement percutant, avec une évolution de rythme des phrases au fil de l’évolution du personnage.
Je suis tellement d’accord avec toi sur les auteurs traduits… je préfère largement largement lire la littérature « native » si l’on peut dire, je comprends vraiment ce que tu dis sur le rythme et même la musicalité de la langue écrite !
Je connais Allah n’est pas obligé, je l’ai lu il y a des années et avais adoré !
Belles découvertes à toi – repasse par là partager ton avis quand tu les auras lus 😉