Rencontre avec Catherine, fin
Juin 21, 2010 La Chine au quotidien No responses

Vous pouvez retrouver le début de cette rencontre ci-dessous ou en cliquant ici.

A ton retour en France, après ces 11 mois passés en Chine comme prévu, as-tu eu envie d’y revenir ?

Pas tout de suite. J’ai repris mon travail de reporter à la radio. Je n’appartenais pas au « service étranger », donc je ne me suis plus occupée de l’actualité chinoise. J’ai pensé que la Chine s’était refermée sur elle-même, pour quelques années. J’ai pris mes distances.

Tu y es revenue quelques années plus tard ?

Oui, en 1994. J’ai accompagné pendant une semaine, le ministre français de l’industrie. A l’époque, c’était Gérard Longuet. Ce qui m’a le plus marquée, c’est l’effervescence  économique. A Shanghai, j’ai rencontré des officiels de la municipalité. Ils nous ont montré leur projet de développement urbain à Pudong (l’actuel cœur financier de Shanghai) ! Nous y sommes allés: ce n’était alors que des routes mal carrossées et des maisons basses sans confort. La campagne, quoi…

Je suis revenue à Pékin  en 1999, pour le 50ème anniversaire de la République Populaire de Chine. J’ai revu les gens que j’avais connus 10 ans plus tôt et j’ai constaté que leur niveau de vie s’était amélioré. J’ai été frappée par l’ouverture du pays à la culture occidentale. Des restaurants  étrangers – je me souviens avoir mangé des huîtres importées de France par avion ! – de nouvelles boîtes de nuit, des hypermarchés, le premier magasin IKEA… Je ne reconnaissais plus Pékin : les immeubles d’habitation avaient poussé comme des champignons, on en était au 5ème périphérique autour de la ville… De plus en plus de voitures et d’embouteillages alors que 10 ans plus tôt, tout le monde se déplaçait à bicyclette!

Et en 2010, les changements doivent te sembler encore plus spectaculaires ?

C’est une autre Chine. Une Chine gagnée par la frénésie de la consommation. J’en étais informée avant de venir mais j’ai eu quand même un choc. Les centres commerciaux de Shanghai sont stupéfiants. J’ai découvert de jeunes Chinois plus individualistes. Ils soignent leur look, les filles s’habillent très courts, portent des talons hauts. Bien sûr, Shanghai est une ville où vivent beaucoup d’étrangers et les cultures se mélangent facilement donc c’est moins étonnant. L’exposition universelle semble donner des ailes aux Shanghaiens, un sentiment de confiance en soi et dans l’avenir  du pays.

Et au niveau politique, il y a une évolution ?

Non, pas vraiment. Les jeunes surtout  me disent: « La email hidden; JavaScript is required, ce n’est pas mon truc ». Il n’y a aucune aspiration à participer à la vie publique, à vouloir changer les choses. L’organisation du email hidden; JavaScript is required, très pyramidale, est très abstraite. Les citoyens s’occupent exclusivement de leurs affaires personnelles, ils ne s’engagent dans aucune cause, ils ne sont pas militants. Seule exception, peut-être, une élite qui s’intéresse à l’environnement. La majorité de la société estime sans doute que puisque le pouvoir actuel réussit à maintenir la croissance, on peut le laisser tranquille…

Il existe des problèmes sociaux dans le pays, penses-tu que ça va exploser ?

Les écarts de revenus entre les plus pauvres et les plus riches s’accentuent. C’est de là sans doute que viendra email hidden; JavaScript is required. Quel en sera le déclencheur ? Je suis incapable de le dire. Les événements de email hidden; JavaScript is required et mon erreur d’appréciation à l’époque m’ont rendue plus prudente dans mes pronostics.

Tu me disais, il y quelques jours, que tu trouves des similitudes entre la Chine de 2010  et celle que tu avais découverte, il y a 20 ans…

Comment dire… Je trouve que certaines traditions chinoises se perpétuent. Par exemple,  la vie de quartier. Les gens jouent entre voisins au mah-jong le soir, entourés de badauds. C’est convivial encore dans les quartiers populaires ! J’ai l’impression  aussi que  la cellule familiale reste toujours une valeur sûre : le sentiment filial, le respect pour les anciens. Même si je constate l’esprit rebelle de certains jeunes qui s’affranchissent de leurs parents. Je retrouve dans la société la même admiration qu’avant, pour ceux qui réussissent : les petits malins, ceux qui arrivent à entrer par la fenêtre quand on leur ferme la porte. Pour les businessmen qui affichent leur réussite sociale. Autre constante: un certain fatalisme face à la vie. Le genre de phrases « C’est comme ça, on ne peut pas changer les choses ». Beaucoup d’acceptation et peu d’esprit de révolte.

Et le rapport à l’argent ?

Il y a une continuité dans le désir d’ascension sociale, gagner plus pour pouvoir voyager, s’offrir des objets de luxe… C’était déjà le cas avant l’ouverture.

Finalement, je découvre une autre Chine, mais pas un autre peuple.

Catherine est restée quelques temps à Shanghai pour l’Expo, vous pouvez retrouver ses articles sur www.exposhangai2010.info.

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