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Portrait de Chine (4): Woody

Cette semaine, c’est Woody que nous rencontrons, il m’enseigne le chinois depuis plusieurs mois. Attention, il n’a pas sa langue dans sa poche !

Qui es-tu ?

Mon nom chinois est Hu Ding Bo, mon nom anglais est Woody. J’ai 25 ans, je viens du Sichuan (Yibing). Ma famille, c’est 2 personnes : ma mère et moi. J’ai fini mes études depuis 2 ans et j’ai étudié l’anglais.

Pourquoi es-tu venu à Shanghai ?

C’est par coïncidence. Après mes études, j’ai cherché du travail, et ce n’a pas été facile. J’ai trouvé du travail dans le Zhejiang, dans une entreprise qui fabrique des pompes à eau, c’était en juillet 2008. J’ai passé une semaine de vacances à Shanghai. Dans le Zhejiang, il n’y avait rien à faire : c’est loin de tout et il n’y a que des usines. Finalement j’ai quitté ce travail et je suis parti à Shanghai. Avant ça, je n’avais jamais imaginé que je pourrais aller y travailler.

J’y ai trouvé un travail : je suis devenu assistant pour une personne pour qui j’avais déjà fais des traduction quand j’étais dans le Sichuan. Aujourd’hui, je suis donc assistant et interprète. Mon travail me plait vraiment : je voyage beaucoup pour le business, je rencontre plein de personnes différentes, je fais plein de choses variées. Mon chef est un journaliste suisse pour des revues automobiles et technologiques.

Ta mère comprend-elle que tu vives à Shanghai ?

Elle ne comprend pas et n’est pas d’accord. Elle trouve que c’est trop loin et que le niveau de vie est trop élevé. Elle n’est jamais partie de chez elle, elle n’a pas confiance. Et elle aurait aimé que j’aie une vie de famille.

Justement, veux-tu des enfants ?

Je ne pense pas si loin… je n’arrive pas à me gérer moi même alors… et puis c’est trop de stress… et je me dis pourquoi pas partir vivre à l’étranger d’ici quelques années…

Vois-tu souvent ta mère?

Je n’ai pas de très bonnes relations avec elle. On a des points de vue différents sur la vie. Elle ne comprend pas ce que je veux, et ne me comprend pas tout court. Elle est très traditionnelle… on ne se parle pas beaucoup. On se voit une fois par an; je ne pense même pas rentrer cette année. On s’appelle une fois par mois. On se dit toujours les mêmes choses : elle me demande toujours si j’ai bien mangé, si la santé va bien… Elle me dit qu’il ne faut pas dépenser d’argent mais économiser pour acheter une maison. Elle est très matérialiste : elle ne pense qu’à l’argent.

Que fait-elle ? penses-tu qu’elle soit heureuse ?

Elle est retraitée, elle travaillait avant dans une usine de papier. Je pense qu’elle est heureuse : elle a une petite retraite qui lui permet de bien vivre. Il n’y a rien à faire dans sa ville, mais elle y est bien.

Revenons à toi : quel est ton rêve ?

Mon rêve ? depuis très longtemps, j’aurais aimer être designer dans la mode. Mais je n’ai pas eu le droit de choisir. Je n’avais pas l’argent pour. En Chine tu n’as pas le droit de choisir. Ma mère aurait voulu que je sois prof; je n’ai pas eu les moyens… Je me rends compte que plus le temps passe, plus mon rêve s’éloigne…

Comment te vois-tu dans 10 ans ?

Les changements sont trop rapides… je ne sais pas. Il y a 2 mois, j’étais prêt à sortir tous les week-ends ; maintenant je n’en ai plus envie. Alors dans 10 ans, je ne peux pas dire…

Que penses-tu de la Chine ?

La Chine est un pays très bien. Je ne sais pas si c’est le plus beau pays, mais c’est un pays très bien. Les Chinois sont des gens bien aussi, même s’il y a pas mal de changements ces temps-ci, ce sont des gens bien.

Le problème c’est leemail hidden; JavaScript is required mais là… Il y a trop de différence entre ce qui est dit et ce qui est fait. Il faudrait un second email hidden; JavaScript is required, au moins il y aurait du changement.

Penses-tu pouvoir faire changer les choses ?

Oui, peut-être, mais je n’en aurai pas l’occasion.

Penses-tu que le email hidden; JavaScript is required peut évoluer ?

Ce gogov. est rusé. email hidden; JavaScript is required

Pour te donner une idée : dans ma petite ville (de 5 millions d’habitants!), un directeur d’un bureau de taxe d’une des neuf circonscriptions a été arrêté pour email hidden; JavaScript is required! il a été condamné à mort. Mais imagine ça à l’échelle du pays, car là c’est vraiment une petite ville… Je ne vois pas de solution pour changer les choses.

Zhu Rongji (voir ici) a essayé de faire changer les choses, vraiment. Il a fait trois choses bien : il a lutté massivement contre le chômage et a remis la Chine dans la croissance économique, il a régulé la bourse et a voulu lutter contre laemail hidden; JavaScript is required. Finalement il s’est fait détester par tout le monde…

Et tes proches partagent-ils ton point de vue ?

Mes amis sont tous d’accord. Si seulement on avait eu email hidden; JavaScript is required était de la campagne…

Que dirais-tu aux lecteurs de ce blog qui ne connaissent pas la Chine ?

Je leur dirais de vraiment se préparer à venir en Chine. Je ne leur conseillerai pas de rester dans des hôtels de luxe, juste pour quelques jours. Mais plutôt d’aller dans des endroits plus traditionnels, d’aller hors de Shanghai aussi. Dans les petites villes du Nord, du Sud, de l’Est, de l’Ouest et du centre de la Chine. De voir les minorités. De se faire des amis à la campagne et de voir comment ils vivent !

Les précédents portraits de Chine se trouvent ici: Juanjuan, Abby & Catherine

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Portrait de Chine (2): rencontre avec Abby

Pour ce deuxième « portrait de Chine », c’est Abby que nous rencontrons. Abby est une de mes collègues avec laquelle je m’entends très bien. Entretien:
Qui es-tu?
(Elle sourit et me dit) Je réfléchis.
Quelques secondes passent.
Je suis la fille de mes parents. Je suis enfant unique, et j’ai été créée de manière unique, personne n’est comme moi. J’aime la vie, je m’aime moi-même et j’aime bien ma situation en général ! J’ai 28 ans et je viens de Tanjieng, dans le Hebei.

Qu’y faisais-tu avant de quitter la région?
J’étais traductrice, dans le domaine industriel, depuis 2 ans. C’était un travail très détendu, je travaillais peu d’heures par semaine, et il y avait peu de stress. Je travaillais avec des Canadiens.

Pourquoi es-tu venue à Shanghai? qu’es-tu venue y faire?
Mes amis proches étaient là, il y avait d’autres raisons aussi…
J’ai rapidement trouvé un travail, comme merchandiser dans un grand groupe français. Au début c’était très fatiguant, je travaillais beaucoup de 9h du matin à 22h parfois. Mais c’était intéressant, j’ai beaucoup appris. J’avais pas mal de collègues français.

Qu’as-tu appris à ce moment là sur les différences entre Français et Chinois?
Au travail, j’ai remarqué que les Français sont très précis, les Chinois sont moins organisés, font des raccourcis…
Je me suis aussi aperçue que les Français savent faire la séparation entre la vie personnelle et professionnelle. Moi à ce moment-là, je ne profitais pas de la vie, je ramenais du travail à la maison… La culture chinoise est très routinière.

Pourquoi as-tu changé de travail?
J’avais l’impression d’être un écrou au sein du grosse machine, je ne réfléchissais pas, ne me servais pas de mon cerveau. Alors je suis partie pour une autre entreprise. J’ai changé de domaine, j’ai travaillé dans l’e-commerce, encore avec des Français.
Finalement je me suis rendue compte que je préférais mon ancien domaine, et quand on m’a demandé de travailler les week-ends, j’ai voulu changer.

Tu travailles donc maintenant dans un petit bureau d’achat franco-chinois, qu’est-ce qu’il te plait dans ton travail?
J’apprécie surtout être respectée: mon travail a de la valeur. C’est le plus important. J’ai une vue d’ensemble sur ce que je fais, du début à la fin, c’est vraiment agréable.
Et puis, il y a de bonnes relations professionnelles, amicales. Je ne me sens pas stressée pour rien.

Maintenant, que peux-tu me dire sur les différences entre Français et Chinois?
Les Français sont directs et francs, ils ne font pas de zigzags comme les Chinois. D’ailleurs je suis plutôt semblable aux Français sur ce point.
Elle réfléchit à ma question…
Ce qui est important pour eux c’est de profiter de la vie, ils savent réaliser leurs rêves, et sont courageux. Les Chinois ont moins de rêves…

Quel est ton rêve justement?
Petite, je voulais être archéologue… Mais je n’ai pas étudié dans le bon domaine, car mes parents n’étaient pas d’accord. L’avis des parents est très important pour les Chinois. Je ne regrette pas quand même: je lis à ce propos, regarde des DVD.

Et ton rêve d’aujourd’hui quel est-il?
Voyager autour du monde avec mon amour.
Vivre dans une petite maison en bois avec mon mari, avoir le temps de lire et peindre… Je ne suis pas carriériste, pour moi la vie et l’amour sont plus importants.

Comment te vois-tu dans 10 ans?
Plus charmante ! car j’aurai plus d’expérience. Et j’espère avoir mis en œuvre les premières étapes pour réaliser mes rêves !

Que dirais-tu à un Français qui ne connait pas la Chine?
Les Chinois sont très amicaux. En Chine, on dit que « un ami qui vient de loin, c’est la meilleure des choses ».

Que penses-tu de la Chine d’aujourd’hui?
Elle est de plus en plus forte, de plus en plus influente. Les Chinois connaissent de mieux en mieux leur propre pays et le reste du monde.
Il y a beaucoup de problèmes en Chine, car il y a trop de monde. Tu as entendu parler du malade qui a tué beaucoup d’enfants en début d’année? (j’acquiesce) Ce fait a été relayé dans les médias et du coup d’autres personnes ont voulu l’imiter. Je me demande si c’est bien que les médias relaient ce genre d’information, il y a une influence négative…
Mais pour revenir à ta question, je suis très fière de mon pays, même si je sais qu’il y a beaucoup de problèmes sociaux aussi.

Qu’entends-tu par fière?
Après le tremblement de terre du Sichuan en 2008, il y a eu beaucoup d’entraide, les gens se sont sentis reliés. Il y a eu un esprit de Chine uni qui n’existait pas avant, de nationalisme.
J’étais fière des JO aussi.
Et l’an dernier, j’ai été très fière des démonstrations militaires pour les 60 ans de la Chine, je me suis sentie protégée.

Je lui fais part de mon étonnement et je lui dis alors que si on me posait la même question, je me dirai plus fière de l’histoire de mon pays que de ces dernières années, elle me répond:
Vraiment, avant 2008, j’avais l’impression que les gens étaient froids, déconnectés, cette année a permis aux Chinois de ressentir plus d’amour. Je suis aussi fière de mon pays pour ses 5000 ans d’histoire.

Elle me donne ensuite de nombreux exemples pris de différentes dynasties chinoises, et termine notre entretien par ces mots:
Intéressant cet interview, ça me permet de me poser des questions sur moi-même !

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Portrait de Chine : rencontre avec Juanjuan

Je commence aujourd’hui un nouveau type d’articles : je vous propose le portrait de Chinois à qui je demande de me parler de leur vie et de leurs envies, pour partager ces instantanés de vies chinoises ici avec vous.

Nous partons aujourd’hui à la rencontre de Juanjuan, une jeune barmaid. Pourquoi elle ? simplement car je l’ai rencontrée quelques heures après avoir pris la décision de faire cette série, et son dynamisme et sa gentillesse m’ont paru assez représentatifs du caractère des Chinois.

Peux-tu te présenter?

Je m’appelle Juanjuan, je viens de Kaili dans le Guizhou et j’ai 25 ans. Je suis d’une minorité ethnique, les Miao. Ma maman est morte quand j’étais jeune, et à la maison, il y a mon père, mon frère et ma sœur.

Pourquoi as-tu quitté le Guizhou ?

Je n’avais pas d’argent pour étudier, car j’ai une grande sœur qui étudiait déjà et pour deux, c’était trop cher.

En 2004, après avoir fini le lycée, une tante éloignée qui vivait à Ningbo m’a proposé de venir travailler là-bas. Depuis toujours, je suis très indépendante, car je n’ai pas eu de maman, alors je suis partie seule. C’était la première fois que je prenais le train, ça a duré 30 heures !

Quand je suis arrivée j’étais perdue, je n’avais jamais vu cette tante. Elle m’a trouvé un travail dans un pub, où je vivais également. Au début les 3 autres serveuses ne me parlaient pas, et on ne parlait pas le même dialecte, je me sentais seule. Après ça s’est bien amélioré.

Ma tante m’a conseillé de parler le plus possible avec les étrangers, de ne pas être timide. Dans ce bar, c’était la première fois que je parlai avec quelqu’un qui n’était pas chinois, j’ai eu très peur. Après je me suis habituée, et j’ai pu progresser en anglais. Les premiers mois à Ningbo n’ont pas été faciles, j’ai souffert de la chaleur, j’ai eu des problèmes de santé. Heureusement les autres serveuses me soutenaient. Et je voyais aussi souvent ma tante. Chaque mois, j’aidais ma sœur à payer ses études, et j’envoyais aussi de l’argent à mon père.

Au bout d’un an, un Américain m’a proposé de travailler pour lui. J’étais son interprète et je m’occupais aussi de ses enfants. Je vivais chez eux. Mais ça ne s’est pas très bien passé avec sa femme, elle passait son temps à critiquer la Chine. J’ai eu une nouvelle opportunité et je suis partie: un ami de cet Américain m’a proposé de travailler comme assistante dans son entreprise. Il était Australien. J’ai beaucoup appris à ses côtés, il m’a formé au travail en entreprise : à ce moment là, je ne savais même pas comment répondre au téléphone ! Je suis restée 3 ans à ses côtés.

Pourquoi es-tu partie ?

Ma tante a ouvert un pub à Shanghai avec son conjoint australien, je suis venue les aider. C’était il y a 4 mois.

Comment trouves-tu la vie à Shanghai ?

Ça n’a pas été facile au début, on a eu beaucoup de problèmes pour avoir la licence, en Chine, l’administratif, ce n’est pas simple. Et la vie à Shanghai est chère : les transports, la nourriture, tout est cher ! Les gens sont plus sympas qu’avant, quand je venais pour travailler depuis Ningbo. Mais il y en a qui ne sont vraiment pas sympas : comme je ne parle pas le dialecte de Shanghai, ils me demandent d’où je viens, et vu que le Guizhou n’est pas développé, ils me prennent de haut…

Quel est ton rêve ?

Je rêve de m’acheter une maison, à Ningbo, car Shanghai c’est trop cher, et une voiture. J’aimerai aussi voyager dans de beaux pays.

Et dans 10 ans, comment te vois-tu ?

Avec une famille, un mari que j’aime et 2 enfants !

Comment trouves-tu ta vie, ton parcours ?

Je me trouve très chanceuse : j’ai rencontré beaucoup de personnes bien qui m’ont beaucoup appris, beaucoup aidée. La vie en Chine est mieux qu’avant : on vit mieux, les salaires sont meilleurs, les transports aussi…

Qu’est-ce que tu aimerais dire aux étrangers qui liront notre entretien ?

La Chine est un beau pays, les Chinois sont très chaleureux, très amicaux, très sympas. Il y a beaucoup de solidarité ici, je ne sais pas comment c’est ailleurs, mais je pense qu’ici c’est plus important. La famille est très importante aussi. On n’oublie pas ses parents à 18 ans…

Si je gagne au loto, j’aimerai donner la moitié de mes sous aux étudiants du Guizhou. Y en a qui n’ont même pas de chaussures pour aller en cours. Il y a des problèmes de développement ici.

Il y a vraiment des très riches et des très pauvres. La différence est énorme.

C’est commun à toute la Chine ?

Oui, vraiment. Je sais que c’est dur pour les pauvres, car dans ma famille, on manquait de riz quand j’étais jeune, j’ai connu la faim. Il y a beaucoup de régions très pauvres en Chine, et qui se développent moins à email hidden; JavaScript is required.

Par exemple, quand j’étais petite, on a été exproprié pour le passage d’une voie ferrée. On nous a donné 700 yuans par morceau de terrain. Deux ans plus tard on a appris que email hidden; JavaScript is required

Tu penses pouvoir changer ce genre de choses ?

Non, on n’a aucun recours car email hidden; JavaScript is required La Chine est grande, le gouvernement chinois a trop de gens à gérer ; même s’il y a des améliorations il y encore a de gros problèmes.

Penses-tu que la plupart des Chinois partagent ton point de vue ?

Oui, email hidden; JavaScript is required

Mais maintenant c’est quand même mieux qu’avant, le gouvernement fait changer les choses, il communique et veut éduquer les gens à ce propos. Et je suis fière de mon pays, et du gouvernement qu’il fait ce qu’il faut pour développer la Chine, je suis confiante en l’avenir de mon pays.

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