En début d’année, je suis partie en tournée dans le Grand Sud-Marocain pour mettre à jour le guide Petit Futé. Cet article est la seconde moitié de mon journal de bord, le début est ici.
Belles découvertes…
Lundi, depuis la palmeraie de Skoura,
Happy Birthday to me !
42 ans en ce jour et peut-être l’une des plus belles manières de me fêter : en voyageant, en étant « mobilisée » pour raconter des beautés du monde !
Je suis seule et fatiguée à ma table ce soir, mais pleine d’énergie si positive, entourée de douces ondes.
Je suis agréablement surprise par la palmeraie de Fint près de Skoura : le chant des oiseaux m’accompagne tout le jour, le bleu si vif du ciel, les palmiers et autres cultures aussi.
De moments pur présent, pur cadeau en ce jour : l’air doux, si doux, sur la terrasse de chez Rachid, en surplomb de l’oasis de Fint. Douceur idéale, bien-être absolu, surtout après le tourisme de masse à Aït Ben Haddou. La balade à pied dans la palmeraie de Skoura. Odeurs, oiseaux, douceur de l’air, tout me sied à merveille. L’architecture des casbahs me ravit les yeux.
Et cet homme, Ahmed, croisé devant chez lui qui nous fera visiter sa casbah qui a dû être majestueuse à ses heures de gloire mais qui est aujourd’hui en ruines. Plus d’une fois, j’ai prié face à tant de beauté en ce jour.
Aussi, la route superbe dans Skoura, à la tombée du jour avec l’Atlas majestueux qui semble veiller sur les palmiers.
Mobilisée oui, avec tant de joie, pour témoigner au mieux de l’honneur qui est le mien de parcourir cette si belle Terre-mère.
Mardi, depuis le toit de ma chambre…
Beauté absolue de ce qui est. Beauté infinie de la nature !
Assister au lever du jour sur la palmeraie. Assister au coucher du dernier quartier de lune. Écouter les oiseaux annoncer le début du jour à la Terre entière. Prier. Être un avec ce qui est. N’être que joie et gratitude.
Depuis El Khorbat…
Me voici littéralement vidée après une journée tellement remplie, de beauté et d’inattendu…
Je découvre la Vallée des roses que j’arpente en tout sens. J’hume la délicate rose de Damas, 1 millilitre de la précieuse huile essentielle vaut si cher, et je sens tant et tant de boutons de rose séchés… Ce n’est pas la saison, mais j’apprends de belles choses.
Peu après, première balade et je suis ébahie par ces casbahs en pisé laissées à l’abandon. Tellement majestueuses même à moitié démolies.
Hier je parle avec Abdou, mon excellent guide-chauffeur, de danse et de musique, je lui dis que je serais heureuse de participer à un mariage ici, car c’est là qu’on danse selon lui.
Et ce jour, quelque part après la Vallée des Roses… nous tombons sur un mariage. « On peut s’arrêter », me dit Abdou. La chanson qui est jouée à cet exact moment par les cinq musiciens qui semblent si gais est « Qui vient s’arrêter boire un thé ? », me traduit Abdou.
On s’arrête donc.
Joie sur les visages. Ronde de danse, jeunes d’un côté, âgés de l’autre. Tout se passe dans la rue, puis nous bougeons vers le « bâché » dans la cour. Claps-claps de main, rires, youyous, chants qui se répondent. La joie est manifeste. Et l’émotion bientôt quand le marié retrouve la mariée sous la bâche, dans un cercle de musique. Abdou et moi sommes invités à boire le thé dans un salon au calme, par le père de la mariée. Il nous invite pour le couscous, mais la route est encore longue et mon programme chargé, et je suis déjà tellement heureuse de ces instants volés.
Il est 13h30 et Abdou me dit « Passons chez les nomades ! » avant de continuer notre route vers le lieu de déjeuner.
Une piste, des montagnes, quelques pâturages par-ci par-là. Un panneau solaire au milieu de nulle part : « C’est là ».
Les nomades habitent dans les roches. Trois ou quatre pièces troglodytes, où vit cette famille de 8 personnes. Tout se passe en berbère. Abdou me confiera ensuite qu’il connaît la famille depuis 10 ans et passe de temps à temps prendre le thé ainsi. Tout est simple, spontané.
Je devine l’âge de Khéra « 21 ans ? », c’est 22 en fait. Son fils Hicham, un an, semble avoir peur, ses beaux-parents, Moha et Adjou, préparent le thé. Je passe un peu moins d’une heure avec eux. Simples échanges, beaucoup de jeux et de rires avec Hicham, que j’apprivoise, de la curiosité réciproque.
Moi : « tu n’es pas tentée par la vie en ville parfois ? » Khéra : « tu n’as pas ton mari avec toi quand tu voyages ? ». Des réponses spontanées. Elle : « seulement si c’est une maison face à la mer ». Moi : « je suis là pour travailler. »
Simplicité et spontanéité qui chauffent mon cœur.
Le reste du jour est une enfilade de beaux paysages autour des Gorges de Dadès où je randonne un peu et roule beaucoup.
Gratitude absolue pour ce si beau jour.
Mercredi, depuis le toit d’El Khorbat
Assister de nouveau, au lever du jour, du soleil, et des bruits animaux sur le jour, sur cette si belle Terre.
Gratitude encore et encore. Faire de ma vie une prière continue. De gratitude ou d’imploration pour n’être qu’un avec ce qui est.
Je repense à Khéra. À son si beau visage. À l’amour rayonnant pour son fils. À la simplicité de notre rencontre. C’est encore possible de vivre totalement hors du monde mondialisé, en habitant à quelques kilomètres de là pourtant. Et de ne pas céder à ses sirènes. Leur vie n’est pas meilleure que la nôtre, je n’en connais rien, quid des soucis de santé, de la dureté du quotidien, de tant d’autres pans que j’ignore de leur vie. Mais quelle joie d’échanger ainsi. De partager ainsi notre pleine humanité. Merci la Vie !
Plus tard, depuis Erg Znagui
Qui suis-je pour dire c’est beau ou ce n’est pas beau ? Pour dire c’est bien ou ce n’est pas bien ? C’est. Ceci est. C’est tourisme est. Et peut-être cette expérience peu authentique à mes yeux touche les cœurs des touristes. Peut-être la magie du désert officie-t-elle, loin de mes envies puristes. À peine quelques foulées dans le Sahara et je sens sa magie faire effet.
Plus tard encore, depuis Erg Chebibi
Face au coucher de soleil sur ce majestueux Sahara. Je n’arrive pas à savoir si le tourisme à Merzouga est une bonne chose. Je ne suis personne pour le décider. Ce tourisme fait vivre de nombreuses personnes, c’est certain. Mais ils abîment, je suppose, sol et ressources. Ce tourisme peut-il sensibiliser aux beautés de notre monde ? Ça je ne peux le savoir.
À mon modeste niveau, heureuse de ma randonnée en silence et quasi seule à Erg Znagui. Le Sahara m’y a parlé… Heureuse de pouvoir promouvoir la culture Gnawa aussi.
Mais ce tourisme… Il devrait être mieux encadré c’est certain : quota de visiteurs ou au moins limitation des sports mécaniques. Et pourtant la Terre-mère est superbe et c’est magnifique d’y être sensibilisée. Et ici aussi, je crois que le Sahara peut être un si bel enseignant.
Plus tard enfin, au dîner
Le désert n’est-il qu’un décor ici ? Un décor ? Ne suis-je pas plus sensible à cette question, car amoureuse du Sahara ? Mais n’est-ce pas ainsi de tous les lieux touristiques ? Et même plus largement, de tous les lieux que nous arpentons sans y mettre de conscience en tant qu’humain ? Il semblerait que ce soit le cas pour tous les lieux foulés, sans avoir conscience que ces lieux nous abritent, nous portent, nous offrent leur soutien. Ce serait le cas toutes les fois où nous sommes quelque part sans avoir la conscience d’y être. Très très souvent donc. Pour ne pas dire presque à chaque fois. Moi inclus évidemment.
Vœu pour la suite de ma vie : arpenter, chaque lieu où je vis, où je vais, que je visite, avec conscience et gratitude. Élargir la conscience du temps que je travaille depuis si longtemps, cette pleine présence, à la conscience du lieu. Pleine présence dans le temps comme dans l’espace.
Quelle leçon, cher Sahara tant aimé. Me rappeler à chaque instant que je suis une invitée de la Terre qui me porte avec tant de générosité.
Jeudi, près du Sahara,
Tant de douceur sur les dunes en ce lever de soleil. Voir les teintes rosées évoluer de minute en minute.
Apprécier le silence absolu de six heures, qu’aucun humain, quad ou 4×4 ne trouble encore.
Prier et se laisser tant absorber.
Prier, paupières closes, et les rouvrir quelques instants après : tout le tracé des dunes a changé. Les ombres s’affirment, le rose du sable s’intensifie. Le soleil est bientôt là.
Blanche de Richemont dit : « c’est une insulte au désert de dormir dans une tente dans le Sahara ». Je dirais : c’est une insulte à nous-mêmes de nous priver de la beauté de ses enseignements. De son silence surtout.
Plus tard, depuis Dar Tiziri
Que ma journée m’a paru longue. Point du tout pour le pire, mais tant elle fut intense.
Lever du jour sur les dunes, silence absolu avant le jour. Bonheur.
Route vers Alnif. Rencontre avec ce géologue passionné, Ihmadi Tribolites… Que nous sommes peu de choses, nous l’humanité, face aux plusieurs centaines de millions d’années de la Terre. Humilité plus que jamais.
Route encore et belle pause déjeuner à Nkob. Que les environs sont éblouissants. Montagnes désertiques. Monts arides plantés d’acacias. Paysages immenses, superbes.
La route me plaît tant. Superbissime Anti-Atlas, qui me touche autant qu’aux premiers instants, en quittant Agadir.
Arrivée à Zagora. Coup de cœur pour cette petite ville, aux antipodes de Merzouga. Superbe balade dans la palmeraie. Douceur, douceur, douceur.
Vendredi, depuis ma terrasse de Dar Tiziri
Marquée encore par ma conversation avec Ihmadi Tribolites. Nous sommes si peu, si peu de choses, un grain de sel dans le Sahara à l’échelle du temps de la Terre Mère – si peu de chose, et pourtant nous nous inquiétons pour tant de choses. Il n’y a qu’à aimer, qu’à rayonner l’amour et l’unité…
Dire que notre conscience magnifique est là pour nous faire expérimenter amour et unité, et que nous passons nos vies à aller vers la séparation.
Dans la bibliothèque de Tamegroute
Entouré par 4000 livres à l’an de 1063, au XVIIe siècle… Magnifique trésor.
Récit de voyage d’un pèlerin à la Mecque, autobiographie du fondateur de la bibliothèque, précis de mathématiques, livres en grand nombre d’astronomie, grammaire, philosophie ou d’étude du Coran…
Trésor inestimable, qui me rappelle à quel point l’écriture est précieuse.
Plus tard, depuis le Riad Assia
Graver dans mes mots ces éclats de vie superbe, ces moments Sahariens tant espérés et qui ont bien tenu leurs promesses…
J’avais une telle envie de revoir le Sahara, aurais-je un jour plus envie de le voir ? Je ne le crois pas. Depuis Merzouga « Erg Chegaga » était une promesse d’un « vrai » désert.
À peine arrivons nous aux premières mini-dunes en bord de piste qu’Abdou dit : « C’est la tempête de sable ». Ah je ris intérieurement, le Sahara n’a pas fini de m’enseigner : moi qui l’attends avec tant d’impatience, il est possible que je ne vois rien du désert en ce jour.
Première halte au camp Conference Of The Birds. Un thé rapide et me voici partie avec Rachid.
Le Sahara, le vrai, m’ouvre bien ses bras. Le vent est là, très présent, mais les dunes sont si belles. Infinies, selon la direction où je regarde. Je me sens enfin dans le « vrai » désert et c’est bon…
Moments de beauté absolue : un lourd nuage éclipse un instant le soleil dont la lumière n’inonde plus les dunes. Une part de ces dernières s’assombrit, puis redevient lumineuse. Quelques autres s’assombrissent et ainsi de suite.
Je suis absorbée par cet époustouflant jeu de lumière… mais dois bientôt reprendre la route.
Seconde halte au campement Nomademoi, vingt minutes de 4×4 plus loin. Je déjeune là-bas et le vent a le temps de s’amplifier encore. 90 km/heure me dira-t-on.
Daoud, mon hôte berbère, est d’accord pour m’accompagner malgré ce puissant vent.
Les dunes sont plus nombreuses encore. Beauté sur beauté, il faudrait créer des mots nouveaux pour les décrire. Le vent est réellement fort, m’empêche de garder les yeux ouverts à plusieurs reprises. Qu’importe, j’aime le Sahara sous toutes ses formes.
Nous faisons face à la dune de 300 mètres de haut, il est encore temps de rentrer. Évidemment, je ne rentre pas. La montée est rude, le vent ne faiblit pas. Arrivée en haut, je peine à tenir debout et dois me mettre à quatre pattes à plusieurs reprises. Vue superbissime. Des dunes à perte de vue. Des dunes si douces, si douces. Je reviendrai, je le sais.
J’entame la descente et m’arrête au bout de quelques pas, enfin à l’abri du vent. Je suis saisie. La vue est plus belle encore. La beauté des dunes au profil si doux, si régulier, aux contours si finement tracés, je suis ébahie.
Je ne peux que hurler « mais que c’est beau » à plusieurs reprises.
Quelques pas plus loin, une autre beauté me fige. De lourds nuages gris apparaissent. À nouveau, la lumière est superbe : nuages gris, dunes dorées, et des filets de lumière plus clairs qui les nimbent au gré du jeu des vents et des nuages. Magnificience incarnée.
Plus d’une fois, j’aurais prié, remercié, médité et prié encore face à tant de splendeur.
Je dois hélas déjà reprendre la route, escortée par un inédit arc-en-ciel qui ferme le chapitre de cette journée saharienne aussi courte que superbe.
Je reprendrai longuement la route pour revenir vers la civilisation marocaine et bien trop vite française.
Ainsi s’achève ma tournée sud-marocaine…
Un immense merci à Emmanuelle de l’agence Authentik Traveller : elle m’a soutenue pour l’organisation de ma tournée pour la mise à jour du guide Petit Futé Grand Sud Marocain et a rendu ces découvertes possibles…