Portrait de Chine : rencontre avec Juanjuan
Mai 16, 2010 La Chine au quotidien 7

Je commence aujourd’hui un nouveau type d’articles : je vous propose le portrait de Chinois à qui je demande de me parler de leur vie et de leurs envies, pour partager ces instantanés de vies chinoises ici avec vous.

Nous partons aujourd’hui à la rencontre de Juanjuan, une jeune barmaid. Pourquoi elle ? simplement car je l’ai rencontrée quelques heures après avoir pris la décision de faire cette série, et son dynamisme et sa gentillesse m’ont paru assez représentatifs du caractère des Chinois.

Peux-tu te présenter?

Je m’appelle Juanjuan, je viens de Kaili dans le Guizhou et j’ai 25 ans. Je suis d’une minorité ethnique, les Miao. Ma maman est morte quand j’étais jeune, et à la maison, il y a mon père, mon frère et ma sœur.

Pourquoi as-tu quitté le Guizhou ?

Je n’avais pas d’argent pour étudier, car j’ai une grande sœur qui étudiait déjà et pour deux, c’était trop cher.

En 2004, après avoir fini le lycée, une tante éloignée qui vivait à Ningbo m’a proposé de venir travailler là-bas. Depuis toujours, je suis très indépendante, car je n’ai pas eu de maman, alors je suis partie seule. C’était la première fois que je prenais le train, ça a duré 30 heures !

Quand je suis arrivée j’étais perdue, je n’avais jamais vu cette tante. Elle m’a trouvé un travail dans un pub, où je vivais également. Au début les 3 autres serveuses ne me parlaient pas, et on ne parlait pas le même dialecte, je me sentais seule. Après ça s’est bien amélioré.

Ma tante m’a conseillé de parler le plus possible avec les étrangers, de ne pas être timide. Dans ce bar, c’était la première fois que je parlai avec quelqu’un qui n’était pas chinois, j’ai eu très peur. Après je me suis habituée, et j’ai pu progresser en anglais. Les premiers mois à Ningbo n’ont pas été faciles, j’ai souffert de la chaleur, j’ai eu des problèmes de santé. Heureusement les autres serveuses me soutenaient. Et je voyais aussi souvent ma tante. Chaque mois, j’aidais ma sœur à payer ses études, et j’envoyais aussi de l’argent à mon père.

Au bout d’un an, un Américain m’a proposé de travailler pour lui. J’étais son interprète et je m’occupais aussi de ses enfants. Je vivais chez eux. Mais ça ne s’est pas très bien passé avec sa femme, elle passait son temps à critiquer la Chine. J’ai eu une nouvelle opportunité et je suis partie: un ami de cet Américain m’a proposé de travailler comme assistante dans son entreprise. Il était Australien. J’ai beaucoup appris à ses côtés, il m’a formé au travail en entreprise : à ce moment là, je ne savais même pas comment répondre au téléphone ! Je suis restée 3 ans à ses côtés.

Pourquoi es-tu partie ?

Ma tante a ouvert un pub à Shanghai avec son conjoint australien, je suis venue les aider. C’était il y a 4 mois.

Comment trouves-tu la vie à Shanghai ?

Ça n’a pas été facile au début, on a eu beaucoup de problèmes pour avoir la licence, en Chine, l’administratif, ce n’est pas simple. Et la vie à Shanghai est chère : les transports, la nourriture, tout est cher ! Les gens sont plus sympas qu’avant, quand je venais pour travailler depuis Ningbo. Mais il y en a qui ne sont vraiment pas sympas : comme je ne parle pas le dialecte de Shanghai, ils me demandent d’où je viens, et vu que le Guizhou n’est pas développé, ils me prennent de haut…

Quel est ton rêve ?

Je rêve de m’acheter une maison, à Ningbo, car Shanghai c’est trop cher, et une voiture. J’aimerai aussi voyager dans de beaux pays.

Et dans 10 ans, comment te vois-tu ?

Avec une famille, un mari que j’aime et 2 enfants !

Comment trouves-tu ta vie, ton parcours ?

Je me trouve très chanceuse : j’ai rencontré beaucoup de personnes bien qui m’ont beaucoup appris, beaucoup aidée. La vie en Chine est mieux qu’avant : on vit mieux, les salaires sont meilleurs, les transports aussi…

Qu’est-ce que tu aimerais dire aux étrangers qui liront notre entretien ?

La Chine est un beau pays, les Chinois sont très chaleureux, très amicaux, très sympas. Il y a beaucoup de solidarité ici, je ne sais pas comment c’est ailleurs, mais je pense qu’ici c’est plus important. La famille est très importante aussi. On n’oublie pas ses parents à 18 ans…

Si je gagne au loto, j’aimerai donner la moitié de mes sous aux étudiants du Guizhou. Y en a qui n’ont même pas de chaussures pour aller en cours. Il y a des problèmes de développement ici.

Il y a vraiment des très riches et des très pauvres. La différence est énorme.

C’est commun à toute la Chine ?

Oui, vraiment. Je sais que c’est dur pour les pauvres, car dans ma famille, on manquait de riz quand j’étais jeune, j’ai connu la faim. Il y a beaucoup de régions très pauvres en Chine, et qui se développent moins à email hidden; JavaScript is required.

Par exemple, quand j’étais petite, on a été exproprié pour le passage d’une voie ferrée. On nous a donné 700 yuans par morceau de terrain. Deux ans plus tard on a appris que email hidden; JavaScript is required

Tu penses pouvoir changer ce genre de choses ?

Non, on n’a aucun recours car email hidden; JavaScript is required La Chine est grande, le gouvernement chinois a trop de gens à gérer ; même s’il y a des améliorations il y encore a de gros problèmes.

Penses-tu que la plupart des Chinois partagent ton point de vue ?

Oui, email hidden; JavaScript is required

Mais maintenant c’est quand même mieux qu’avant, le gouvernement fait changer les choses, il communique et veut éduquer les gens à ce propos. Et je suis fière de mon pays, et du gouvernement qu’il fait ce qu’il faut pour développer la Chine, je suis confiante en l’avenir de mon pays.

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7 comments on “Portrait de Chine : rencontre avec Juanjuan

  1. Bravo pour cette superbe idée de sujets! Et ça commence très fort avec cette jeune fille! Evoquer ainsi la corruption, elle ne manque pas de cran! J’ai hâte de lire la suite de ces interviews!

  2. Bonjour, bravo pour ce projet et cette interview très intéressante.
    Dans quelle langue l’as-tu faite ?

  3. Merci pour ce sympathique commentaire !
    J’ai fait l’interview en chinois, soupoudrée de quelques mots d’anglais (son niveau d’anglais était très bon). Dans la mesure du possible, je vais essayer de faire les prochaines en chinois également: je suppose qu’on est plus à l’aise pour parler de choses personnelles dans sa langue maternelle.

  4. Merci beaucoup pour ce billet. Très bien !
    Ça me réconcilie (un tout petit peu) avec la Chine.
    Les mauvais côtés ont tendance à me faire oublier qu’il y a aussi beaucoup de gens sympas et amicaux parmi les Chinois.

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