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Portrait de Chine (4): Woody

Cette semaine, c’est Woody que nous rencontrons, il m’enseigne le chinois depuis plusieurs mois. Attention, il n’a pas sa langue dans sa poche !

Qui es-tu ?

Mon nom chinois est Hu Ding Bo, mon nom anglais est Woody. J’ai 25 ans, je viens du Sichuan (Yibing). Ma famille, c’est 2 personnes : ma mère et moi. J’ai fini mes études depuis 2 ans et j’ai étudié l’anglais.

Pourquoi es-tu venu à Shanghai ?

C’est par coïncidence. Après mes études, j’ai cherché du travail, et ce n’a pas été facile. J’ai trouvé du travail dans le Zhejiang, dans une entreprise qui fabrique des pompes à eau, c’était en juillet 2008. J’ai passé une semaine de vacances à Shanghai. Dans le Zhejiang, il n’y avait rien à faire : c’est loin de tout et il n’y a que des usines. Finalement j’ai quitté ce travail et je suis parti à Shanghai. Avant ça, je n’avais jamais imaginé que je pourrais aller y travailler.

J’y ai trouvé un travail : je suis devenu assistant pour une personne pour qui j’avais déjà fais des traduction quand j’étais dans le Sichuan. Aujourd’hui, je suis donc assistant et interprète. Mon travail me plait vraiment : je voyage beaucoup pour le business, je rencontre plein de personnes différentes, je fais plein de choses variées. Mon chef est un journaliste suisse pour des revues automobiles et technologiques.

Ta mère comprend-elle que tu vives à Shanghai ?

Elle ne comprend pas et n’est pas d’accord. Elle trouve que c’est trop loin et que le niveau de vie est trop élevé. Elle n’est jamais partie de chez elle, elle n’a pas confiance. Et elle aurait aimé que j’aie une vie de famille.

Justement, veux-tu des enfants ?

Je ne pense pas si loin… je n’arrive pas à me gérer moi même alors… et puis c’est trop de stress… et je me dis pourquoi pas partir vivre à l’étranger d’ici quelques années…

Vois-tu souvent ta mère?

Je n’ai pas de très bonnes relations avec elle. On a des points de vue différents sur la vie. Elle ne comprend pas ce que je veux, et ne me comprend pas tout court. Elle est très traditionnelle… on ne se parle pas beaucoup. On se voit une fois par an; je ne pense même pas rentrer cette année. On s’appelle une fois par mois. On se dit toujours les mêmes choses : elle me demande toujours si j’ai bien mangé, si la santé va bien… Elle me dit qu’il ne faut pas dépenser d’argent mais économiser pour acheter une maison. Elle est très matérialiste : elle ne pense qu’à l’argent.

Que fait-elle ? penses-tu qu’elle soit heureuse ?

Elle est retraitée, elle travaillait avant dans une usine de papier. Je pense qu’elle est heureuse : elle a une petite retraite qui lui permet de bien vivre. Il n’y a rien à faire dans sa ville, mais elle y est bien.

Revenons à toi : quel est ton rêve ?

Mon rêve ? depuis très longtemps, j’aurais aimer être designer dans la mode. Mais je n’ai pas eu le droit de choisir. Je n’avais pas l’argent pour. En Chine tu n’as pas le droit de choisir. Ma mère aurait voulu que je sois prof; je n’ai pas eu les moyens… Je me rends compte que plus le temps passe, plus mon rêve s’éloigne…

Comment te vois-tu dans 10 ans ?

Les changements sont trop rapides… je ne sais pas. Il y a 2 mois, j’étais prêt à sortir tous les week-ends ; maintenant je n’en ai plus envie. Alors dans 10 ans, je ne peux pas dire…

Que penses-tu de la Chine ?

La Chine est un pays très bien. Je ne sais pas si c’est le plus beau pays, mais c’est un pays très bien. Les Chinois sont des gens bien aussi, même s’il y a pas mal de changements ces temps-ci, ce sont des gens bien.

Le problème c’est leemail hidden; JavaScript is required mais là… Il y a trop de différence entre ce qui est dit et ce qui est fait. Il faudrait un second email hidden; JavaScript is required, au moins il y aurait du changement.

Penses-tu pouvoir faire changer les choses ?

Oui, peut-être, mais je n’en aurai pas l’occasion.

Penses-tu que le email hidden; JavaScript is required peut évoluer ?

Ce gogov. est rusé. email hidden; JavaScript is required

Pour te donner une idée : dans ma petite ville (de 5 millions d’habitants!), un directeur d’un bureau de taxe d’une des neuf circonscriptions a été arrêté pour email hidden; JavaScript is required! il a été condamné à mort. Mais imagine ça à l’échelle du pays, car là c’est vraiment une petite ville… Je ne vois pas de solution pour changer les choses.

Zhu Rongji (voir ici) a essayé de faire changer les choses, vraiment. Il a fait trois choses bien : il a lutté massivement contre le chômage et a remis la Chine dans la croissance économique, il a régulé la bourse et a voulu lutter contre laemail hidden; JavaScript is required. Finalement il s’est fait détester par tout le monde…

Et tes proches partagent-ils ton point de vue ?

Mes amis sont tous d’accord. Si seulement on avait eu email hidden; JavaScript is required était de la campagne…

Que dirais-tu aux lecteurs de ce blog qui ne connaissent pas la Chine ?

Je leur dirais de vraiment se préparer à venir en Chine. Je ne leur conseillerai pas de rester dans des hôtels de luxe, juste pour quelques jours. Mais plutôt d’aller dans des endroits plus traditionnels, d’aller hors de Shanghai aussi. Dans les petites villes du Nord, du Sud, de l’Est, de l’Ouest et du centre de la Chine. De voir les minorités. De se faire des amis à la campagne et de voir comment ils vivent !

Les précédents portraits de Chine se trouvent ici: Juanjuan, Abby & Catherine

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Portrait de Chine (3): rencontre avec Catherine

Pour ce troisième portrait de Chine, ce n’est pas un Chinois qui a bien voulu répondre à mes questions, mais Catherine, journaliste française, qui côtoie la Chine depuis plus de 20 ans. Son histoire avec la Chine et son regard sur les Chinois m’ont tout de suite plu, et je voulais partager cette rencontre ici:

Qui es-tu ?

Je suis une aventurière, au sens noble du terme. Le goût de l’inconnu, se laisser surprendre. Mes modèles : les grands explorateurs, les découvreurs du 19ème siècle, Albert Londres (l’aventurier- journaliste).

Peux-tu me raconter ta première rencontre avec la Chine ?

Le déclic, c’est la lecture d’un livre d’Alexandra David-Neel sur sa traversée de la Chine, en 1937, de Pékin à Lhassa. J’ai commencé par prendre des cours particuliers de chinois. C’était en 1986, j’avais du temps libre et  le goût des langues. J’ai appris le chinois à l’oreille, je n’ai jamais réussi à l’écrire ni à le lire.

En email hidden; JavaScript is required, j’ai pris une année sabbatique. Le choix de la Chine s’est imposé à moi. Après m’être initiée  à cette  langue, il me paraissait logique de vouloir connaitre la civilisation chinoise. J’ai préparé mon voyage pendant 3 mois. A l’époque, je travaillais pour la radio, je pensais que je pourrais faire des reportages sur la Chine, de manière approfondie, des sujets magazine.

Je suis arrivée en janvier email hidden; JavaScript is required à Pékin. J’ai été tout de suite accueillie par la famille de mon professeur de chinois en France, la famille Wu. Elle m’a hébergée dans l’appartement du fils. C’était une « hutong », une cour à l’ancienne, où habitaient plusieurs familles dans de toutes petites pièces. Je partageais un robinet d’eau dans la cour,  il n’y avait ni toilettes, ni salle de bain. Je chauffais la pièce principale avec un poêle à charbon. C’était l’hiver, il faisait très froid, je n’ai pas tenu longtemps ! Par la suite, j’ai déménagé une douzaine de fois. La famille Wu m’a toujours assistée, conseillée, c’était mon ancrage à Pékin.

Comment as-tu vécu les fameux événements de email hidden; JavaScript is required ?

Les premières manifestations d’étudiants ont commencé mi avril, email hidden; JavaScript is required. La place est vite devenue un lieu de débat, de email hidden; JavaScript is required En mai, les jeunes ont décidé de faire une grève de la faim. Ils étaient exaltés, passionnés, ils semblaient n’avoir peur de rien. Les étudiants  d’autres villes chinoises sont arrivés par centaines à Pékin: ils prenaient le train sans payer ! La place a pris les allures de campement permanent, avec ses bâches en plastique, sa distribution d’eau, ses jeunes qui passaient la nuit à la belle étoile…

As-tu senti que la répression allait arriver ?

A force d’aller tous les jours sur la place, je me suis laissé emporter par l’enthousiasme général. Les jeunes, malgré leurs revendications excessives et naïves, étaient considérés par une partie de la population, comme des héros. Le discours politique était  peu structuré chez l’étudiant de base, ils faisaient confiance à leurs leaders. Les slogans concernaient  la lutte email hidden; JavaScript is required, le désir de davantage de démocratie. La email hidden; JavaScript is required a été instituée le 20 mai, les militaires ont tenté d’entrer dans la ville mais ils ont été repoussés de manière pacifiste par la population. Le 30 mai, les étudiants des Beaux Arts érigent sur la place, une Déesse de la Démocratie qui rappelle la statue de la liberté à New-York.

Et comment le reste de la population a ressenti ce printemps?

Je me souviens très bien d’une email hidden; JavaScript is required au mois de mai à Pékin. Un million de personnes ont défilé dans les rues. Etudiants, ouvriers, employés. Les habitants, au passage des manifestants, applaudissaient depuis les fenêtres des immeubles ! Une partie de la  population de Pékin a soutenu le mouvement de manière active en montant par exemple des barricades à partir du 1er juin pour empêcher l’arrivée des email hidden; JavaScript is required jusqu’à la place !

Comment as-tu vécu cette fameuse nuit du email hidden; JavaScript is required ?

En début de soirée, j’ai assisté à l’arrivée d’un email hidden; JavaScript is required, finalement immobilisé par une foule très dense. Je suis revenue à mon hôtel informer ma rédaction et envoyer mon témoignage en France. J’ai mis  plusieurs heures avant d’obtenir la communication téléphonique. Lorsque j’ai voulu revenir sur la place, vers 4 heures du matin, tous les accès étaient déjà contrôlés par les email hidden; JavaScript is required. Je n’étais pas présente au moment où l’armée a délogé les étudiants mais j’ai entendu les coups de feu et vu les premiers blessés sortir de la place sur des brancards.

Tu ne pensais pas que le mouvement des étudiants allait se terminer ainsi ?

La email hidden; JavaScript is required avait été instaurée le 20 mai, j’avais bien senti la menace se rapprocher mais je partageais le quotidien des étudiants, j’étais portée par leur élan. Je n’avais aucune information sur les discussions au sommet du pouvoir. Une seule personne a tenté de calmer mon enthousiasme avant le email hidden; JavaScript is required. Le patriarche de la famille Wu. Avec l’expérience de ses 70 ans, ce vieux monsieur, membre du parti communiste, observait  les événements avec scepticisme. Il ne croyait pas que des étudiants puissent faire tomber le régime. Il connaissait la Chine mieux que moi !

Et après ? quelle a été l’ambiance à Pékin ?

C’est comme si  la cocotte-minute s’était refermée d’un coup. Black-out total sur le sujet … Plus personne ne voulait  parler aux étrangers. Mes amis m’ont tous demandé : pourquoi tu restes à Pékin? Comme journaliste, j’ai eu quelques difficultés à travailler. Je me rappelle avoir interrogé en juillet un étudiant de Shanghai sur sa participation au mouvement de email hidden; JavaScript is required. Il a accepté de me répondre , mais  en pédalant à vélo pendant 30 minutes  dans la ville pour que le vent couvre notre conversation… Le email hidden; JavaScript is required a tout repris en main: email hidden; JavaScript is required des meneurs, publication de listes de personnes recherchées, séances d’email hidden; JavaScript is required pour les étudiants qui s’étaient laissés entrainer email hidden; JavaScript is required, envoi des étudiants de quatrième année à la campagne… Le mouvement  a été qualifié de «email hidden; JavaScript is required». La propagande a duré des mois. Malgré tout,  je n’ai pas voulu quitter la Chine. Je suis restée jusqu’en novembre. Puisque plus rien ne me retenait à Pékin, j’en ai profité pour explorer quelques provinces chinoises où je me suis aperçue que la connaissance des événements de la email hidden; JavaScript is required était très partielle.

La suite très bientôt !

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Portrait de Chine (2): rencontre avec Abby

Pour ce deuxième « portrait de Chine », c’est Abby que nous rencontrons. Abby est une de mes collègues avec laquelle je m’entends très bien. Entretien:
Qui es-tu?
(Elle sourit et me dit) Je réfléchis.
Quelques secondes passent.
Je suis la fille de mes parents. Je suis enfant unique, et j’ai été créée de manière unique, personne n’est comme moi. J’aime la vie, je m’aime moi-même et j’aime bien ma situation en général ! J’ai 28 ans et je viens de Tanjieng, dans le Hebei.

Qu’y faisais-tu avant de quitter la région?
J’étais traductrice, dans le domaine industriel, depuis 2 ans. C’était un travail très détendu, je travaillais peu d’heures par semaine, et il y avait peu de stress. Je travaillais avec des Canadiens.

Pourquoi es-tu venue à Shanghai? qu’es-tu venue y faire?
Mes amis proches étaient là, il y avait d’autres raisons aussi…
J’ai rapidement trouvé un travail, comme merchandiser dans un grand groupe français. Au début c’était très fatiguant, je travaillais beaucoup de 9h du matin à 22h parfois. Mais c’était intéressant, j’ai beaucoup appris. J’avais pas mal de collègues français.

Qu’as-tu appris à ce moment là sur les différences entre Français et Chinois?
Au travail, j’ai remarqué que les Français sont très précis, les Chinois sont moins organisés, font des raccourcis…
Je me suis aussi aperçue que les Français savent faire la séparation entre la vie personnelle et professionnelle. Moi à ce moment-là, je ne profitais pas de la vie, je ramenais du travail à la maison… La culture chinoise est très routinière.

Pourquoi as-tu changé de travail?
J’avais l’impression d’être un écrou au sein du grosse machine, je ne réfléchissais pas, ne me servais pas de mon cerveau. Alors je suis partie pour une autre entreprise. J’ai changé de domaine, j’ai travaillé dans l’e-commerce, encore avec des Français.
Finalement je me suis rendue compte que je préférais mon ancien domaine, et quand on m’a demandé de travailler les week-ends, j’ai voulu changer.

Tu travailles donc maintenant dans un petit bureau d’achat franco-chinois, qu’est-ce qu’il te plait dans ton travail?
J’apprécie surtout être respectée: mon travail a de la valeur. C’est le plus important. J’ai une vue d’ensemble sur ce que je fais, du début à la fin, c’est vraiment agréable.
Et puis, il y a de bonnes relations professionnelles, amicales. Je ne me sens pas stressée pour rien.

Maintenant, que peux-tu me dire sur les différences entre Français et Chinois?
Les Français sont directs et francs, ils ne font pas de zigzags comme les Chinois. D’ailleurs je suis plutôt semblable aux Français sur ce point.
Elle réfléchit à ma question…
Ce qui est important pour eux c’est de profiter de la vie, ils savent réaliser leurs rêves, et sont courageux. Les Chinois ont moins de rêves…

Quel est ton rêve justement?
Petite, je voulais être archéologue… Mais je n’ai pas étudié dans le bon domaine, car mes parents n’étaient pas d’accord. L’avis des parents est très important pour les Chinois. Je ne regrette pas quand même: je lis à ce propos, regarde des DVD.

Et ton rêve d’aujourd’hui quel est-il?
Voyager autour du monde avec mon amour.
Vivre dans une petite maison en bois avec mon mari, avoir le temps de lire et peindre… Je ne suis pas carriériste, pour moi la vie et l’amour sont plus importants.

Comment te vois-tu dans 10 ans?
Plus charmante ! car j’aurai plus d’expérience. Et j’espère avoir mis en œuvre les premières étapes pour réaliser mes rêves !

Que dirais-tu à un Français qui ne connait pas la Chine?
Les Chinois sont très amicaux. En Chine, on dit que « un ami qui vient de loin, c’est la meilleure des choses ».

Que penses-tu de la Chine d’aujourd’hui?
Elle est de plus en plus forte, de plus en plus influente. Les Chinois connaissent de mieux en mieux leur propre pays et le reste du monde.
Il y a beaucoup de problèmes en Chine, car il y a trop de monde. Tu as entendu parler du malade qui a tué beaucoup d’enfants en début d’année? (j’acquiesce) Ce fait a été relayé dans les médias et du coup d’autres personnes ont voulu l’imiter. Je me demande si c’est bien que les médias relaient ce genre d’information, il y a une influence négative…
Mais pour revenir à ta question, je suis très fière de mon pays, même si je sais qu’il y a beaucoup de problèmes sociaux aussi.

Qu’entends-tu par fière?
Après le tremblement de terre du Sichuan en 2008, il y a eu beaucoup d’entraide, les gens se sont sentis reliés. Il y a eu un esprit de Chine uni qui n’existait pas avant, de nationalisme.
J’étais fière des JO aussi.
Et l’an dernier, j’ai été très fière des démonstrations militaires pour les 60 ans de la Chine, je me suis sentie protégée.

Je lui fais part de mon étonnement et je lui dis alors que si on me posait la même question, je me dirai plus fière de l’histoire de mon pays que de ces dernières années, elle me répond:
Vraiment, avant 2008, j’avais l’impression que les gens étaient froids, déconnectés, cette année a permis aux Chinois de ressentir plus d’amour. Je suis aussi fière de mon pays pour ses 5000 ans d’histoire.

Elle me donne ensuite de nombreux exemples pris de différentes dynasties chinoises, et termine notre entretien par ces mots:
Intéressant cet interview, ça me permet de me poser des questions sur moi-même !

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Portrait de Chine : rencontre avec Juanjuan

Je commence aujourd’hui un nouveau type d’articles : je vous propose le portrait de Chinois à qui je demande de me parler de leur vie et de leurs envies, pour partager ces instantanés de vies chinoises ici avec vous.

Nous partons aujourd’hui à la rencontre de Juanjuan, une jeune barmaid. Pourquoi elle ? simplement car je l’ai rencontrée quelques heures après avoir pris la décision de faire cette série, et son dynamisme et sa gentillesse m’ont paru assez représentatifs du caractère des Chinois.

Peux-tu te présenter?

Je m’appelle Juanjuan, je viens de Kaili dans le Guizhou et j’ai 25 ans. Je suis d’une minorité ethnique, les Miao. Ma maman est morte quand j’étais jeune, et à la maison, il y a mon père, mon frère et ma sœur.

Pourquoi as-tu quitté le Guizhou ?

Je n’avais pas d’argent pour étudier, car j’ai une grande sœur qui étudiait déjà et pour deux, c’était trop cher.

En 2004, après avoir fini le lycée, une tante éloignée qui vivait à Ningbo m’a proposé de venir travailler là-bas. Depuis toujours, je suis très indépendante, car je n’ai pas eu de maman, alors je suis partie seule. C’était la première fois que je prenais le train, ça a duré 30 heures !

Quand je suis arrivée j’étais perdue, je n’avais jamais vu cette tante. Elle m’a trouvé un travail dans un pub, où je vivais également. Au début les 3 autres serveuses ne me parlaient pas, et on ne parlait pas le même dialecte, je me sentais seule. Après ça s’est bien amélioré.

Ma tante m’a conseillé de parler le plus possible avec les étrangers, de ne pas être timide. Dans ce bar, c’était la première fois que je parlai avec quelqu’un qui n’était pas chinois, j’ai eu très peur. Après je me suis habituée, et j’ai pu progresser en anglais. Les premiers mois à Ningbo n’ont pas été faciles, j’ai souffert de la chaleur, j’ai eu des problèmes de santé. Heureusement les autres serveuses me soutenaient. Et je voyais aussi souvent ma tante. Chaque mois, j’aidais ma sœur à payer ses études, et j’envoyais aussi de l’argent à mon père.

Au bout d’un an, un Américain m’a proposé de travailler pour lui. J’étais son interprète et je m’occupais aussi de ses enfants. Je vivais chez eux. Mais ça ne s’est pas très bien passé avec sa femme, elle passait son temps à critiquer la Chine. J’ai eu une nouvelle opportunité et je suis partie: un ami de cet Américain m’a proposé de travailler comme assistante dans son entreprise. Il était Australien. J’ai beaucoup appris à ses côtés, il m’a formé au travail en entreprise : à ce moment là, je ne savais même pas comment répondre au téléphone ! Je suis restée 3 ans à ses côtés.

Pourquoi es-tu partie ?

Ma tante a ouvert un pub à Shanghai avec son conjoint australien, je suis venue les aider. C’était il y a 4 mois.

Comment trouves-tu la vie à Shanghai ?

Ça n’a pas été facile au début, on a eu beaucoup de problèmes pour avoir la licence, en Chine, l’administratif, ce n’est pas simple. Et la vie à Shanghai est chère : les transports, la nourriture, tout est cher ! Les gens sont plus sympas qu’avant, quand je venais pour travailler depuis Ningbo. Mais il y en a qui ne sont vraiment pas sympas : comme je ne parle pas le dialecte de Shanghai, ils me demandent d’où je viens, et vu que le Guizhou n’est pas développé, ils me prennent de haut…

Quel est ton rêve ?

Je rêve de m’acheter une maison, à Ningbo, car Shanghai c’est trop cher, et une voiture. J’aimerai aussi voyager dans de beaux pays.

Et dans 10 ans, comment te vois-tu ?

Avec une famille, un mari que j’aime et 2 enfants !

Comment trouves-tu ta vie, ton parcours ?

Je me trouve très chanceuse : j’ai rencontré beaucoup de personnes bien qui m’ont beaucoup appris, beaucoup aidée. La vie en Chine est mieux qu’avant : on vit mieux, les salaires sont meilleurs, les transports aussi…

Qu’est-ce que tu aimerais dire aux étrangers qui liront notre entretien ?

La Chine est un beau pays, les Chinois sont très chaleureux, très amicaux, très sympas. Il y a beaucoup de solidarité ici, je ne sais pas comment c’est ailleurs, mais je pense qu’ici c’est plus important. La famille est très importante aussi. On n’oublie pas ses parents à 18 ans…

Si je gagne au loto, j’aimerai donner la moitié de mes sous aux étudiants du Guizhou. Y en a qui n’ont même pas de chaussures pour aller en cours. Il y a des problèmes de développement ici.

Il y a vraiment des très riches et des très pauvres. La différence est énorme.

C’est commun à toute la Chine ?

Oui, vraiment. Je sais que c’est dur pour les pauvres, car dans ma famille, on manquait de riz quand j’étais jeune, j’ai connu la faim. Il y a beaucoup de régions très pauvres en Chine, et qui se développent moins à email hidden; JavaScript is required.

Par exemple, quand j’étais petite, on a été exproprié pour le passage d’une voie ferrée. On nous a donné 700 yuans par morceau de terrain. Deux ans plus tard on a appris que email hidden; JavaScript is required

Tu penses pouvoir changer ce genre de choses ?

Non, on n’a aucun recours car email hidden; JavaScript is required La Chine est grande, le gouvernement chinois a trop de gens à gérer ; même s’il y a des améliorations il y encore a de gros problèmes.

Penses-tu que la plupart des Chinois partagent ton point de vue ?

Oui, email hidden; JavaScript is required

Mais maintenant c’est quand même mieux qu’avant, le gouvernement fait changer les choses, il communique et veut éduquer les gens à ce propos. Et je suis fière de mon pays, et du gouvernement qu’il fait ce qu’il faut pour développer la Chine, je suis confiante en l’avenir de mon pays.

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Nous autres – la Chine en 3 portraits sur France Inter !

Si vous suivez ce blog, il est impossible de ne pas savoir quelles sont deux des passions que je partage souvent ici: la Chine et le média radio.

Je vous propose de découvrir aujourd’hui trois très bonnes émissions de Zoé Varier, écoutées sur France Inter. Nous autres propose tous les vendredis soirs des portraits de gens, dans une grande et belle simplicité. J’ai toujours aimé le son unique de la voix de Zoé Varier calme, doux et sussurant à la fois. Rien que pour l’entendre je pourrai écouter une émission dont je n’apprécie pas le thème. Ma surprise fut de taille quand j’ai appris qu’elle faisait une série d’émission sur les Chinois, avec comme toujours chez elle simplicité & humanité.

La première rencontre est celle avec Tsing Tsing, jeune Chinoise de 22 ans qui se définit comme une aventurière. Même si elle a travaillé tous les jours de 8h à minuit passé dans une usine, elle ne retient que de bons souvenirs de son expérience. Aujourd’hui elle travaille dans une boutique de thé et a des espoirs et des projets. C’est un portrait plein d’optimisme, qui m’a rappelé de nombreuses personnes que j’ai rencontrées en Chine.

Le second portrait est celui de Wem Wem, jeune femme de 25 ans. Le registre est beaucoup plus dur, et on mesure ici la difficulté de vie d’une génération entière. Pour elle, avoir un idéal est un luxe aujourd’hui. C’est un portrait d’une génération désenchantée, qui est malheureusement je pense aussi très réaliste.

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Ces deux rencontres m’ont fait penser à un Ying & un Yang d’une même génération. Qu’est-ce qui fait la différence entre ces deux manières de voir la vie? difficile à dire. Peut-être  l’amour d’une mère près de soi qui a donné confiance à Tsing Tsing et qui a cruellement manqué à Wem Wem?

Les deux interviews sont réalistes, à l’image des Chinois que j’ai pu moi même rencontrer. Ceux qui connaissent la Chine reconnaîtront sans doute des personnes qu’ils y ont croisés et ceux qui ne la connaissent pas pourront se faire une opinion pour une fois loin des clichés, éloignée de ce que l’on attend généralement sur ce pays.

Petit détail technique, j’ai bien aimé le rythme du montage et le fait qu’on puisse entendre entièrement les réponses en chinois… J’ai aussi aimé les questions posées à ces jeunes femmes, et celle que je préfère (et que je pose à chaque fois dans mes propres entretiens) est « où seras-tu dans 10 ans? ».

La troisième émission pourrait se résumer en une question: comment comprendre l’histoire de la Chine contemporaine? A travers le regard d’un cinéaste hors norme, Wang Bing, et d’une actrice vivant en France, Xing Xing Cheng, on (re)découvre l’envers du décor d’une histoire qui a influencé le destin de millions de personnes. J’ai légèrement moins apprécié cette émission-ci, la trouvant un peu trop fourre-tout, mais si la Révolution Culturelle ou les Cent Fleurs n’évoquent rien pour vous, je ne peux que vous la recommander !

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Alors, prenez une bonne tasse de thé, cliquez sur un des liens ci-dessus, fermez les yeux, et partez pour près de trois heures de voyage en Chine !

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« La Française de Tiananmen », le livre qui aide à comprendre la Chine contemporaine, avec simplicité et humanité

Il est des noms qui marquent une histoire. Tiananmen est de cela. Si vous vivez sous des latitudes démocratiques, vous aurez nécessairement en tête l’image de cet étudiant debout face à une colonne de chars.
Je n’ai pas vécu cet événement, j’avais 6 ans à l’époque, et j’ai commencé à m’intéresser et à voyager en Chine quand j’avais 22 ans.

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La Chine à fleur de peau est dans les bacs (et c’est mon livre)!

J’en ai un peu parlé ici, mes proches sont pas mal au courant et j’y ai beaucoup pensé ces derniers jours: mon premier livre vient juste de sortir !

La Chine à fleur de peau

Il est disponible via le site internet de mon éditeur (rien qu’à dire « mon » éditeur, je frétille).

La Chine à fleur de peau, qu’est-ce donc?

La Chine à fleur de peau reprend mes récits de Chine. Mes quatre premiers voyages, entre 2005 et 2007, puis mes deux années de vie quotidienne entre Changzhou, Shanghai et les nombreux voyages qui m’ont emmenée au quatre coins du pays. Et la dernière partie du livre est consacrée à une série de portraits de Chinois.

Les très fidèles lecteurs de ce blog n’y découvriront pas des voyages « cachés » ou de grandes nouveautés. A ceci près que j’ai réécrit mes premiers récits, dont le ton n’était pas à la hauteur des derniers, et tous les textes ont été retravaillés pour que l’ensemble soit homogène. Et surtout, pour les lecteurs assidus de Curieuse Voyageuse comme pour ceux de passage, ce livre propose une vision de la Chine et l’évolution de cette vision sur une période de six années: comment le regard sur un pays se transforme, évolue avec le temps. De mes premiers étonnement naïfs à des réflexions plus affinées et plus approfondies que seuls le temps, l’expérience et la patience permettent.

Alors, allez-y, foncez: rendez-vous sur cette page!

Et puis si vous êtes sûr de déjà tout connaître sur le bout du clavier, La Chine à fleur de peau sera un excellent cadeau de Noël pour cette tante passionnée de thés, ce petit frère qui rêve de partir voir le monde, ou votre belle-soeur pour qui vous n’avez pas encore d’idée !

(N’hésitez surtout pas à faire circuler cette petite nouvelle dans tous vos réseaux: usez donc des petits onglets juste en dessous de ces lignes…)

Merci !

Petite précision (de taille pour certains): mon éditeur peut livrer à l’étranger sans frais supplémentaires !

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Portrait d’Ailleurs* Lat, spécialiste forêt à Luang Nam Tha

Les Portraits de Chine risquent d’être en stand-bye pour un moment, par la force des choses, mais l’exercice de l’interview-portrait me plait trop pour être laissé au placard, je continuerai donc à faire ma curieuse et à questionner les gens qui me plaisent.
Pour ce premier Portrait d’Ailleurs, c’est Lat, notre soigneur du Laos que nous rencontrons!


Qui es-tu?

Je m’appelle Lat, je suis Lao. J’ai étudié l’anglais pendant trois ans, puis j’ai étudié le domaine de la forêt. J’ai voulu continuer mais je n’avais pas assez d’argent… Les études coûtent environ 2.500 Kips par jour pour le matériel.
Avant je travaillais pour le gouvernement, mais ils n’ont pas été très justes envers moi, donc je suis parti. Je suis venu à Luang Nam Tha car mon frère travaillait déjà ici, et il m’a aidé à  trouver ce travail. J’ai cinq frères en tout, je suis originaire d’un village près de Luang Pabrang.
J’ai 26 ans et je suis marié depuis deux ans, ma femme travaille aussi ici.

Comment se déroulent tes journées?

Je travaille pour la Zuela Gesthouse, je m’occupe des treks et de l’agence de voyage. En extra, parfois je suis guide. Je me lève tous les matins à 6h30 au plus tard, et je commence en général à 7h ici. Je termine ma journée vers minuit et demi. Je gagne un million de Kips par mois, et parfois plus si je suis guide.
J’aime mon travail, ça me permet d’améliorer mon anglais. Ca fait deux ans que je travaille ici.

Que penses-tu de Luang Nam Tha?

Il y a eu une évolution depuis deux ans. Il y a moins de touristes, à cause des problèmes politiques en Thaïlande.
Et avant, il y avait moins de Chinois aussi. On avait notre propre manière de vivre (Lao-style dit-il). Maintenant les Chinois louent beaucoup de terres, ont de gros contrats, construisent de grands bâtiments… Et ils ne travaillent pas proprement. Par exemple, ils laissent des sacs plastiques sur place… Et surtout les Chinois défôrestent beaucoup, ils coupent les arbres originaux et les remplacent par des caoutchoucs. Une fois en trekking, j’ai vu que des bois avaient été coupés. J’ai écrit au gouvernement pour les prévenir, mais ils n’ont vu personne, une fois sur place. Ce n’est pas un problème facile à gérer. Et c’est un gros problème pour la région car les touristes viennent ici pour cela…

Que penses-tu des touristes à Luang Nam Tha?

Ils viennent ici pour voir la nature, et aussi pour voir les locaux. Je trouve ça bien! Les touristes peuvent aider, souvent ils amènent des stylos, des livres dans les villages. Et s’ils partent en trek, il y a une somme reversée pour la protection de la forêt. S’il n’y avait pas de tourisme, il n’y aurait aucun moyen pour la sauvegarder.

Et par rapport aux traditions, le tourisme est-il un bien ou un mal?

C’est bien aussi: les touristes ils aiment le Lao-style, ils veulent qu’on le garde. Les Chinois, eux, quand ils viennent ils donnent de l’argent pour les plantations de caoutchouc et ils transforment les habitats, les manières de s’habiller, et ça c’est pas bon pour le tourisme. En plus les Chinois, ils concluent des contrats très avantageux pour eux et sur plusieurs années… A Luang Nam Tha, c’est vraiment un problème car pour beaucoup d’ethnies, le développement se fait trop rapidement. Et elles ne savent pas conserver leurs traditions…

Et toi? peux-tu conserver certaines traditions?

Oui, par exemple mes grands-parents m’ont transmis la médecine traditionnelle. En plus, je l’ai apprise à l’université pour la forêt. On y apprend comment survivre dans la jungle… (il rigole)

Quel serait ton rêve?

Avoir un petit restaurant, une agence de trek et une voiture, comme ça je pourrai mettre à profit mon expérience. Et avoir une famille aussi…

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