Croisière, mondialisation et (petite) réflexion…
Déc 19, 2017 Caraïbes 10

Cet article est dans les brouillons de mon blog depuis plus d’un an.
Je ne savais par quel bout le prendre, ni si j’étais légitime pour aborder cette question. Mais je m’étais promis de le mettre en ligne, et j’honore enfin cette parole 20 mois plus tard.

Au printemps 2014, j’ai été invitée à « tester » une croisière dans les Caraïbes pour partager ici mon expérience. Si vous avez raté cet épisode, mon récit intégral est en ligne derrière ce lien.
Je n’avais jamais essayé ce genre de voyage. Après ma semaine à bord, j’avais partagé avec vous ces bouts d’ailleurs, ces mises en bouche voyageuses, qui m’ont surtout donné envie de connaître mieux cette zone du monde, notamment le Yucatan mexicain et la Jamaïque dont je ne connais rien.

Mais il est un aspect que j’ai à peine effleuré : les conditions de travail de l’équipage de ces croisiéristes
Je choisis finalement de vous livrer les pages de mon journal de bord sans les retravailler, telles que je les ai rédigées à chaud…

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L’envers du décor…

Première fois à bord d’un navire. Je suis seule et j’ai tout le loisir d’observer encore et encore son fonctionnement et les gens qui le peuplent. J’ai, dès le début, été mal à l’aise, très mal à l’aise. Les personnes au service des passagers viennent « des Suds » (Afrique, Asie, Amérique Latine, Inde), les passagers viennent eux de l’Occident. Je suis sensible aux questions raciales, plus encore depuis que je suis devenue à moitié malienne. Des gens « de couleur » qui servent des Blancs, un peu clichés, non ?

Je parle beaucoup à l’équipage, mon attrait naturel pour le Sud fonctionnant à plein régime. Ils sont tous, sans exception, polis, avenants et sympathiques. Quand je les sens ouverts à la discussion, je leur demande généralement depuis combien de temps ils travaillent ici, s’ils aiment ce qu’ils font etc. A ce que je vois, ils travaillent beaucoup et certains ont l’air fatigués. Je les sens en même temps solidaires. Au début, donc, je me sens mal à l’aise. N’est-ce pas de la pure exploitation ? Couler ainsi des heures heureuses, sur leur dos.
Je me sens même révoltée. Les deux premiers jours, je veux dénoncer le tourisme de masse et ses méfaits à l’aide de l’unique arme que j’ai : mes mots. Puis je prends un peu de recul.

N’est-ce pas toute notre société qui fonctionne ainsi ? Ne me faudra-t-il pas dénoncer toute notre société en général ? Je me sens un peu comme Don Quichotte face à ses moulins.
Pour autant, je ne peux pas passer ce ressenti sous silence, je ne serai pas fidèle à moi-même.

Et puis, hier soir, je rencontre Michelle, une Sud-Africaine typée indienne qui nettoie les tables après nos dîners. Elle initie la conversation. La sentant d’humeur bavarde, je lui pose mes questions habituelles.
N’est-ce pas trop difficile ce travail ?

Harder than what ? me répond Michelle dans un éclat de rire.

Plus difficile que quoi ? Très bonne réponse.

Et me revoilà à réfléchir aux relations internationales en général, et Nord-Sud en particulier. Et comme rien n’a changé depuis ces dernières décennies : le confort de la société occidentale est simplement basé sur l’exploitation éhontée des Suds. Basique comme analyse, mais je ne trouve de meilleure formule…
Et Michelle qui continue de m’expliquer que les employés ici se sentent comme « une grande famille ». Voilà qui soulage un brin ma conscience.

Je ne sais franchement pas comment évaluer la situation. Selon les standards français, les gens ici semblent exploités, mais pour Michelle et d’autres, n’est-ce pas mieux que ce qu’ils ont pu connaître avant ou que ce qu’ils connaîtront ailleurs ?

Ces questions me hantent et je n’ai pas de réponse.

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Et si vous même vous partez en croisière en passant par les USA, n’oubliez pas de remplir le formulaire ESTA.

***

Pourquoi me suis-je enfin décidée à partager ces récits avec vous, vous demandez-vous peut-être ?
Simplement, car le sujet est revenu au détour d’une conversation avec Flo, un ami également blogueur voyage. Si le sujet vous intéresse et si les lignes ci-dessus vous ont mis en appétit, je vous conseille fortement son article, Esclave des Caraïbes.
Vous y apprendrez par exemple qu’on peut, sur notre belle terre et pour satisfaire notre société de loisirs occidentale, payer des gens selon leur nationalité… et bien d’autres choses.

Je serai ravie de connaître votre avis à ce sujet, n’hésitez pas à le partager dans les commentaires !

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10 comments on “Croisière, mondialisation et (petite) réflexion…

  1. Quand tu vois des polonais payés 300 à 1000 euros / mois à trimer 50h+ par semaine, par une société indienne/chinoise/africaine, sont-ils exploités. Qui exploite qui ?
    Des blancs exploitent des blancs, des blancs exploitent des noirs, des noirs exploitent des noirs, des jaunes, des gris etc… la mondialisation a cela de beau que, de nos jours, n’importe quelle société dirigée par toutes les couleurs de peau que tu veux exploite tout et n’importe quoi.
    Toi tu vois et vis la barrière nord/sud, moi, qui vit en Europe de l’Est, je vois la barrière Ouest/Est… pourtant la couleur de peau est la même. L’argent n’a pas de couleur.
    Je te soumets un autre problème qui me concerne souvent :
    Quand tu vas en trek dans un pays pauvre et que tu prends un porteur, considères-tu l’exploites ou est-ce que tu fais vivre sa famille ? Si tu portes ton sac et ne prend pas de porteurs, es-tu indirectement responsable de sa pauvreté ?

    1. Salut Piotr,
      merci pour ton passage ici, et en effet l’exploitation de l’homme par l’homme n’a pas de limite…
      Concernant ton dilemme sur le fait de prendre ou non un porteur, je crois que (de mon tout petit point de vue théorique d’une personne n’ayant jamais fait de trek), je te dirai de prendre un porteur et de veiller à ce que ses conditions de travail soient décentes : horaires respectables, et salaire à la hauteur du travail effectué.
      Tu en penses quoi ?
      A bientôt, ici ou là !

  2. Bonjour,
    On ne se connait pas mais cela fait maintenant quelques mois que je lis tes articles et j’ai envie de réagir à celui-là. J’ai lu aussi celui de Flo « Esclave des Caraïbes ». Les deux textes sont superbement écrits et doivent être largement diffusés pour témoigner de l’esclavage (qui n’a jamais disparu). J’éprouve du dégoût. Que ce monde est laid! Pourquoi tant de haine, de cruauté, d’inhumanité? Il faut boycotter ce genre d’endroits, boycotter les paradis fiscaux, boycotter les entreprises qui s’y cachent, voyager de façon responsable … Nous sommes tous responsables de ce qui se passe, nous devons changer nos comportements, nos habitudes, nous devons nous tourner vers les autres et cesser d’être indifférents. Merci à toi pour tes magnifiques écrits.

  3. C’est toujourss difficile comme question, car il y a l’absence d’alternative. Je pense entre autre à certains voyageurs que je connais qui s’échangent des adresses de bonnes. Ils s’installent pour 2 mois en Thaïlande, prennent une bonne qui fait des merveilles en tachant de la respecter au mieux. Mais du fait que ces clients sont blancs, elle sait qu’elle va gagner plus, donc veut travailler plus, veut passer 2 mois sans passez un jour dans sa famille. Malaise.
    Je n’ai pas de réponse, mais je sais que c’est à chacun de mettre plus d’humains/humanité dans leur vie.

    1. Malaise en effet…
      déjà se poser la question est mieux que rien. Et en effet le monde capitaliste est « tellement bien fait » que les alternatives ne sont pas évidentes…

  4. Salut ! J’aime bien la façon dont tu présentes les infos sur ton blog. Le choix des photos est super. Cette plage a l’air magnifique. En tout cas, je passe un bon moment avec tes articles. Bonne continuation !

    1. Bonjour Sarah, merci de ton passage sur mon blog.
      Ravie que tes articles me plaise : bonne lecture, avec 8 ans de récits de voyage rassemblés ici, tu as de quoi faire 😉

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