L’interview de maman voyageuse: Marie-Julie, alias Technomade
Mai 05, 2015 FamilleVoyaaages ! 9

Comment font les autres mamans voyageuses ?
Voilà une question qui me trotte en tête depuis que je suis tombée enceinte… A l’heure où j’écris ces lignes, ma nouvelle étoile est trop petite pour voyager, mais je sais que l’appel de la route reviendra prochainement.

Du coup, en attendant de reprendre mon sac, certainement avec mon fils, j’ai posé quelques questions à une grande voyageuse, qui en plus d’être blogueuse et journaliste, est maman. Marie-Julie, alias Technomade, est la première maman voyageuse que j’interviewe ici !
Lorsque j’ai rencontré Marie-Julie en chair et en os pour la première fois, après avoir échangé virtuellement avec elle pendant des années, elle m’avait déjà « rassuré » sur quelques unes de mes craintes sur la maternité. Je suis donc ravie d’accueillir son témoignage sur le blog…

Maman Voyageuse

Commençons par le commencement: as-tu voyagé pendant ton enfance ? quel type d’enfance as-tu passé ?

Pas du tout! Mes parents sont les gens les plus sédentaires que je connaisse. J’ai grandi dans une petite ville du Lac-Saint-Jean, au nord de Montréal. Je suis allée deux ou trois fois à Québec avec eux, et une fois dans la région de Hull-Ottawa: c’est tout. J’ai vu Montréal pour la première fois à l’âge de 16 ans avec des copains de classe (je faisais de la télévision communautaire et nous sommes devenus les reporters officiels d’un festival culturel pour les jeunes – un séjour marquant!). Mes parents vivent toujours là-bas. Derrière la maison, c’est la forêt… Ça peut paraître paradisiaque, de l’extérieur, mais pour une fille qui rêvait d’exploration, de culture et de béton, c’était plutôt une prison. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, j’étouffais dans ces grands espaces. (Cela dit, je prends aujourd’hui beaucoup de plaisir à retourner dans ma région natale en touriste!) Je ne comprenais pas pourquoi tout le monde suivait le même chemin de vie. J’avais des rêves plein la tête et l’idée de gambader dans le même terrain de jeux jusqu’à la fin de mes jours me rendait complètement dingue. Je ne me reconnaissais dans aucun modèle. Le monde, je l’ai découvert grâce aux livres et au petit écran, puis grâce à mes professeurs, plus tard. Montréal m’apparaissait comme le bout du monde. Alors imagine Paris! Pour faire une histoire courte (!), disons que mon mode de vie «technomade» s’est pleinement révélé à moi quand je m’en suis donné le droit, après avoir travaillé comme une dingue à bâtir ma carrière de journaliste-chroniqueuse-reporter. À 24 ans, après cinq ans à voguer de contrats en contrats (avec un certain succès, tout de même), j’ai réalisé que ça n’avait aucun sens de regarder les gens vivre dans mes reportages alors que je n’avais rien vécu moi-même. Alors je suis partie…

Tu nous présentes ta tribu ?

Mon mari, Joseph, est Sénégalais. Nous nous sommes rencontrés à Taïwan il y a (déjà!) 13 ans. Nous nous sommes d’ailleurs mariés là-bas, en chinois (!). Le jour le plus drôle de ma vie… Maya, notre fille, a maintenant 8 ans. Nous avons aussi un cochon d’Inde, Fripouille, depuis un mois! :-)))

Quand as-tu commencé à voyager avec ta fille ?

Elle a pris le train la première fois alors qu’elle avait environ deux mois, seule avec moi. Le trajet pour se rendre jusqu’au Lac-Saint-Jean dure normalement 8 heures (souvent jusqu’à 12, à cause des retards fréquents). Je l’ai pris maintes fois par la suite avec elle. Idéal parce qu’on peut marcher, manger et bouger aisément. Elle avait 11 mois la première fois qu’elle est montée dans un avion. Depuis, elle a bien dû en prendre une bonne quarantaine (cinquantaine?)!

Maman Voyageuse

Avant de devenir maman, avais-tu des appréhensions sur le fait de continuer à voyager, une fois maman ?

Devenir mère signifiait pour moi accepter que je ne pouvais plus tout contrôler. Je m’étais faite à l’idée qu’à partir du moment où mon bébé viendrait au monde, tout pouvait changer. Je ne savais pas s’il me serait possible de voyager à nouveau. D’ailleurs, j’avais fait un pacte avec mon mari: il n’était pas question d’avoir un enfant avant que je sois allée en Inde! À mon retour, je lui ai dit: «d’accord, on peut faire un bébé maintenant!». (Rires) On ne sait jamais comment les choses se passeront. Avoir un enfant, c’est un grand saut dans l’inconnu. Sa santé sera-t-elle bonne? Et la mienne?… D’ailleurs, je dis souvent que mes expériences de voyages m’ont beaucoup servies comme maman. C’est comme partir à l’aventure: on se prépare du mieux qu’on peut, mais il y a une énorme part d’inconnu. On doit apprendre à se laisser porter. La plus grande différence dans le cas de la maternité, c’est qu’il n’y a pas de retour! (Rires)

Les choses se sont passées beaucoup mieux que prévu (du moins, à partir du deuxième mois, quand j’ai été remise sur pieds, car j’ai bien failli laisser ma peau à l’accouchement!). J’ai toujours emmené ma fille partout, dès les premières semaines. Elle dormait collée sur moi, dans le sac Baby Björn. Je n’ai jamais respecté d’horaires ou suivi les «recettes» qu’on donne aux parents. Elle dormait quand elle s’endormait. Elle buvait quand elle avait soif. Elle dormait avec nous. Et que dire des longues balades en poussettes! Si j’ai peu bougé la première année, entre l’âge de 1 et 5 ans, elle a pu voir des destinations aussi variées que Punta Cana, Barcelone, Taipei et Vancouver bien assise dans sa poussette. J’ai ADORÉ cette période. Ce fut un grand deuil pour moi de me résoudre à laisser la Bugaboo à la maison. J’adore explorer les villes à pieds. Je pouvais me promener du matin au soir pendant qu’elle découvrait le monde depuis son «trône». Après, il a fallu que je la laisse grandir un peu avant de l’entraîner dans mes longues balades.

Qu’est-ce que cela change de voyager avec ta fille ?

Tout! Je dis souvent à la blague que j’ai une «double vie». Quand je pars seule, je me lâche. J’aime flâner seule dans une ville pendant des heures autant que sortir faire la fête avec les copains. Je vais jogger et je travaille beaucoup, aussi. Quand je voyage avec Maya, je suis d’abord une mère. Je pense à sa sécurité et à son bien-être avant tout. Je conçois l’horaire pour que chacune y trouve son compte. L’erreur que font bien des parents est de tout mettre en place pour que leur enfant soit heureux, alors qu’eux s’emmerdent royalement! J’ai visité bien des musées avec Maya depuis qu’elle est toute petite. J’y passe peu de temps, et j’essaie chaque fois de trouver un aspect ludique. Notre visite au Louvre s’est par exemple transformée en jeu de «trouvons la Joconde». En contrepartie, je suis allée dans de nombreux parcs d’attractions!

Maman Voyageuse

Pars-tu parfois sans ta fille ? Comment t’organises-tu ?

Oui. Et je me suis tellement questionnée à ce sujet! C’est un éternel débat intérieur et une source infinie de culpabilité de se séparer aussi souvent de son enfant. Il m’a d’ailleurs fallu plusieurs mois pour le faire. Elle avait deux ans la première fois que je suis partie sans elle – un week-end à New York – et j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps tant elle me manquait! Il m’arrive encore parfois de ressentir cruellement la distance. Heureusement, il y a Skype!

Je dis souvent que je trouve mon équilibre dans un certain déséquilibre. Cesser de voyager me rendrait tellement malheureuse! Le mouvement, pour moi, c’est un besoin viscéral. Doit-on s’oublier complètement quand on devient parent?… Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses, mais beaucoup de questions. Toujours des questions… Je suis sûre d’une chose toutefois: mon bonheur ne doit pas nuire au leur. Être une famille, pour moi, c’est faire en sorte qu’on soit bien ensemble, mais aussi individuellement. Non, ce n’est pas simple…

Je ne peux bien sûr pas emmener ma fille partout. Dans le cadre de voyages de presse, avec d’autres journalistes ou blogueurs, par exemple, c’est impossible (sauf dans le cas de voyages conçus pour les familles). Mon travail m’amenant à voyager souvent, elle a dû apprendre très tôt à vivre avec cette situation. Le plus compliqué dans notre cas est que nos familles respectives vivent loin. Nous ne pouvons compter sur personne d’autres que nous-mêmes. Maya a donc l’habitude de passer quelques jours seule avec Papa, de la même manière qu’elle part parfois seule en voyage avec sa maman, alors que son père doit rester à la maison à cause du travail. Chaque situation a ses avantages et ses inconvénients. Certains enfants de parents séparés ont deux maisons. Ma fille, elle, a une maison, et trois «patterns» familiaux: avec ses deux parents, seule avec sa mère et seule avec son père. Bref, pour répondre à la question de l’organisation, disons que ce n’est jamais facile, mais qu’on trouve toujours des solutions. Le plus important pour moi est de la savoir en sécurité, en santé et bien entourée. Quant à mon mari, ai-je besoin de dire qu’il est extraordinaire? Sans lui, rien de tout cela serait possible.

Être voyageuse, cela influence-t-il au quotidien « l’élevage » de ta fille ?

Un peu, quand même. Quand je suis à la maison, j’essaie d’aller la chercher plus tôt à l’école quand c’est possible. L’école, c’est la partie délicate: elle ronchonne parfois parce qu’elle préférerait aller en voyage plutôt que passer ses journées sur les bancs… À 8 ans, elle a visité des sites archéologiques en Grèce et au Mexique, vu des dizaines d’animaux «en vrai» au Costa Rica et en Thaïlande, mangé des andouillettes en France (!)… Forcément, elle a une grande ouverture. Sinon, elle a développé un super-sens de l’organisation. Elle fait ses bagages seules depuis au moins deux ans. Elle m’impressionne, elle pense à tout! Sa sociabilité, sa générosité et sa flexibilité m’épatent quotidiennement. Maintenant, je croise les doigts pour qu’elle ne devienne pas une ado blasée qui rejette tout! (Rires)

Un conseil à donner aux jeunes mamans voyageuses ?

Se faire confiance et se respecter, mais surtout, être à l’écoute, tant de soi que de son enfant et de son entourage. Comme pour le voyage, l’instinct reste le meilleur guide. Et d’un point de vue plus terre-à-terre, l’allaitement, c’est vraiment pratique! 😉

Pour prolonger la découverte, quelques liens utiles :

– le blog de Marie-Julie, ses articles sur les voyages en famille.
– une série d’articles sur les voyages avec sa fille écrits sur coupdepouce.com
– l’interview 5 questions @, réalisée sur ce blog, il y a quelques temps déjà…
– si les interviews de maman vous intéressent plus largement, lisez celles réalisées par Géraldine de Café Mode, qui m’a donné l’idée de cette série!

Un immense merci à Marie-Julie pour avoir répondu avec tant d’entrain à mes questions…

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9 comments on “L’interview de maman voyageuse: Marie-Julie, alias Technomade

  1. Ah oui, l’appel de la route viendra très vite 😉 et ici, il ne nous quitte plus ! Merci pour la découverte de cette maman voyageuse…je vais aller voir son blog !

  2. Hello,
    Je vois qu’on se pose à un moment ou à un autre les mêmes questions, puis avec le temps, on voit les choses différemment.
    Avec des enfants on est obligé de s’adapter. Avant de devenir parents, on partait sur de longs voyages de plusieurs semaines avec des activités variées (randonnée, musées, trek, hélico, plongée…) mais tout ceci n’est pas adapté pour nos petits bouts (2 ans et 4 ans).
    On a changé nos destinations pour des vols plus courts (Andalousie, Canaries, capitales européennes..) et donc moins onéreux… On évite les musées qui ne les passionnent pas encore, on fait beaucoup de visites de parc, des plages, de petites randonnées…

    Après voyager avec les enfants , ca dépend énormément de leurs tempéraments. Certains ont besoin de beaucoup de repères et donc n’aiment pas le changement et si je devais donner un conseil pour tous les futurs parents, ça serait de « donner l’envie de voyager à ses enfants, leurs susciter l’envie de découverte, la curiosité… »

    Bonne journée

    1. Bonjour !
      un grand merci pour ton commentaire et ton précieux conseil… Tout est là je crois: donner l’envie de voyager à nos petits bouts… J’espère y parvenir, l’avenir nous le dira 🙂

  3. J’aime bien la remarque sur les parents qui font tout pour les enfants et s’emmerdent. C’est tellement vrai. Alors que si on est nous-même heureux, l’enfant l’est plus facilement, surtout les petits. Du coup chez nous, c’est salon de thé, musée et longue balade en ville.
    Et avant de tomber enceinte, je n’ai pas exigé d’aller en Inde, j’ai exigé d’avoir le droit à un week-end solo minimum garantie par an (mon namoureux y a le droit aussi). J’avais trop peur de ne plus jamais être seule. Bon au final elle a 3 ans, et je n’en ai vraiment profité qu’une seule fois, pour faire de la rando en Bretagne.

    1. Coucou Tiphanya,
      merci pour ton comm’ et pour ton partage d’expérience…
      Sans parler de week-end entièrement seule, arrives-tu à te retrouver seule pendant tes voyages de temps en temps?
      A bientôt !

  4. Merci pour cette interview! Je connais le blog de Marie-Julie et j’avoue que voir qu’il est possible de voyager avec des enfants est rassurant. Je ne suis pas encore maman et pour être tout à fait sincère je n’en ressens pas un besoin pressant. Le changement de vie fait peur! Surtout en ce qui concerne la mobilité et du coup les voyages. J’ai le projet de partir avec mon copain à l’étranger pour travailler dans la plongée. En plus de rendre compliqué le fait d’avoir un bébé, se pose inévitablement la question de l’éducation en dehors « du schéma tradiotionnel »… Beaucoup de choses à méditer, et des blogs comme les vôtres sont une sacré source d’inspiration. Merci!

    1. Bonjour Anne-Sophie,
      merci pour ton commentaire!
      Ravie de lire que nos blogs peuvent t’aider dans ta réflexion…
      J’ai mis pas mal de temps avant de me décider à me lancer dans l’aventure « famille »… et puis un jour, j’ai senti qu’il était l’heure. Tu sentiras peut-être un jour cet appel aussi 🙂
      Bonne méditation sur la question alors!

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