Joie, famille et choc temporel: 3 semaines à Bamako, journal de bord 1/2
Jan 12, 2019 Mali 12

Je reviens tout juste de 3 semaines au Mali. Ce voyage était mon troisième séjour à Bamako, dont le but était de rendre visite à ma belle-famille. C’était tout simplement un excellent voyage…
Je partage avec vous l’intégralité de mon journal de bord, j’espère qu’il vous plaira…

Jeudi 20 décembre 2018

Une envie d’écrire. Exactement 6 jours, ce soir une semaine, que nous sommes arrivés à Bamako. Hier je saisis pour quelle raison j’ai du mal à écrire ici, alors que j’en ai enfin le temps. Je ne suis jamais seule. Aussi, je n’ai pas trouvé l’endroit idéal pour cela – un endroit calme, chaise table et vue dégagée…
Qu’importe, je peux écrire le matin, sous la moustiquaire de notre chambre et sur un oreiller posé sur mes genoux. C’est aussi le fait de lire, de lire beaucoup ces derniers jours qui réveille en moi cette envie. Ousmane Sembène et ses « Bouts de bois de Dieu » dont je n’avais jamais entendu parler la ravive plus encore. Je suis avec lui entre Dakar et Bamako de l’après-guerre. La magie des mots m’emporte… L’envie d’écrire me presse…

Je suis donc au Mali depuis près d’une semaine. Qu’en dire ? Qu’en écrire ?

Tentative de chronologie des faits m’ayant le plus marquée depuis mon arrivée…
À peine ai-je foulé le sol malien que je retrouve mon beau-frère et ma belle-sœur, ils nous attendent sur le tarmac de l’aéroport. Une joie immense monte en moi. Le sentiment qu’ils sont ma famille. Ils m’ont manqué. Je ne suis que joie en les prenant dans les bras pour cette nouvelle première fois. Joie également de retrouver les parents, la maison, la cour, la chaleur, la rougeur de Bamako. Joie du goût du thé malien retrouvé…
Mon premier choc n’est pas celui de la langue, de la chaleur, des moustiques, du goût ou des odeurs. À tout cela, je suis désormais familière je crois.
Mon premier choc est temporel, rythmique.
J’ai quitté la France épuisée, car perpétuellement occupée par ma vie de « mom-of-2 » et ma vie de working girl. Occupée par l’équilibre à trouver entre ces deux piliers de ma vie du moment, mais aussi occupée ma vie de couple et ma vie pour moi seule, qui reste la portion congrue. Bref, j’ai quitté la France épuisée.
Le temps de ma vie en France est découpé, rempli, et toujours mis à profit, même s’il s’agit de repos – sieste ou dodo – le temps est cadré, délimité.
Le temps que je vis au Mali coule, il est fluide, bien moins cadré ou limité. Mes enfants en sont le dernier rempart. Ils ne laissent jamais passer l’heure du réveil matinal, rarement l’heure des repas. Je m’impose de leur rappeler l’heure du dodo nocturne et d’au moins une sieste par jour. Le reste du temps est fluide…

Il me faut trois jours entiers pour que ce rapport au temps si différent ne me pèse plus. Ces trois jours là sont entre deux eaux. J’ai simplement du mal à ne plus avoir à être cadrée, obligée, occupée.
Puis je me détends.
Mes jours ici coulent. Les journées sont basées autour des enfants (même si ma belle-famille s’en occupe énormément), autour des lectures (bonheur de se laisser absorber happer, prendre par des mots), autour du thé (et les discussions qui l’accompagnent souvent), et autour de cette application plus importante que d’autres fois à apprendre le bambara.

« Les Maliens parlent beaucoup bambara », me faisait remarquer il y a peu une amie voyageant en Afrique de l’Ouest, sous-entendu les Maliens parlent plus leur langue nationale que les Sénégalais et les Ivoiriens ne la parlent. Cela me saute aux yeux ce ces jours-ci : les Maliens parlent principalement bambara entre eux, et le français ponctuent uniquement des petits morceaux de phrase. Si je suis là parfois, si je leur demande souvent, il passe au Toubabou kan, le français.
Ma décision est prise quand je ne souffre plus de la distorsion du temps, au bout de deux ou trois jours ici : je vais me mettre sérieusement à l’étude du bambara et je vais écrire le maximum de vocabulaires et de phrases entendus…

Une dernière chose rythme mon temps à Bamako : la danse. J’ai retrouvé ma chère professeure du Ballet National et ses comparses. Quel bonheur de revenir au Palais de la Culture sachant que j’y aurais des enseignants bienveillants, désireux de transmettre et de partager. Moi qui aime tant danser. C’est là le seul domaine où je garde un rythme imposé : trois rendez-vous sont pris pour chacune des trois semaines à venir.
JOIE. Danse, émotions, présence du moment, harmonie du corps et de l’âme.
Les trois premiers cours seront partagés avec Catherine, venue de France et engagée elle aussi dans une vie franco-malienne. Les six suivants seront pour moi seule…

Lundi 24 décembre 2018

C’est la veille de Noël, il fait 30 degrés à Bamako et je profite d’un moment calme pour enfin reprendre la plume.
La distorsion temporelle a à nouveau fait son œuvre. Près de la moitié du voyage est passé, 10 jours déjà, et d’un côté je ne les ai pas vus filer, et de l’autre les heures parfois s’allongent à ne plus en finir…
Je reprends donc la plume dans une maison calme.
Avant tout autre chose ce sont de mes fils dont je veux parler ici. J. et ses 1 ans tout rond, Y. et ses 3 ans et 9 mois. Tous deux sont ici comme chez eux. Pas une fois je n’ai ressenti une gêne, un problème, ou quoi que ce soit qui m’ait fait regretter leur venue sur leur « seconde terre natale » comme le dit si joliment M., mon cher et tendre.

Déjà dans l’avion ils ont été plutôt très sages et c’est sans encombre que le vol se déroule. Arrivés sur le sol malien, je les laisse très vite avec leur oncle et tante car nous devons récupérer les valises M et moi. Aucun ne pleure, je vois à peine de la surprise dans leurs yeux.
Pendant ces 10 premiers jours à Bamako, et je sais que ce sera similaire pour les 10 jours suivants, Y. & J. passent de bras en bras, d’oncle en tante, de papi et mamie, toujours avec le sourire aux lèvres, même quand ils voient la personne les prenant dans les bras pour la première fois, même quand il y a du monde, comme à l’occasion des grandes fêtes que nous organisons… La seule raison qui fait râler J. ? Quand on le repose…
Je suis épatée par leurs capacités d’adaptation. Y. répète beaucoup de mots en bambara, ne critique absolument rien. Il commente parfois « C’est différent de la maison », mais rien de plus. Il me dit par exemple : « A Paris il y a des camions-poubelles, ici ce sont des ânes-poubelles. »
Une seule chose m’embête ici pour eux. Les soso, les moustiques, qui apprécient leur peau autant que la mienne, mais on doit faire avec ! Je suis heureuse d’avoir fait le choix de leur venue ici dès leur bas âge…
Bon J. se réveille de sa sieste, ma pause n’aura point duré. Je ne sais pas quand est-ce que je pourrais écrire encore lors de ce voyage à Bamako… c’est ainsi !

A suivre…
lire la suite de mon journal de bord à Bamako – 

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12 comments on “Joie, famille et choc temporel: 3 semaines à Bamako, journal de bord 1/2

  1. « A Paris il y a des camions-poubelles, ici ce sont des ânes-poubelles. »

    Quel bonheur de te lire et de te sentir si bien! Bises du froid et à très bientôt j’espère. Je te souhaite une fabuleuse année!

    1. Merci Marie-Ju !
      Excellentissime année à toi aussi… pleine de beaux voyages et de beaux moments avec tes proches !
      (et j’y pense maintenant seulement, j’aurai pu ajouter un « Bonne année » pour mes lecteurs dans ces lignes!)

  2. Comme une jolie nouvelle, tes mots m’ont laissé rêveur du Mali !
    C’est vrai qu’en Afrique, notre rapport au temps est totalement bousculé ; c’est quelque chose qui m’avait vraiment frappé l’année dernière.

    J’en profite pour te souhaiter une très jolie année 2019 avec sa dose de bonheur 🙂

    Ps : je ne sais pas la différence entre le Sénégal & le Mali mais partout où je suis passée personne ne parlait le français haha, c’était wolof ou sérère. Uniquement le français quand ils s’adressaient à nous.

    1. Merci Amélie pour ton mot ici !
      Belle année 2019 à toi aussi…
      Et a priori, niveau langue française, c’est juste plus rare encore au Mali, mais il faudra que je me fasse mon propre avis en revenant au Sénégal prochainement (mon voyage date de 2001!).

  3. Merci, Aurélie de nous faire partager votre séjour au Mali, vos réflexions sur votre ressenti de la vie à Bamako.
    J’aime revivre à travers vous, les moments passés là bas.Les « moments thé » et les discutions qui vont avec me reviennent en mémoire. Je les évoquais encore hier avec nostalgie . J’aime aussi retrouver le Mali à travers des lectures chaque fois que c’est possible. Merci de m’avoir fait connaitre  » Bamako, là  » entr’autres . Je profite de ces quelques mots pour vous souhaiter une très belle année 2019 ainsi qu’à vos proches d’ici et de là bas. Vivement la suite…..

    1. Bonjour Nicole,
      un grand merci pour votre fidélité… et aussi pour votre si aimable commentaire
      Je vous souhaite une excellente année 2019, et pourquoi pas de beaux voyages au Mali cette année justement !
      A bientôt!

  4. Très belle année ! Sambé Sambé, a ni san koura ! et merci pour ce récit plein d’amour que je lis avec plaisir !

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