Étiquette : société

Un Voyage en Asie* Rencontres cambodgiennes…

Grande discussion avec nos hôtes d’Angkor, notre chauffeur de tuk-tuk et notre guide qui nous ont permis une fabuleuse rencontre avec le site d’Angkor Wat… A la fin de nos trois journées intensives, on passe une soirée ensemble et on apprend à se connaître un peu mieux…

Le guide a commencé à travailler dans les champs à l’âge de 11 ans. Il y travaille encore entre deux sessions de guidage. Enfant, il jouait avec des armes et des missiles, souvent près des mines. Il en rit aujourd’hui: c’est un miracle qu’il ne lui soit rien arrivé. Puis, il a été chauffeur de tuk-tuk. Puis, il a décidé de reprendre ses études pour devenir guide. Il a du passer un concours pour accéder à ces études. Pendant trois mois, il a dormi une ou deux heures par nuit: le jour les études, la nuit un travail à l’hôtel. Il est heureux aujourd’hui, il a vraiment travaillé dur, mais ça valait le coût… Quand il boit un peu, il sourit encore plus que d’habitude, et s’excuse un peu plus de son anglais. Il sait qu’il lui reste beaucoup à apprendre. Je sens que c’est un homme d’excellente volonté. Il a acheté une maison, mais il n’a pas encore de femme. Il a 31 ans. Il a déjà fréquenté des filles européennes, mais à chaque fois c’était « en toute amitié ». Je sens une pointe de déception sur ces mots… Il me demande plusieurs fois si on était contents et satisfaits de sa prestation de guide. Je le rassure!

La première fois que j’ai vu notre chauffeur de tuk-tuk, j’ai eu une appréhension. Il a un air un peu magouilleur… Au bout d’un moment, je me rends compte qu’il est simplement filou et débrouillard. Autour de quelques verres, il me raconte un peu de son histoire. Ses parents sont très pauvres. Il l’est lui aussi. Quand il a fait sa demande de fiançailles, la belle famille l’a pris de haut: ses parents portaient de vieux habits sales. Et quand il a dit qu’il offrirait une bague de fiançailles en platine, la grand-mère l’a critiqué. Il a alors dépensé 350$ pour une bague en or, avec un diamant (bon, petit le diamant…). Et pour la dot, il a dépensé 1.500$, et ses parents n’ont pas pu l’aider. Il sait qu’il est pauvre, mais il veut acheter une maison. Il a déjà le terrain, il lui faut maintenant 4.000$. Il a deux filles, il ne veut pas d’autres enfants, pour mieux les élever. Il aime bien rencontrer des gens différents avec son travail.

On parle aussi de corruption: ça concernerait 70% de l’aide internationale apportée au Cambodge… qui part dans des Lexus et autres voitures et avantages des corrompus.

Ca n’empêche pas la bonne humeur de continuer: ils rigolent beaucoup, tiennent à nous offrir des verres autant qu’on leur en offre…
C’est un beau moment qui clôt merveilleusement notre séjour en ces terres cambodgiennes!

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Portrait de Chine (11), Zhou, le cordonnier

Je suis sur les routes d’Asie d’avril à juillet ; ce billet a été écrit au mois de mars avant mon départ de Shanghai…

Nous rencontrons aujourd’hui le cordonnier du coin de ma rue : son visage ouvert et souriant m’a donné envie de l’interviewer la dernière fois que je lui ai amené des chaussures à réparer. Je ne m’étais pas trompée : il a des choses à partager…


Qui es-tu ?

Je m’appelle Zhou Xiao Liang, je viens d’un petit village du Zhejiang.

Quand et pourquoi es-tu venu à Shanghai ?
Je suis venu en 1998, pour faire du commerce. Avant j’étais paysan et je ne gagnais pas beaucoup d’argent… je suis venu pour ça. Maintenant je vis seul.

As-tu une femme et des enfants ?
Oui, j’ai deux enfants : une fille de 19 ans et un garçon de 14 ans, ils vont à l’école dans le Zhejiang. Au début, je suis venue avec ma femme et mes enfants à Shanghai, mais c’était trop compliqué pour l’éducation, leur école n’était pas bien. Et finalement, le niveau était meilleur pour eux chez nous, donc ils sont repartis tous les trois.

Tu les vois souvent ?
On se voit tous les deux ou trois mois. Ma femme vient de temps en temps, et là, par exemple, je rentre pour le Nouvel An Chinois.

Tu penses rester longtemps à Shanghai ?
Non, je veux revenir dans le Zhejiang, les conditions de vie sont meilleures là-bas, ici c’est pollué…

Tu gagnes beaucoup d’argent ?
Pas tant que ça : je gagne 4.000 yuans par mois, parfois 5.000. Ma femme gagne 2.500 yuans : la différence n’est pas si grande. Avant c’était vraiment intéressant de travailler à Shanghai, maintenant ça l’est moins.

Aimes-tu ton travail ?
Que je l’aime ou pas, je n’ai pas le choix… en plus c’est pas bon pour la santé de travailler ici avec ces machines toute la journée. J’ai 45 ans, je ne pense pas travailler encore très longtemps, même pas cinq ans…

Quel serait ton rêve ?
Ce qui compte, c’est que j’ai plus de revenus, peu m’importe si je travaille beaucoup…

Que penses-tu de Shanghai ?
Ça va encore. C’est mieux qu’avant. En 1998, les conditions étaient vraiment dures pour les paysans venus en ville, maintenant ça va mieux. Il y a beaucoup de paysans qui vivent et travaillent à Shanghai, des millions…

Et que penses-tu de la société chinoise d’aujourd’hui ?
La société chinoise n’existe pas encore, elle est en train de se créer. La Chine se développe, c’est mieux qu’avant. Mais les gens, le petit peuple comme moi (le fameux Lao Bai Xing 老百姓), ne profitent pas de ce développement, de cette abondance. La richesse n’est pas pour eux… Ce n’est plus le « socialisme » comme au temps de Mao. Malgré ce qu’a dit Deng Xiaoping, la richesse ne s’est pas encore propagée jusqu’au petit peuple

Que dirais-tu aux Français qui ne connaissent pas la Chine ?
Venez voir par vous-même, la Chine, venez voir Shanghai… on est un pays avec de nombreuses nationalités, il faut venir.
Il faut du temps pour que le pays se développe. Ça ira mieux un jour, mais maintenant c’est encore dur pour nous. Il termine sur ces phrases, mais avec un grand sourire…

Et si vous voulez faire marcher son petit commerce, allez lui rendre visite: il est situé sur Wulumuqi Bei lu, entre la Yan’an lu et Nanjing lu !

Retrouvez les précédents Portraits de Chine : Juanjuan, Abby, Catherine, Woody, Wang Qing, Ye Shilan, Tony ,Yani, Tian Jingyang et Rosalyn.

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Le mariage vu (et vécu) par une jeune Chinoise…

Aujourd’hui c’est une interview un peu particulière que je vous propose. Ce n’est pas un simple Portrait de Chine, mais un voyage au cœur d’un mariage chinois : Vivian vient de se marier et elle a gentiment accepté de partager avec nous cette expérience…

Quand t’es-tu mariée ?
Le mariage légal ou la cérémonie ?

Eh bien les deux justement, présente-nous les différences…
J’ai fait l’enregistrement de mon mariage le 28 septembre l’an dernier, et la cérémonie a eu lieu le 12 mars.
A mes yeux l’enregistrement est le plus important. Les jeunes de ma génération sont moins intéressés par la cérémonie. C’est pour les parents que c’est important. C’est juste pour eux que nous avons fait la cérémonie. Pour moi être ensemble, c’est ça le plus important.

Parlons un peu de la préparation, depuis quand t’en occupes-tu et quel est le budget ?
Ça m’a pris un an environ pour tout préparer. Le dîner a couté 40.000 rmb, et l’entreprise qui a organisé la soirée, ça coutait 7.000 rmb en plus. Les parents de mon mari ont payé le dîner, c’est comme ça la tradition. On était 200 personnes. Il n’y avait aucun de nos amis, juste la famille et les amis de nos parents. On fera un restaurant plus tard avec nos amis…

Comment c’est passé le jour J ?
Ça a commencé à 8h du matin. Je me suis fait maquiller, coiffer et habiller. De son côté, mon mari préparait la voiture.
Il est arrivé chez moi à 10h. Avant de passer la porte de chez mes parents, il a du répondre à plein de questions, passer une sorte de test, et même chanter. Il a du donner des Hong Bao aux participants (les Hong Bao sont les fameuses enveloppes rouges dans lesquelles sont glissées des billets et qui sont distribuées lors des événements festifs en Chine). Il y a aussi eu un feu d’artifice à l’entrée de chez mes parents.
Une fois entré, il m’a offert des fleurs. Il m’a posé la grande question « veux-tu m’épouser ? ». Nos parents et quelques proches étaient là, en tout on était dix ou douze. On a ensuite échangé nos alliances. J’étais excitée, et j’ai pleuré… Ensuite on a servi du thé à nos parents. Eux nous ont servi des desserts sucrés, symboles de fertilité. Ils nous ont aussi donné des Hong Bao.
Vers midi, on est parti chez ses parents. On leur a aussi servi le thé, ils nous ont aussi donné des Hong Bao. On a ensuite déjeuné tous ensemble. Vu que sa famille est du Nord de la Chine, on a mangé des Jiaozi.
L’après-midi, on est resté à papoter chez eux. Il y a des couples qui vont faire des photos des fois à ce moment-là.
Vers 14h30, on est tous partis au restau pour préparer la salle. Le restaurant était déjà décoré. Après, je suis partie me faire maquiller, pendant que mon mari terminait de tout préparer.
A 17h, les gens ont commencé à arriver. On a pris des photos avec eux. Les invités nous ont aussi donné des Hong Bao.
A 18h18, une heure porte-bonheur en Chine, la cérémonie a commencé. Il y avait une scène sur place et un présentateur pour animer la soirée. Et là plusieurs animations se sont enchaînées : il y a eu plusieurs discours, l’oncle et le père de mon mari, et mon mari lui-même. On a échangé nos bagues, puis on s’est embrassés. J’ai changé de robes plusieurs fois, trois fois en tout. Il y a aussi de la musique et des chansons. On a aussi découpé un gâteau tous les deux, on a bu du champagne, et allumé une montagne de bougies… Après on a donné des cadeaux aux invités, et surtout on a levé un verre avec chacun d’entre eux. Vu que mon mari ne tient pas bien l’alcool, on l’a fait au coca nous ! Vers 21h tout était fini.
On voulait vraiment la cérémonie la plus simple possible… Avant la cérémonie, j’étais nerveuse et énervée, car il y avait beaucoup de choses à préparer. Mais je ne l’ai pas regretté finalement. C’était bien d’être au centre de l’attention toute la journée !

Quel est le moment que tu as préféré ?
Le discours de mon mari. Il venait vraiment du fond du cœur, c’était beau.

Depuis combien de temps êtes-vous ensemble ? et pourquoi vous êtes-vous mariés ?
Ça fait trois ans qu’on est ensemble. C’était notre choix de se marier : on voulait vivre ensemble. On s’entend vraiment très bien, il me comprend et je le comprends. Même s’il n’a pas beaucoup d’argent je suis bien avec lui. Tu sais, pour les Shanghaiennes c’est très important que le mari soit riche… D’ailleurs au début mes parents ne l’aimaient pas trop à cause de ça, car il n’a pas beaucoup d’argent. Et puis, ils ont vu comment il est avec moi, et maintenant ils l’aiment bien…

Que signifie le mariage pour toi ?
Ça veut dire que je vais changer de style de vie. Avant j’étais seule, ce n’est plus le cas. C’est plus de responsabilités envers les parents de l’autre aussi. Et ça signifie qu’on est heureux ensemble !

Et quels sont vos projets ?
Economiser de l’argent pour acheter un appartement plus grand. Et voyager aussi, d’ici un an j’aimerais voyager le plus possible.
Et pas d’enfants ?
Hm… on y repensera dans un an. Nos parents espèrent qu’on en ait… Ils nous poussent parfois. Mais nous, on a d’abord envie de profiter à deux !

As-tu quelque chose à ajouter ?
Je suis vraiment chanceuse d’être avec lui. Mes souhaits pour nous deux sont les suivants : la santé, que le travail aille de mieux en mieux, profiter chaque jour, et pouvoir être indépendants, mener notre propre vie !

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Portrait de Chine (10), Rosalyn

Aujourd’hui, c’est Rosalyn que nous rencontrons. Rosalyn n’a jamais mis un pied en France, mais elle parle un très bon français.
Vous pouvez en juger par vous-même en écoutant l’interview originale, réalisée une fois n’est pas coutume dans la langue de Molière, en cliquant ici:
partie 1 et partie 2.

Et pour ceux qui préfèreraient la version écrite, voici l’habituelle retranscription:

Peux-tu te présenter?
Je m’appelle Rosalyn. Je suis merchandiser, je suis une fille très simple, je suis la fille de ma famille. Je suis née et j’ai grandi à Shanghai, je suis Shanghaïenne, j’ai 27 ans.

Tu parles vraiment bien français, peux-tu nous dire comment tu as décidé d’apprendre le français ?

C’est par hasard. Au début j’ai appris le français comme langue secondaire : je faisais un diplôme d’anglais, l’anglais c’est ma première langue étrangère, mais ce n’était pas mon première diplôme, avant j’ai étudié le droit. Pour mon second diplôme d’anglais, j’ai du apprendre une seconde langue, j’ai choisi le français, car c’était assez proche de l’anglais.

Le fait de parler français a changé quelque chose dans ta vie ?
Grâce au français j’ai toujours travaillé pour des sociétés françaises. J’ai travaillé dans leur bureau d’achat d’un grand distributeur français. Je m’y suis retrouvée par hasard.
Après mes études, j’étais un peu perdue, car il y avait beaucoup d’étudiants qui avaient fini leurs études à Shanghai, du coup c’était dur de trouver un boulot. Finalement j’ai trouvé un boulot basique dans une société française, mais je ne parlais qu’anglais. Je faisais de l’administratif. Au bout d’un an, j’ai eu l’opportunité de faire des affaires, et donc je suis devenu merchandiser. A partir de ce moment-là, j’ai bien amélioré mon français grâce à mon manager français.

Je sais que tu n’as pas encore été en France, mais peux-tu me dire quelle image tu as de la France et des Français ?
Au départ, la France pour moi est un pays romantique, comme pense beaucoup de monde ici. Petit à petit j’ai commencé à connaitre mieux les Français et ce pays, et je trouve que c’est intéressant, la France ressemble à la Chine, il y a beaucoup de choses en commun. Les deux pays ont une histoire longue, et une culture propre, avec la littérature et les arts, etc.…. Dans la vie je trouve que les Français sont fiers, mais heureusement, la plupart des Français que je connais sont jeunes, on a de bonnes relations. Beaucoup de Français âgés, ne parlent pas anglais parlent que français, c’est un exemple typique.

Changeons de sujet : comment te vois-tu dans dix ans ?
En fait, comme je te disais, je suis une fille très simple, avec l’âge, je préfère une vie simple. Du coup dans dix ans, je serai avec la famille, avec mon mari, peut-être les enfants, avec ma maman. N’importe où : en Chine ou dans un autre pays, ça je ne sais pas les deux sont possibles, toujours avec la famille !

Et si tu avais un rêve, ce serait quoi ?
Je ne sais pas comment dire, quand j’étais petite j’avais des rêves, comme ça, comme ça… Mais avec l’âge, je trouve que parler de rêves pour moi, c’est un peu trop grand. Plutôt qu’un rêve, j’ai des espoirs. Des espoirs, pour ma maman, la bonne santé, pour les parents de mon futur mari aussi. Et pour nous, le couple, j’espère qu’on aura une vie calme, tranquille, et heureuse. Très simple.

Si tu avais un message pour les lecteurs de ce blog qui ne connaissent pas la Chine ?
Je sais que tu as posé cette question aux autres personnes interviewées. Je voudrai leur dire : la Chine est un pays avec la culture, avec beaucoup de monde différent,  ce pays est très très grand. Du coup si vous ne connaissez pas ce pays, il faut connaitre d’abord, après essayer de comprendre et après juger. Les gens sont différents, comme dans n’importe quel pays. Par exemple à Shanghai on a des gens qui gagnent beaucoup d’argent, d’autres qui ne sont pas gentils, mais les gens sont différents. On ne peut pas dire ce groupe de gens sont blablabla, on ne peut pas généraliser…

En tant que Shanghaienne qui a toujours vécu ici, que penses-tu de Shanghai ?
Shanghai est très différente de celle que j’ai connue quand j’étais petite. Il y avait moins de monde, il n’y avait pratiquement que des Shanghaiens. Maintenant Shanghai est bien, mais c’est une ville internationale.
On ne peut pas juger les Shanghaiens comme ça, comme je disais, chaque personne est différente. On ne peut pas juger avant de connaître. C’est mon point de vue, personnel.
J’espère que plus de monde pourra connaitre la Chine et Shanghai.

Retrouvez les précédents Portraits de Chine JuanjuanAbbyCatherineWoodyWang QingYe Shilan, Tony ,Yani,Tian Jingyang.

 

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Portrait de Chine (9), « mon » super masseur (avec le son en bonus)

Vous savez à quel point j’affectionne les massages chinois… depuis plusieurs mois, je ne me fais plus masser que par un seul jeune homme, un des meilleurs masseurs qui m’a été donné d’essayer. Du coup, des liens se sont créés : je le vois au moins toutes les deux semaines… C’est donc lui que nous découvrons aujourd’hui. Il n’est pas très bavard, mais j’ai beaucoup apprécié le soin qu’il a pris pour choisir les mots justes.

Et je vous propose pour la première fois d’écouter une interview dans son intégralité!
Je suis équipée depuis peu d’un dictaphone : si vous parlez ou apprenez le chinois, ou juste pour le plaisir des oreilles, vous pouvez écouter l’intégralité de l’interview originale en deux parties – et soyez indulgents avec mon bel accent français s’il vous plait… cliquez par ici pour écouter
la première partie de l’entretien et par là pour la seconde.

Qui es-tu ?

Je m’appelle Tian Jingyang, j’ai 22 ans. Je viens du Henan, de Luoyang.

Quand es-tu venu à Shanghai ? et pourquoi ?
Je suis venu en juin 2009, pour voir comment c’était ici. Je suis venu avec quatre ou cinq camarades de classe.

Comment as-tu trouvé ce travail ? savais-tu masser avant de venir ?
Je connaissais le patron, alors il m’a embauché.
Je savais déjà masser: j’ai étudié les massages dans un institut spécialisé, dans ma région. J’ai étudié pendant trois ans.

Pourquoi as-tu choisi d’être masseur ?
Pas facile cette question… Pour gagner de l’argent, pour gagner ma vie. Et aussi pour la technique. J’aime beaucoup ce métier. C’est fatiguant parfois mais c’est aussi enrichissant humainement de faire ce travail…
J’étais déjà masseur avant de partir, j’ai commencé en 2008 (il avait donc 19 ans). Un an plus tard, je suis parti à Shanghai.

Que penses-tu de Shanghai ?
Je trouve que c’est une très grande ville. Et après avoir commencé à travailler, j’ai trouvé que c’était un rythme très soutenu ici, c’est une ville très animée… j’aime beaucoup Shanghai.

Et où habites-tu ?
Je vis dans un dortoir. On est six personnes, les chambres font environ 20m². C’est notre patron qui prend en charge ce logement.

Peux-tu me dire quel est ton salaire ? pour quels horaires ?
Entre 3.000 et 4.000 rmb. Je dois travailler chaque jour, entre onze et douze heures par jour. J’ai environ quatre à six personnes à masser chaque jour. Et plus je masse de personnes, plus je touche d’argent.

Que penses-tu de ta vie ?
Ma vie ?… (il rigole) En fait, je cherche une femme… Est-ce que j’aime bien ma vie ? oui, ça va… Mais vivre seul, ce n’est pas chouette tous les jours. Je cherche une fille, de chez moi pourquoi pas, mais je m’en fiche…

Quel est ton rêve ?
Un rêve, aujourd’hui ? aller à l’étranger, voir comment ça se passe là-bas. Et aller y masser…

De quoi aimerais-tu parler avec les lecteurs de ce blog qui ne connaissent pas la Chine ?
J’aimerais leur parler de médecine chinoise, c’est compliqué la médecine chinoise, c’est très profond… Il y a beaucoup de particularités en Chine, beaucoup, beaucoup. J’aimerai leur parler des Chinois, de la langue chinoise, de notre environnement. Et le plus important pour moi, c’est « l’étiquette » des Chinois…

Si vous parlez mandarin, vous noterez peut-être des différences entre la version originale et la version écrite : je préfère en général abréger mes questions et relances, et je synthétise parfois les réponses…

Retrouvez les précédents Portraits de Chine JuanjuanAbbyCatherineWoodyWang QingYe Shilan, Tony ,Yani.

 

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Portrait de Chine (8): Yani

Cette semaine, c’est Yani que nous rencontrons dans notre série de Portraits de Chine. Je ne connaissais pas Yani avant de l’interviewer, je l’ai contactée suite à la lecture de messages laissés sur le forum bonjourchine.com. Rencontre :

Qui es-tu ?
Je m’appelle Yani Li, je suis une Chinoise mariée à un Français depuis 2007. J’ai vécu en France pendant 8 ans et je vais bientôt y retourner. Je viens du Sud-ouest, Sud-ouest de la Chine et de la France.

Pourquoi es-tu partie en France ?
Pour les études, j’étudiais déjà le français avant de partir. Ça pourrait ressembler à la réalisation d’un souhait inachevé de mon grand-père : il a fait ses études dans un lycée jésuite de Kunming. Il parlait latin couramment et lisait le français. Mais en fait j’ai décidé d’apprendre le français car j’étais douée pour les langues et que je parlais déjà l’anglais…

Comment tu décrirais ton expérience en France ?
La France, et plus précisément le Sud-ouest, c’est mon deuxième pays natal. Avant de partir en France, je n’avais jamais quitté mes parents : j’avais toujours dormi chez eux. Ils sont professeurs d’université, du coup, même à la fac, je dormais chez eux. En France, pour la première fois de ma vie j’ai été toute seule, la vie était totalement différente. J’étais comme un poussin qui sortait de l’œuf… et le Béarn m’a accueillie… par hasard car c’est l’université qui a répondu la première à ma demande.

Qu’est-ce qui t’a le plus marqué en France ?
La manière de vivre : j’ai découvert une façon paisible de vivre… un autre rythme, par rapport à la Chine. J’ai pu aussi faire du sport et découvrir la nature. En France, on est en contact direct et intime avec la nature, en Chine, la nature est aménagée, touristique…
J’ai aussi découvert un nouveau type d’amitié. J’ai rencontré des gens prêts à m’aider, à avoir des relations sincères, à vivre une amitié plus profonde.

Pourquoi es-tu revenue en Chine ?
Je suis revenue en juin car ma mère était malade. A près avoir vécu quelques années près de la famille de mon mari, je voulais retrouver ma famille. C’était aussi une occasion de trouver un travail. A Kunming ce n’était pas possible car il n’y avait pas de travail pour mon mari, il travaille dans le domaine sportif. Moi je suis professeur de chinois et traductrice. Je faisais une thèse en France.

Qu’as-tu pensé de la Chine à ton retour ?
Le contexte était particulier car ma mère était malade. Le côté matérialiste m’a beaucoup marqué. Mon impression générale c’est que les gens font plus attention à l’argent, même dans leur travail. Ils préfèrent gagner plus d’argent qu’avoir une bonne conscience professionnelle. A l’hôpital par exemple, je pense que ça n’a pas aidé la maladie de ma mère et que c’est pour ça qu’elle est partie plus tôt. Les docteurs ne lui ont pas expliqué à quel point son état était avancé, et elle a subi une opération très lourde, qui a enrichi son chirurgien mais qui a fait empirer son état. En Chine, à chaque fois que tu changes d’hôpital tu dois refaire des tests même quand tu es faible, tout ça pour que l’hôpital s’enrichisse…

Tu penses que toute la société fonctionne comme cela ?
Quand les gens travaillent, ils pensent plus à se faire de l’argent qu’à bien faire leur travail. C’est pareil dans plein de secteurs.

Ce n’était pas pareil avant ?
Avant on ne le sentait pas autant. Ça dépend des villes aussi. A Kunming, tout le monde sourit, à Shanghai, les gens n’ont pas l’air sympa ou accueillant…
Par rapport à la Chine, je trouve aussi que les traditions sont un point négatif. En France, on est plus libre, pas individualiste mais libre, j’ai appris à mieux aimer. En Chine, la tradition rend les rapports superficiels. Mes oncles et tantes m’ont jugée et donné beaucoup d’ordre par exemple, juste car il faut appliquer la tradition. Ils n’ont pas essayé de me comprendre ou de se mettre à ma place…

Tu es déçue par la Chine ? tu n’as rien retrouvé de positif ici ?
Pendant ces cinq mois, non ! la famille ne m’a apporté aucun soutien, rien que de la pression. Et même mes amis… c’est une des raisons pour lesquelles je voulais rentrer, mais en fait, ils ont leur vie, ils sont moins intéressés pour partager quelque chose avec toi. Mes amis chinois n’ont pas su exprimer leurs sentiments. Nos amis de France, malgré la distance, ils ont été plus présents…
Je suis aussi déçue par la qualité des services dans tous les domaines… Même pour les funérailles de ma mère, les gens ont préféré faire des choix par tradition plutôt que des choses qui auraient plu à ma mère, et les professionnels du secteur n’ont rien à faire des sentiments des proches…

Comment te vois-tu dans 10 ans ?
En France !

Tu ne penses pas revenir vivre en Chine ?
Non, seulement pour les vacances…

Quel est ton rêve ?
Si je pouvais revivre une fois, je serai joueuse de tennis professionnelle… Aujourd’hui, j’aimerais voyager le plus possible pour découvrir plus d’endroits et la nature aussi…

Quel message aimerais-tu passer aux personnes qui lisent cet entretien et ne connaissent pas la Chine ?
Il faut quand même venir voir ce pays au moins une fois : c’est un grand pays avec une culture tout à fait différente de l’Occident. Ce n’est pas un meilleur pays qu’un autre, mais c’est tout simplement différent : ça enrichit et ça aide les gens à changer de point de vue, à réfléchir…
J’ai aimé la Chine jusqu’à mes 22 ans, après j’ai préféré la France. Un pays a différentes mentalités selon différentes périodes, c’est normal que la Chine ait cette mentalité en ce moment. Quand l’économie sera plus stable, ça pourra changer. Dans quelle direction ? si on ne fait rien je ne sais pas, c’est si particulier comme pays …

Retrouvez les précédents Portraits de Chine : Juanjuan, Abby, Catherine, Woody, Wang Qing, Ye Shilan et Tony.

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Dans les usines de Chine

Lors de mes derniers déplacements professionnels, j’ai eu l’occasion de me rendre dans des usines textiles, et de saisir un peu mieux ce qui se cache derrière le si fameux Made in China. Je vous propose aujourd’hui un retour sur ma modeste expérience qui pourra peut-être vous aider à saisir un peu mieux la situation…

Les usines chinoises sont un sujet très sensible qui touche à de nombreux aspects de la globalisation, de nos modes de consommations, du fonctionnement de toutes nos sociétés. Le dernier hors-série du Courrier International sur la Chine propose, entre autres, une étude pertinente expliquant que la Chine est le pays de production industrielle le plus intéressant car le moins demandeur au niveau social. Ici pas de syndicat, pas de parti politique pour soutenir la base du peuple, et les Chinois ont la réputation de bien endurer.
Cela restant assez théorique, je vais témoigner de ce que j’ai vu ou entendu récemment, directement ou sans autre intermédiaire qu’un collaborateur direct.

En 2008, à moins de 5 heures de route de Shanghai, saviez-vous qu’un salaire de base d’un ouvrier dans une entreprise de meubles (à destination du marché français) était de moins de 50€ par mois? En ce mois de novembre 2010, j’ai vu des ouvrières textiles qui gagnent moins de 100€ par mois à Tianjin, une des cinq plus grandes villes de Chine. Ce salaire de base autour d’une centaine d’euros est la norme pour la plupart des ouvriers en Chine.
Qu’entend-on par salaire de base ? C’est le salaire de tout ouvrier travaillant à temps complet, soit 8 heures par jour, 6 jours sur 7, sans aucune assurance, ni santé, ni retraite. Ces salaires sont fixés par le gouvernement de chaque région, ils varient donc d’un endroit à l’autre de la Chine. Il leur est bien sûr possible, voire vivement conseillé, de faire des heures supplémentaires, et les salaires doublent alors, voire triplent, les ouvriers travaillant au bas mot 12 heures par jour, sans repos hebdomadaire. C’est tout simplement révoltant, surtout quand on connait l’inflation galopante en Chine, le niveau de vie, qui bien que beaucoup plus bas qu’en France pour la plupart des villes de Chine, ne permet pas de vivre décemment avec moins de 100€ ou même 200€ par mois.

Notre part de responsabilité est énorme. Je vous inclus cher lecteur, car s’il est plus facile de se sentir responsable en travaillant ici, que celui qui n’a jamais porté ou utilisé une chose faite en Chine me jette la première pierre… Nous sommes responsables en voulant toujours consommer moins cher, quitte à fermer les yeux sur cette misère sociale. Nous sommes responsables en laissant le tissu industriel de nos villes se volatiliser. Nous sommes responsables par nos modes de consommations où nous avons besoin de toujours plus d’avoir pour être.
Je n’ai aucune solution pour parer à ce triste constat, je ne me sens pas la force nécessaire pour lancer une révolution internationale…

Et puis aussi, j’ai récemment reçu le témoignage d’une Chinoise me racontant son histoire et qui m’a fait comprendre, qu’une fois de plus, rien n’est tout noir ou tout blanc dans ce bas monde.
Li est originaire d’un petit village du Zhejiang à une dizaine d’heures de route de Shanghai. Ses parents étaient paysans et elle a grandi à la campagne. Elle a reçu là-bas une mauvaise éducation mais menait une vie simple et heureuse. Ses parents ont eu un accident de vie et ont du emprunter une somme importante à leurs proches – 500€, plusieurs années de revenus pour des paysans dans les années 1990. Aucun moyen de rembourser cette somme, si ce n’était de partir dans la ville voisine la plus proche, Taizhou. Ils sont devenus paysans-ouvriers, comme il y a en tant dans ces usines. Les parents de Li lui ont permis d’étudier dans cette ville plus importante – au prix d’énormes sacrifices, l’année universitaire coutant autour d’un an de salaire pour un ouvrier, 1.000€ – et elle y a étudié l’anglais. Dans son premier emploi à Taizhou, elle a rencontré un Allemand qui l’a formée aux méthodes de travail occidentales, et qui lui a permis deux ans plus tard de venir travailler à Shanghai. Elle a aujourd’hui un travail à responsabilités, peut faire des choix dans sa vie et aide sa famille financièrement.
Je ne dis pas que le travail de ses parents en usine a été une bénédiction, mais il a permis un changement dans sa famille, et elle a pu recevoir une éducation et être libre de faire des choix…
Pour relativiser encore, lors de mes passages en usine, j’ai vu plus de visages ouverts, souriants et se racontant des blagues, que de visages fermés…

Je me sens totalement désarmée et sans solution quand je réfléchis aux conditions de travail en Chine. L’exemple de Li, au milieu de tant d’autres, me montre aussi les extraordinaires ressources des Chinois. Mais quand je pense que tout le commerce international est basé sur l’exploitation de cette classe sans voix, je ne ressens que colère et injustice…
Le sujet est lancé, n’hésitez pas à apporter vos avis, tant qu’ils restent respectueux et constructifs !

Au plaisir de vous lire à ce propos !

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Portrait de Chine (7): Tony

Aujourd’hui c’est Tony que nous rencontrons. La première personne Shanghaienne de ma série de portraits de Chine, lui aussi a beaucoup à nous dire !

Qui es-tu ?
Je suis Tony Wang. J’ai 31 ans.

D’où viens-tu ?
J’ai toujours vécu à Shanghai, je suis Shanghaien.

Quel est ton travail ? Aimes-tu ce que tu fais ?
Je suis contrôleur qualité, et oui j’aime mon travail, car j’ai de chouettes collègues…

Pourquoi es-tu devenu contrôleur qualité ?
Pour faire carrière. La qualité est une des choses les plus importantes en Chine. J’ai étudié le management de la qualité à l’université. Et je continue encore à étudier : tous les dimanches, ou presque, je suis des cours !
La qualité est vraiment importante à cause de la sécurité, si ce n’est pas bien fait, des gens pourraient être blessés.

Que penses-tu de Shanghai ?
C’est peuplé, on n’a pas assez d’air pour respirer (il rigole).
Je vais te dire quelques chose d’un peu radical : je trouve qu’il y a trop de gens des campagnes à Shanghai. Ce n’est pas que je ne les aime pas, j’ai beaucoup d’amis qui viennent des campagnes, mais une partie de ces personnes sont vraiment malhonnêtes, et avec l’augmentation de ces personnes, il y a beaucoup plus de crimes à Shanghai. Quand j’étais jeune, c’était une ville très calme, ce n’est plus le cas. C’est vraiment car il y a trop de monde. Bon ça reste assez sûr quand même, et les Shanghaiens aiment vraiment la paix…

Quels changements as-tu vu ces dernières années ?
Les transports surtout : il y a le métro maintenant, l’aéroport est plus grand, les transports se sont vraiment améliorés et sont très pratiques, même s’il y a encore pas mal de bouchons…

Et que penses-tu de la Chine ?
Gros soupir. Ce n’est pas bien. Le gogov. est inutile ; il est corrompu, il y a beaucoup d’affaires de sexe… Le gogov. ment tout le temps. Il ne montre que les bons côtés et cachent les autres aspects de la Chine. La Chine n’est pas forte. Il y a beaucoup trop de pauvres gens.
Pourtant, les Chinois sont très gentils, très accueillants, vraiment.

Penses-tu que le gogov. changera un jour ?
Je n’en suis pas sûr.
C’est pourquoi que si les gens ont un peu d’argent, ils partent en Occident…
Beaucoup de monde partage mon avis, surtout les jeunes générations. Mais qu’est-ce qu’on peut faire ?
Je suis vraiment déçu par le gogov. … je pense qu’on a beaucoup à apprendre de Taïwan, ou de Hong-Kong, comment être plus éduqué, obéir aux lois… Shanghai est une grande ville, mais c’est vraiment le bazar ici !
Les Chinois ont une forte capacité à endurer, mais jusqu’à un certain point. Un jour il y aura un changement, et alors tout sera différent. Mais je pense que je ne serai plus de ce monde…
Mais bon, tout change en Chine, avec le prochain président, ce sera peut-être mieux, on ne sait jamais !

Es-tu heureux ?
Ca va… Quand j’aurai remboursé mes dettes, je serai heureux. J’ai du m’endetter auprès de la banque et de mes proches pour prendre un appartement quand je me suis marié.
Mais si après j’ai des enfants, j’aurai plus d’ennuis, car j’aurai plus de responsabilités… si j’ai un enfant, j’aurai la responsabilité de le rendre heureux, de lui payer des études à l’étranger s’il le souhaite par exemple… mes parents me poussent pas mal. Heureusement mon grand frère va être papa !
Ma vie est un peu amère, mais comme pour tout le monde !

As-tu un rêve ?
La paix dans le monde ! Je n’aime pas les disputes…
Et pour ma vie ? je n’ai plus de rêves… je ne peux pas imaginer mon futur. Trop de stress dans ma vie, trop de taxes, tout est trop cher aussi… Si j’ai un rêve : j’aimerai avoir plus d’argent pour pouvoir voyager, voyager en Occident.

Quel message passerais-tu aux lecteurs de ce blog qui ne connaissent pas la Chine ?
Les Chinois sont gentils, vraiment.
Et s’ils viennent en Chine, ils pourront nous apporter de bonnes choses, comme les bonnes manières… car les Chinois, riches surtout, peuvent vraiment être mal élevés parfois. En gros, il faudrait qu’on se respecte plus !

Retrouvez les précédents portraits de Chine : Juanjuan, Abby, Catherine, Woody, Wang Qing et Ye Shilan.

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