Portrait de Chine (5): Wang Qing

Cette semaine, nous rencontrons Wang Qing, « mon » Ayi… Pour les étrangers vivant en Chine, une Ayi est la personne qui fait le ménage chez eux et/ou garde les enfants, à la base ce terme signifie tante en chinois, mais il a bien évolué dans le jargon Laowai. Et mon ami et moi étant bien occupés par nos boulots respectifs, nous avons le luxe d’avoir une femme de ménage quelques heures par semaine.

Pour ce cinquième portrait, c’est la Chine de tout en bas que nous rencontrons. Rencontre, comme vous allez le voir, bouleversante, et qui reflète pourtant la vie de beaucoup, beaucoup de Chinois…

Qui es-tu?

Je m’appelle Wang Qing, j’ai 37 ans. Je suis Shanghaïenne depuis 3 mois (après des années dans une demi-illégalité, elle a obtenu le hukou de Shanghai, ou sorte de passeport interne à la Chine, obligatoire pour changer de lieu de vie). Mon mari est de Shanghai, je suis originaire du Jiangsu.

Pourquoi es-tu venue à Shanghai?

Je suis venue quand j’avais 15 ans. On était 5 enfants chez moi et on avait très peu d’argent. Mes parents étaient paysans. Mon père ne gagnait que 30 rmb par mois (équivalent de 3 euros). J’ai été envoyé à Shanghai avec mon grand frère.

Qu’as-tu fait à ce moment-là?

J’ai été employée par un restaurant pour faire la vaisselle. Je me levais à 2 heures du matin, et me couchais à 23 heures. J’avais un salaire de 80 rmb, c’était beaucoup: le loyer ne faisait que 16 rmb; on louait une grande pièce avec mon frère. Il n’y avait rien à l’intérieur, que 2 matelas sur le sol… Après j’ai travaillé dans un restaurant dans la rue. Je me levais encore à 2 heures du matin…

A 19 ans j’ai rencontré mon mari. Lui il avait 35 ans. Il avait eu une première femme et un enfant, mais comme j’étais très pauvre, je n’avais pas le choix. C’est une tante qui me l’a présenté. Il y avait plusieurs avantages: je pouvais rester à Shanghai, et si j’avais trouvé un mari à la campagne, il aurait été plus pauvre, ç’aurait été encore plus dur, il m’aurait sans doute battue… Mon mari est bien: il ne m’offre pas de fleur ni d’habits, mais il s’occupe de moi, il me sert, m’aide à porter mes sacs. Il est très simple.

A 20 ans j’ai eu ma fille. On ne pouvait pas s’en occuper, alors à 6 mois elle est partie chez ma mère. Là-bas, il fallait moins d’argent pour l’élever. Elle buvait de la soupe de riz, mais pas de lait. Ma mère l’a élevée pendant 3 ans et ma fille est venue à Shanghai quand elle savait marcher. Elle pouvait aller à l’école. A cette époque mon salaire était de 200 rmb.

Comment as-tu changé de travail?

Une voisine m’a demandé de faire des ménages chez elle. Ça a commencé comme cela. Sa fille m’a présenté à une entreprise et j’ai continué là-bas. C’était en 2001. Il y avait aussi beaucoup d’étrangers, et c’est ainsi que j’ai travaillé avec vous les étrangers. Et puis, ça a été des amis d’amis, comme pour toi.

Comment se passent tes journées?

Je me lève encore à 3 heures du matin, je commence par 2 ou 3 heures dans l’entreprise, et puis je vais travailler chez les gens. Je me repose le samedi, et les mardi et mercredi après-midis…

Comment se passe la relation avec ta fille?

Depuis le début, ça a été dur. Je n’ai pas d’autorité sur elle: elle me dit « je ne suis pas ta fille, ce n’est pas toi qui m’a élevé »… Il n’y a pas de solution. Elle n’écoute pas son père non plus. Elle ne vient vers moi que pour de l’argent. Elle me dit que je ne comprends pas sa vie: elle connaît les ordinateurs, et nous non. On a des points de vue différents sur la vie. On est vieux pour elle. Elle est très moderne… (Beaucoup de tristesse dans sa voix). Il n’y a vraiment pas de solution…

Quel serait ton rêve?

C’est très simple: avoir ma propre maison. Pas forcément grande, mais une maison où je puisse me reposer, et que je n’ai pas besoin de payer de loyer. Là on vit à 3 dans 18m2, on paye 1500 rmb…

Je souhaiterais aussi que ma fille ait un enfant pour qu’elle comprenne ses parents. Elle a honte de nous, elle préfèrerait qu’on ait de l’argent…

Que penses-tu de la Chine d’aujourd’hui?

Quelque chose ne va pas. Il y a un problème dans les mentalités, un problème de mœurs… Les jeunes ne veulent pas ressembler à leur famille. Ils ne réfléchissent pas à leur avenir… Les changements sont trop rapides. On n’y comprend plus rien. Ce qui se faisait avant en 10 ans se fait maintenant en 1 an… Je préfèrerais que ça ailler plus lentement, qu’on ait le temps de s’adapter…

Quel message aimerais-tu passer aux lecteurs de ce blog? Aux Français qui ne connaissent pas la Chine?

(Elle réfléchit)... Merci beaucoup. Vous essayez de comprendre la Chine, vous lisez des choses. Je ne suis qu’une parmi tant d’autres. Il y a beaucoup de choses en Chine que je ne comprends pas: je n’ai pas beaucoup eu l’occasion de lire. Merci beaucoup pour notre relation… de toutes les nationalités que je connais (coréen, japonais, italien…) c’est les Français que je préfère. Vous nous respectez, vous ne vous croyez pas au-dessus. Je suis très heureuse avec ma vie aujourd’hui: je vois des maisons différentes, et surtout j’aime mon travail car j’ai des contacts avec des gens différents.

Les précédents portraits de Chine se trouvent ici: Juanjuan, Abby, Catherine & Woody.

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Un dimanche à Qingdao

Un dimanche de juillet à Qingdao, en plus d’une bière en bonne compagnie, ça peut donner: de longues balades en ville, en évitant soigneusement les bains de foule sur la côte, de vieilles maisons allemandes légèrement délabrées mais toujours charmantes, des foules de mariés se faisant prendre en photo devant l’église catholique de la ville (après la plage des mariés, la place des mariés donc), et beaucoup de poissons et autres fruits de mer séchés à tous les coins de rue…

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Une bonne bière à Qingdao

Je rentre d’un séjour express à  Qingdao: devant m’y rendre pour rencontrer un fournisseur, j’ai rajouté un jour de tourisme, car j’avais gardé un très bon souvenir de la ville.

Meilleur moment de ce court séjour: une bière partagée sur le trottoir avec ces trois mamies. Wang Ayi – en haut – m’a interpellée dans la rue quand je passais devant son mini-stand de vente de bière au poids: je n’ai pas pu refuser face à un tel sourire, et s’en est suivi un bonne heure de papotage et de franche bonne humeur!

Si vous passez par Qingdao, allez la voir de la part de Lili, son petit commerce est dans la vieille ville, sur Sifang Lu au numéro 32.

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Portrait de Chine (4): Woody

Cette semaine, c’est Woody que nous rencontrons, il m’enseigne le chinois depuis plusieurs mois. Attention, il n’a pas sa langue dans sa poche !

Qui es-tu ?

Mon nom chinois est Hu Ding Bo, mon nom anglais est Woody. J’ai 25 ans, je viens du Sichuan (Yibing). Ma famille, c’est 2 personnes : ma mère et moi. J’ai fini mes études depuis 2 ans et j’ai étudié l’anglais.

Pourquoi es-tu venu à Shanghai ?

C’est par coïncidence. Après mes études, j’ai cherché du travail, et ce n’a pas été facile. J’ai trouvé du travail dans le Zhejiang, dans une entreprise qui fabrique des pompes à eau, c’était en juillet 2008. J’ai passé une semaine de vacances à Shanghai. Dans le Zhejiang, il n’y avait rien à faire : c’est loin de tout et il n’y a que des usines. Finalement j’ai quitté ce travail et je suis parti à Shanghai. Avant ça, je n’avais jamais imaginé que je pourrais aller y travailler.

J’y ai trouvé un travail : je suis devenu assistant pour une personne pour qui j’avais déjà fais des traduction quand j’étais dans le Sichuan. Aujourd’hui, je suis donc assistant et interprète. Mon travail me plait vraiment : je voyage beaucoup pour le business, je rencontre plein de personnes différentes, je fais plein de choses variées. Mon chef est un journaliste suisse pour des revues automobiles et technologiques.

Ta mère comprend-elle que tu vives à Shanghai ?

Elle ne comprend pas et n’est pas d’accord. Elle trouve que c’est trop loin et que le niveau de vie est trop élevé. Elle n’est jamais partie de chez elle, elle n’a pas confiance. Et elle aurait aimé que j’aie une vie de famille.

Justement, veux-tu des enfants ?

Je ne pense pas si loin… je n’arrive pas à me gérer moi même alors… et puis c’est trop de stress… et je me dis pourquoi pas partir vivre à l’étranger d’ici quelques années…

Vois-tu souvent ta mère?

Je n’ai pas de très bonnes relations avec elle. On a des points de vue différents sur la vie. Elle ne comprend pas ce que je veux, et ne me comprend pas tout court. Elle est très traditionnelle… on ne se parle pas beaucoup. On se voit une fois par an; je ne pense même pas rentrer cette année. On s’appelle une fois par mois. On se dit toujours les mêmes choses : elle me demande toujours si j’ai bien mangé, si la santé va bien… Elle me dit qu’il ne faut pas dépenser d’argent mais économiser pour acheter une maison. Elle est très matérialiste : elle ne pense qu’à l’argent.

Que fait-elle ? penses-tu qu’elle soit heureuse ?

Elle est retraitée, elle travaillait avant dans une usine de papier. Je pense qu’elle est heureuse : elle a une petite retraite qui lui permet de bien vivre. Il n’y a rien à faire dans sa ville, mais elle y est bien.

Revenons à toi : quel est ton rêve ?

Mon rêve ? depuis très longtemps, j’aurais aimer être designer dans la mode. Mais je n’ai pas eu le droit de choisir. Je n’avais pas l’argent pour. En Chine tu n’as pas le droit de choisir. Ma mère aurait voulu que je sois prof; je n’ai pas eu les moyens… Je me rends compte que plus le temps passe, plus mon rêve s’éloigne…

Comment te vois-tu dans 10 ans ?

Les changements sont trop rapides… je ne sais pas. Il y a 2 mois, j’étais prêt à sortir tous les week-ends ; maintenant je n’en ai plus envie. Alors dans 10 ans, je ne peux pas dire…

Que penses-tu de la Chine ?

La Chine est un pays très bien. Je ne sais pas si c’est le plus beau pays, mais c’est un pays très bien. Les Chinois sont des gens bien aussi, même s’il y a pas mal de changements ces temps-ci, ce sont des gens bien.

Le problème c’est leemail hidden; JavaScript is required mais là… Il y a trop de différence entre ce qui est dit et ce qui est fait. Il faudrait un second email hidden; JavaScript is required, au moins il y aurait du changement.

Penses-tu pouvoir faire changer les choses ?

Oui, peut-être, mais je n’en aurai pas l’occasion.

Penses-tu que le email hidden; JavaScript is required peut évoluer ?

Ce gogov. est rusé. email hidden; JavaScript is required

Pour te donner une idée : dans ma petite ville (de 5 millions d’habitants!), un directeur d’un bureau de taxe d’une des neuf circonscriptions a été arrêté pour email hidden; JavaScript is required! il a été condamné à mort. Mais imagine ça à l’échelle du pays, car là c’est vraiment une petite ville… Je ne vois pas de solution pour changer les choses.

Zhu Rongji (voir ici) a essayé de faire changer les choses, vraiment. Il a fait trois choses bien : il a lutté massivement contre le chômage et a remis la Chine dans la croissance économique, il a régulé la bourse et a voulu lutter contre laemail hidden; JavaScript is required. Finalement il s’est fait détester par tout le monde…

Et tes proches partagent-ils ton point de vue ?

Mes amis sont tous d’accord. Si seulement on avait eu email hidden; JavaScript is required était de la campagne…

Que dirais-tu aux lecteurs de ce blog qui ne connaissent pas la Chine ?

Je leur dirais de vraiment se préparer à venir en Chine. Je ne leur conseillerai pas de rester dans des hôtels de luxe, juste pour quelques jours. Mais plutôt d’aller dans des endroits plus traditionnels, d’aller hors de Shanghai aussi. Dans les petites villes du Nord, du Sud, de l’Est, de l’Ouest et du centre de la Chine. De voir les minorités. De se faire des amis à la campagne et de voir comment ils vivent !

Les précédents portraits de Chine se trouvent ici: Juanjuan, Abby & Catherine

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Au parc

Fin de dimanche ensoleillé au parc Zhongshan de Shanghai. Sans aucune raison, je n’y avais pas encore mis les pieds  alors que c’est un des plus grands parcs de la ville: erreur, comme le parc Lu Xun, c’est un endroit plein de vie et d’énergie, où il est agréable de se balader. Attractions foraines, taï-chi, badminton, chorales, « frottage » contres les arbres, cerfs-volants ou badinages amoureux: tout ce qui fait qu’un parc chinois reste un espace à part, où il fait bon respirer l’air un peu plus frais et surtout, surtout observer les Chinois dans toute leur gaîté!

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La cigale ayant chanté tout l’été…

Je suis peut-être un peu naïve, mais avant de vivre de ce côté-ci du globe, je ne savais pas qu’il y avait des cigales en Asie… Je les ai remarquées pour la première fois lors de mon voyage à Tokyo l’été dernier. En Chine, je n’en ai pas vraiment entendu du côté de Changzhou l’été dernier. Et bien, à Shanghai, c’est comme à Tokyo: les cigales s’en donnent à cœur joie !

Les fenêtres de mon appartement donnent sur des arbres habités par ces petits insectes. A tel point que les cigales m’ont réveillée ce matin… J’ai donc voulu vous livrer ici quelques-unes de mes découvertes sur cette bête, à garder en tête pour vos prochains dîners mondains…

Avant tout, un symbole: la cigale représente en Chine l’immortalité, ou la vie après la mort. On plaçait dans la bouche des morts une cigale en jade, symbole de vie éternelle et de résurrection dans l’au-delà. Plutôt bizarre quand on sait qu’elles ne vivent pas plus de quelques semaines à l’air libre.

Car oui, si les cigales peuvent vivre plusieurs années sous terre, elles ne vivent que 3 à 4 semaines au soleil avant de mourir. Dans la série « la vie passionnante de ces petits bêtes » il est aussi intéressant de savoir que les cigales se nourrissent exclusivement de sève d’arbres ou d’arbustes: je suppose qu’elles apprécient particulièrement celle des arbres de ma cour !

Les femelles cigales ne chantent pas, ce sont seulement les mâles qui, pour faire la cour à ces dames, « cymbalisent ». Ce ne serait rien de moins que l’animal le plus bruyant de la planète. Le système du chant de la cigale peut se comparer au couvercle d’une boîte de conserve bombé. En appuyant dessus, il se produit un son sec et claquant quand la tôle passe du concave au convexe. Les mâles possèdent un instrument un peu similaire (la cymbale), et tirent sur ce couvercle à l’aide de plusieurs muscles… jusqu’à 900 fois par seconde. Le ventre des mâles est vide pour mieux servir de caisse de résonance.

En dessous de 25°C environ, leurs cymbales perdent de leur souplesse; c’est pourquoi, les cigales sont muettes quand il pleut ou quand le temps se rafraîchit. A Shanghai, ces petites bêtes ont commencé à s’époumoner hier, à savoir exactement depuis la fin de la saison plume, loin d’être un hasard, c’est le début d’une saison nouvelle que les cigales nous ont annoncé…

Source & infos: ici et

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Saison Plume à Shanghai

Il pleut à Shanghai. Il pleut beaucoup et il pleut depuis deux semaines quotidiennement, le tout accompagné par une bonne grosse chaleur. Au début, je pensais que c’était lié au changement climatique. Mais non, mais collègues m’ont rassurée: c’est une mini saison des pluies qui a lieu tous les ans à Shanghai de mi-juin à début juillet, et cette année elle a juste été un peu décalée…

Après quelques recherches sur le net, j’ai appris que le plus gros des précipitations annuelles shanghaïennes (1100 mm en moyenne) se répartissent en effet de mi-juin à début juillet. Parfois appelée la saison plume, cette période peut regrouper une vingtaine de jours de pluie d’affilée. J’ai également vu sur différents sites que cette même saison se disait en anglais la mue du printemps (spring molt) et en chinois 春季换羽 (chūn jì huàn yǔ), à savoir:

Le printemps se transforme en plume

Pas de quoi me faire aimer ces déluges quasi quotidiens, mais je sais maintenant que ça ne va pas durer et j’en apprécie surtout la description poétique !

Mais ce matin, en arrivant au bureau, mauvaise nouvelle: mes collègues n’ont jamais entendu parler de cette superbe expression. Elles appellent cette saison tout simplement la pluie d’été précoce jaune – 黄霉天 huángméitiān, pas mal non plus, mais je préfère m’imaginer les vagues dessinées par la pluie en une sorte de plume…

Et vous, avez-vous déjà entendu parler de la saison plume ou de 春季换羽?

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