Catégorie : Art

Blind Shaft

Je vous parlai il y a quelques semaines de Voyage au bout du charbon, le très bon webdocumentaire du Monde. Si vous voulez continuer ce voyage mineur, je vous conseille l’excellent film de Li Yang Bind Shaft.

blindshaftL’histoire en bref: Song et Tang sont des mineurs quadragénaires qui parviennent à faire fortune au fond d’une mine de charbon: un faux accident engendre un vrai mort, un des compères se fait passer pour un parent du défunt, le second escroque leur patron. Après avoir négocié de belles indemnités contre un faux douloureux silence, c’est reparti pour une nouvelle mine avec une nouvelle victime. Cette fois-ci, la victime attirée dans leurs filets est un naïf môme de seize ans…

Ce film est une satyre sociale sur les conditions de vie des mineurs en Chine, qui comme vous le savez sont à la hauteur de celles de Germinal… mais aussi sur les rapports humains dénaturés par le Dieu argent. Sans misérabilisme, et même avec une grande humanité, on partage un morceau de vie de ces Chinois de dernière classe, mineurs, prostituées, Mingongs… On partage surtout la vie de ces arnaqueurs sans compassion. Comme ils le répètent plusieurs fois dans le film « personne n’a pitié de moi, pourquoi aurai-je pitié de lui ». Et ce credo permet la pire des atrocités: ôter la vie d’un homme pour essayer de sauver sa propre existence et celle des siens.

Loin d’être manichéen, Li Yang peint des caractères plein d’humanité: les deux compères sont des tueurs, mais le moindre yuan économisé est dédié à la famille, et si possible à une meilleure éducation des enfants. Le jeune garçon sélectionné pour leur nouveau méfait apporte une fraîcheur inattendue dans leur duo, tout comme dans le film. Il est plein d’espoir: il se révolte face à un patron injuste, il croit en sa propre chance… il chamboulera l’harmonie des malfrats.

Le portrait de ses relations humaines trouve un écho parfait avec l’alternance de scènes dans les entrailles de la mine et celles dans la lumière écrasante du jour, au milieu des plateaux arides et poussiéreux du Nord de la Chine.

Récompensé dans plusieurs festivals, censuré en Chine (même si on trouve ici des contrefaçons), Li Yang a signé avec Blind Shaft un premier film lumineux sur les relations sociales d’une Chine contemporaine construite avec le sang des plus faibles.

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Cinémas chinois

Amoureux du cinéma, sinophiles ou simples curieux, je vous recommande deux sources pour approfondir votre connaissance sur les cinémas de Chine.

– Le numéro 17 du Monde Chinois, Regard sur les cinémas chinois

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Dans ce numéro, la revue – dont je vous parlai il y a peu ici – essaie de donner une vue d’ensemble sur ce thème pourtant bien complexe: cinéma hongkongais, expression du cinéma majeure jusqu’à la rétrocession; exception taïwanaise; particularité du cinéma continental lié à l’histoire mouvementée de la Chine contemporaine… Les auteurs de ce dossier présentent un portrait « patchwork » et dynamique de ces cinémas: diversités des époques, des genres, des générations et des courants…

Enjeux esthétiques et économiques sont aussi au coeur des articles. Le cinéma chinois commençant à se libérer des carcans idéologiques dans les années 1990, quel développement pour ce cinéma encore très jeune dans une époque ultramondialisée? Quel modèle de développement pour ce 7ème art, entre blockbusters à la Hollywood et films intellectuels correspondant plus aux goûts des festivaliers occidentaux qu’au public chinois, dont l’oeil cinématographique est loin d’être formé?… Autant de questions pertinentes ici abordées…

Bien que les thèmes ce dossier soient un peu trop décousus tout en ayant quelques analyses trop pointues à mon goût, cette revue donne très envie de voir ou revoir de nombreux films chinois et donne aussi envie de découvrir des cinéastes encore peu médiatisés – même si je ne partage pas toujours le point de vue artistique des auteurs…

– Le site chinacinema.fr

Une autre riche source d’informations sur les cinémas de Chine… Même s’il n’est plus alimenté aujourd’hui, il comporte de nombreux articles, critiques, et interviews plus qu’intéressants, comme par exemple l’interview de Wang Xiaoshuai dont je vous conseille le très beau film Une famille Chinoise… Ce site est vraiment une mine de recommandations cinématographiques !

Vous l’avez compris, vous lirez très bientôt ici de nouveaux compte-rendus de films chinois !

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Epouses et concubines

Un nouveau type de billets débute aujourd’hui: des compte-rendus de films chinois… Epouses et concubines de Zhang Yimou est un des premiers films marquants que j’ai vu sur la Chine, il y a quelques années de cela. Plongée dans la Chine impériale avec une question cruciale: quelle place pour les femmes dans une société traditionnelle centrée autour de l’homme ?

Image 1Chine du Nord, années 1920. Une jeune femme accepte de devenir la quatrième épouse d’un homme riche. Le réalisateur suit l’évolution de cette jeune fille de 19 ans pendant quatre saisons. Les épouses vivent recluses dans une demeure, isolées du reste du monde. L’année est rythmée par les intrigues, les mensonges et les trahisons des femmes entre elles ; leur but principal étant d’attirer les faveurs nocturnes du maître afin de régner sur la maison le jour.
Jusqu’où cette course aux faveurs peut-elle aller ? au-delà de l’imaginable… Ici, les apparences et le respect des traditions comptent plus que l’être humain.

Toute la poésie du film de Zhang Yimou est basée sur la symétrie. Nous assistons à un spectacle de la beauté sous tous ses angles : beauté architecturale dans une Chine impériale comme on n’ose même plus la rêver, raffinement des habits et des drapés, parallélisme des plans, choix parfait des couleurs… La beauté humaine est aussi présente : celle des visages, la grâce des épouses, la douceur des chants.
Pourtant, la plus grande des laideurs est aussi là, dans le for intérieur de certains personnages. Grâce, horreur, harmonie et désespoir se côtoient.
Le point fort de ce film est la force de son message : la dénonciation de la place de la femme dans ces sociétés traditionnelles patriarcales est parfaite.

J’ai découvert avec ce film le magnifique esthétisme de Zhang Yimou, que j’ai senti parfois un peu artificiel, mais que j’ai retrouvé de manière plus fine dans ses films suivants...

Epouses et concubines, réalisé en 1991, est le quatrième de la quinzaine de films aujourd’hui à l’actif de Zhang Yimou. Il est alors sorti depuis moins de dix ans de son école de cinéma, la Beijing Film Academy. Né en 1950, Zhang Yimou a en effet arrêté ses études pendant 10 ans à cause de la Révolution Culturelle.
C’est avec ce très beau film que Zhang Yimou atteint la reconnaissance internationale en recevant le Lion d’Argent au festival de Venise.

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Lecture: revue Monde Chinois

archi-chineJ’ai découvert récemment une nouvelle revue Monde Chinois. Je viens de lire l’exemplaire intitulé Le renouveau de l’architecture en Chine.

Comme vous le savez, les destructions et reconstructions des villes chinoises sont un des thèmes récurrents de mes billets: j’ai toujours trouvé fascinantes ces constructions champignons, et Changzhou en offre un spectacle mouvant au quotidien.

J’ai donc été absorbé par la lecture de cette revue. Un dossier détaillé, écrit par des auteurs pointus de divers horizons, j’ai beaucoup appris sur l’architecture en Chine. Je trouve certains passages un peu trop pointus pour une novice comme moi, mais sur les 80 pages d’enquêtes, beaucoup de clés de compréhensions de ce qui fait le quotidien des grandes villes chinoises sont proposées. J’ai particulièrement été intéressée par un article où plusieurs jeunes architectes chinois sont interviewés: on apprend beaucoup sur leur travail et sur leur vision de la Chine, et même, question ô combien taboue, sur les dommages causés par la Révolution Culturelle.

Petit bémol: je trouve qu’un article sur la Shanghai contemporaine aurait été le bienvenu. La disparition du vieux Pékin a été largement abordée, mais la renaissance de la ville la plus cosmopolite de Chine durant ces 20 dernières années aurait selon moi mérité quelques pages d’analyse.

A la suite de ce dossier sur l’architecture, une quarantaine de pages sont consacrées à des sujets plus variés: questions géopolitiques, chroniques et reportages culturels, avec une large place consacrée à la spécificité taïwanaise.

D’une manière générale, j’ai apprécié cette revue : questionnements sur la modernité à la chinoise, place que l’Asie doit se créer dans la mondialisation pour qu’elle ne soit pas uniquement synonyme d’occidentalisation, incompréhensions culturelles Orient-Occident…. tous ces sujets qui sont au coeur de mes questionnements sont ici abordés de près ou de loin.

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Lecture: Le maître a de plus en plus d’humour

mo-yan Le Maître a de plus en plus d’humour est un très court roman de Mo Yan. On y suit les aventures de Ding Shikou, dit maître Ding: son usine a fait faillite, et il est licencié, sauf qu’il est seulement à un mois de la retraite. C’est tout un monde qui s’écroule… Jusqu’à ce qu’il retrouve le sourire avec une idée originale, qui ne lui apportera pas que de l’argent…

Le style de ce roman est simple, amusant et facile à suivre: on adhère totalement à l’histoire et on a envie de savoir où cette fameuse idée va mener le maître.

Mais ce livre est avant tout un triste tableau de la société contemporaine chinoise: on y devine les conditions de vie et de travail des ouvriers, d’autant plus injustes que l’on voit aussi celles de leurs patrons qui se rendent en Audi aux réunions de licenciement. Mo Yan propose un portrait de deux mondes qui coexistent en Chine: celui de la communauté, du respect des règles et de la dignité, et le nouveau monde mondialisé et individualiste.

Maître, je vais vous dire quelque chose de très moche: vous ne souffrez pas encore de la faim, mais le jour où vous serez affamé, vous serez que si l’on met dans la balance sa face et son ventre, c’est toujours le ventre qui l’emporte.

De son vrai nom Guan Moye, l’auteur a choisi le pseudonyme de Mo Yan, qui signifie “ ne pas parler ”… Né en 1955 dans une famille de paysans pauvres dans la province du Shandong, il quitte l’école pour travailler aux champs dès la fin de ses études primaires. Il a longtemps vécu au coeur de la campagne chinoise, dont le souvenir nourrit son oeuvre. En 1979, il s’enrôle dans l’armée et commence à écrire en 1981. Il a publié plus de quatre-vingt nouvelles et romans, des reportages, des critiques littéraires et des essais.

C’est le premier roman que je lis de Mo Yan, mais sans doute pas le dernier. Vous l’aurez compris: ne manquez pas la lecture de Le maître a de plus en plus d’humour!

*****

Je vous conseille le très bon interview de Mo Yan réalisé par Frédéric Joignot.

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Lecture: Passagère du silence

Je viens de finir la lecture de Passagère du silence de Fabienne Verdier, et je vous le recommande chaudement !

Réflexions sur l’art, sur la transmission de la culture, sur la méfiance vis à vis de l’étranger… ces thèmes sont largement évoqués par Fabienne Verdier dans ce roman autobiographique.

pasagere-silenceRevenons à l’histoire: en 1983, une jeune étudiante française des Beaux-Arts se retrouve dans la province du Sichuan, dans une école artistique régie par le Parti, qui, comme toutes les écoles, est encore fortement marquée par la Révolution Culturelle.

L’auteur est déterminée à affronter tous les obstacles qui lui feront face  – méfiance des Chinois, administration, maladie… – et parvient à son but: devenir élève des grands lettrés, artistes méprisés mais détenteurs des codes d’un enseignement artistique millénaire. Elle passera 10 ans en Chine.

C’est un peu de l’enseignement qu’elle a reçu que Fabienne Verdier nous livre dans Passagère du silence. Elle retranscrit de nombreux échanges avec ses maîtres, nous initie à de nombreux concepts et modes de pensées qui dépassent souvent le seul cadre artistique et qui sont de vraies manières de voir le monde dans son ensemble.

Son regard, fruit de cette expérience si enrichissante, est vraiment fascinant et fait de ce livre un récit d’aventures, une voie d’accès à une initiation unique… Je termine ce billet en vous laissant apprécier ces quelques mots de Fabienne Verdier :

Je suis encore un de ces derniers peintres à croire encore avec ferveur à la transmission des puissances de l’esprit en un coup de pinceau.

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Lecture: Fleur de neige

Fleur de Neige de Lisa See est la fresque de la vie de deux femmes chinoises au cours du 19ème siècle : une magnifique histoire d’amitié, mais aussi un témoignage sur la triste place des femmes chinoises dans la Chine impériale.

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Fleur de Lys, la narratrice, d’origine paysanne, et Fleur de Neige, d’origine aristocratique, sont nées la même année, le même jour, à la même heure. Elles sont « laotong », âmes sœurs pour l’éternité. On suit leur destin croisé pendant  400 pages : l’ascension sociale de la première et la déchéance de l’autre. En dépit des difficultés de la vie, leur amitié perdurera …

Ce livre est une ode à ces deux femmes chinoises : on découvre la force et la beauté de leur caractère malgré  leur position sociale inférieure, en tant que femmes, elles se considèrent elles mêmes comme des « branches inutiles », dont l’ultime but dans la vie est d’avoir des fils.

Lisa See est d’origine chinoise, elle est née à Paris et vit aux Etats-Unis. Elle s’est rendue dans la province du Hunan, où le récit se situe, et a mené une enquête auprès des vieilles femmes de la région. Ce livre a une très grande valeur documentaire sur la place des femmes dans la Chine impériale.

On y découvre le « nu shu », ou écriture secrète des femmes, qui lie les deux héroïnes pendant tout le récit. Il s’agit d’une langue écrite et chantée uniquement utilisée par les femmes Yao. En effet, dans la Chine féodale, les femmes n’avaient pas accès à l’éducation et étaient condamnées à l’isolement social. Le nu shu se serait transmis de mère en fille dans des régions rurales coupées du monde. Croyant les femmes inférieures, les hommes ne se sont pas intéressés à ces codes secrets qui sont ainsi restés inconnus pendant des siècles, jusque dans les années 1960.

La tradition des pieds bandés est aussi au centre de ce livre. Véritable torture qui a perduré jusqu’aux années 1960, cette tradition a mutilé des milliers de femmes : on leur bandait les pieds quand elles avaient moins de 10 ans pour obtenir des « lys dorés » qui ne devaient pas dépasser la dizaine de centimètres. Cette pratique les condamnait à rester cloîtrer chez elles toute leur vie en plus des souffrances insoutenables qu’elles subissaient pendant 2 à 3 ans (le temps que tous leurs os se brisent). La lecture du chapitre qui traite du bandage des pieds de l’héroïne m’a touchée au plus haut point : un témoignage rare reflétant une douleur subie par les femmes chinoises pendant plusieurs siècles.

Fleur de neige est un fascinant voyage dans la Chine du 19ème siècle, un livre instructif et touchant à la fois, à découvrir !

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Shanghai, petite vue d’une grande ville

Dans la série musée à Shanghai, j’ai également visité le musée de l’urbanisme.

Ce musée ne m’a pas autant plus que le musée de Shanghai dont je vous parlai alors, notamment car l’exposition temporaire présentant l’exposition universelle prend trop de place à mon goût.

J’ai tout de même apprécié les photos « avant-après » présentant les métamorphoses de Shanghai à quelques dizaines d’années d’écart; et surtout, surtout, la maquette représentant la ville de Shanghai est étourdissante.

Cette maquette ressemble à une forêt d’immeubles, de gratte-ciels et nous aide à mesurer la démesure de la ville !

shanghai

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Je vous proposerai dans un prochain article des vues réelles de cette démesure toute shanghaïenne…

Connaissez-vous ce musée, vous plait-il?

En pratique: Musée d’urbanisme (Shanghai Urban planning exhibition center)
100, Renmin Dadao Place du peuple – Tél : 6372-2077

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